Les indépendantistes catalans vivent une semaine noire

Le front des partis indépendantistes qui avait mené il y un an la Catalogne au bord de la sécession avec l'Espagne s'est rompu cette semaine alors que la base est déjà en révolte contre les dirigeants.
par
Clement
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Les deux formations séparatistes qui gouvernent en Catalogne ont perdu mardi, à l'ouverture de la session du parlement régional, la majorité dont ils disposaient depuis septembre 2015, faute de s'entendre sur la stratégie à suivre. Ensemble pour la Catalogne (JxCat), le parti du président destitué Carles Puigdemont qui s'est exilé en Belgique, voulait une nouvelle fois défier l'Etat en faisant voter des députés régionaux alors qu'ils ont été suspendus en raison de leur inculpation pour rébellion.

ERC (gauche républicaine catalane), le plus ancien des partis indépendantistes, a refusé de se prêter à cette désobéissance qui aurait exposé aux foudres de la justice un de ses principaux dirigeants en liberté, le président du parlement régional Roger Torrent. Il a rejoint l'opposition pour bloquer la manoeuvre de JxCat, dont les quatre députés suspendus n'ont pas pu voter. Résultat, le gouvernement catalan n'a plus que 61 appuis parmi les 135 députés régionaux. Et même en comptant le petit parti de gauche radical CUP, les séparatistes n'ont plus que 65 députés, alors qu'ils avaient réussi à conserver la majorité absolue aux élections de décembre dernier, malgré l'échec de leur proclamation d'indépendance du 27 octobre.

Dans la foulée, les séparatistes ont échoué à faire voter des résolutions non contraignantes mais hautement symboliques pour leur mouvement, dont une qui réaffirmait le droit à l'autodétermination, leur principale revendication.

Tenir jusqu'au procès

«Ils ne nous diviseront pas. Nous irons jusqu'au bout», a lancé mercredi le président régional Quim Torra, alors que l'opposition le défie de convoquer des élections anticipées. Son gouvernement veut tenir jusqu'à la sentence dans le prochain procès des dirigeants poursuivis pour leur rôle dans la tentative de sécession.

Le procès doit s'ouvrir au début de 2019 et les indépendantistes espèrent que des condamnations sévères provoqueront un sursaut d'unité dans le mouvement. «Je ne sais pas s'ils peuvent durer autant de mois», a commenté Oriol Bartomeus, professeur de sciences politiques à l'Université autonome de Barcelone. «Je ne dirais pas que le gouvernement va tomber mais il est dans une position périlleuse, pas tellement faute de majorité mais en raison de ses divisions internes, parce qu'il est manifeste que les deux partis ne s'entendent pas».

Les relations entre ERC et la formation de Puigdemont ont toujours été tendues parce qu'ils se disputent la direction du mouvement. «Maintenant c'est un tour de vis supplémentaire: ce n'est plus seulement une rivalité électorale mais ils ont deux visions stratégiques divergentes», dit Oriol Bartomeus. L'arrivée au pouvoir à Madrid du socialiste Pedro Sanchez, qui se montre prêt au dialogue avec eux, a aggravé les différences, a-t-il ajouté. Les partisans de Puigdemont croient que la seule façon d'obtenir quelque chose de Madrid est d'entretenir la tension. ERC préfère l'apaisement pour continuer patiemment à attirer plus d'électeurs à la cause indépendantiste, qui avait recueilli 47% des voix aux dernières élections.

La base se rebelle

Torra, un militant radical sans expérience du pouvoir, fait de l'équilibrisme. Il négocie avec le gouvernement de Pedro Sanchez tout en appelant à la mobilisation permanente dans des déclarations incendiaires. Mais la base perd patience. Le premier octobre, anniversaire du referendum d'autodétermination interdit, les manifestants ont réclamé sa démission et tenté de prendre d'assaut le parlement. Les militants qui il y a un an affrontaient les policiers envoyés par Madrid pour les empêcher de voter se sont battus ce soir là contre la police régionale sous les ordres de Torra, qui les avait encouragés à manifester.

La puissante association indépendantiste ANC, organisatrice des manifestations massives de ces dernières années, lui a lancé un ultimatum. S'il ne présente pas avant 2019 une stratégie pour faire de la République catalane une réalité, elle lui retirera son appui.