A la découverte du leste brun, une petite libellule très rare en Belgique

Éclos en été, le leste brun a fini par gagner les lisières des forêts où il passe la mauvaise saison. Ce comportement, qui lui a valu le nom de brunette hivernale, est unique parmi nos demoiselles et libellules.
par
ThomasW
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Les lestes bruns apparaissent chez nous au stade adulte surtout à partir de la mi-juillet. L'automne est une période d'erratisme et de divagation pendant laquelle ces insectes, à la recherche d'un lieu d'hibernation, se regroupent parfois en abondance dans les friches et les clairières. Ils se réfugient en solitaire ou en petits groupes sous les pierres, les herbes sèches, la litière ou les mousses, et entrent en léthargie pour passer l'hiver.

Les jours les plus ensoleillés de l'hiver, ils peuvent sortir de leur engourdissement et vagabonder tout à loisir dans les allées forestières. Mais ils attendent la fin mars ou le mois d'avril pour regagner les étangs afin de s'accoupler et de pondre.

Un genre à part

Leur intérêt pour les eaux stagnantes ensoleillées, même si certaines s'assèchent au cœur de l'été, est partagé par les autres espèces de la famille des lestidés, qui regroupe six espèces dans nos régions. Le genre Sympecma auquel appartient le leste brun fait référence aux ailes fermées au repos, serrées les unes contre les autres, l'insecte lui-même pouvant s'appliquer contre son support pour mieux se camoufler.

Le corps, brun clair et cuivré dans les stades juvéniles, devient brun mat pendant la période de reproduction. L'abdomen, qui dépasse à peine 3 cm, est pourvu de marques dorsales bronze sombre, en forme de torpille, sur les segments 3 à 6.

Une larve très… leste

Contrairement aux agrions, chez les lestes, le mâle qui accompagne la femelle lors de la ponte, ne se tient jamais en équilibre. Les deux conjoints se posent l'un derrière l'autre, avec les cinq ou six premiers segments de l'abdomen dans une position rectiligne et l'extrémité seule du corps recourbée.

La capacité reproductrice est améliorée par des hivers rigoureux et les hivers trop doux correspondent à une reproduction plus faible.

Les œufs éclosent trois à six semaines après la ponte, suivant le temps et la température, et il faut trois mois environ depuis l'éclosion de l'œuf jusqu'à l'émergence de l'adulte. La larve subit huit mues avec des intervalles de sept à dix jours.

Le terme de «leste» s'applique particulièrement aux larves car, de toutes les libellules, ce sont elles qui nagent le plus vite. Elles se tiennent là ou l'eau est peu profonde (moins de 50 cm), généralement dans les roselières entourant les étangs, et vivent sur le fond, sur les tiges dressées ou à la face inférieure des débris flottants.

Un record de longévité

Dans le courant de mai ou au début de juin, les adultes disparaissent les uns après les autres. Ils ont ainsi vécu, sous forme d'imago, neuf à onze mois, établissant un record de longévité: en Europe, toutes les autres espèces d'odonates ne survivent pas au stade aérien plus de deux à trois mois.

Évolution de la distribution

S'il est largement répandu dans l'ensemble de l'Europe méridionale et centrale, le leste brun est absent de Scandinavie et de Grande-Bretagne. Espèce assez rare en Belgique, ses populations se distribuaient surtout en Campine et, dans une moindre mesure, en Flandre occidentale et orientale, dans l'ouest du Borinage et en Lorraine.

Depuis 1991, le leste brun a été découvert dans de nouveaux sites (sillon Sambre-et-Meuse, Entre-Sambre-et-Meuse, Brabant…), cette recrudescence étant aussi observée aux Pays-Bas. Des températures plus élevées et une intensification de l'effort d'échantillonnage, associées à de plus fortes fluctuations de populations en limite nord de sa distribution, ont dû jouer ici un rôle important.

Avec plusieurs données très récentes d'individus isolés, le leste brun reste toujours une rareté à Bruxelles, même si une reproduction en forêt de Soignes semble probable.

Jean Rommes