Au Mali, un concours de danse télévisé ressuscite une unité menacée

Une Peul qui triomphe devant une audience survoltée sur des rythmes songhaï du nord du Mali, une danse sénoufo du Sud interprétée par un candidat du Nord ... Bamako a vibré au son de l'unité retrouvée, le temps d'un concours de danse télévisé.
par
Clement
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La finale de Faso Don ("les danses du pays" en langue bambara) le 6 octobre dans la grande salle bondée du Palais de la Culture, d'une capacité de 3.000 places, a marqué l'aboutissement de six semaines de cette émission de télé-réalité centrée sur la danse, imaginée par le chorégraphe et danseur malien Sekou Keïta.

Depuis longtemps, Sekou Keïta rêvait de remettre à l'honneur les danses traditionnelles du Mali, qui compte une vingtaine de communautés: Bambara, Malinké, Dogon, Peul, Bozo, Songhaï, Touareg, Arabe... Mais ce n'est que six ans après le début de la crise dans laquelle le pays est plongé que son projet a enfin pu voir le jour. Au moment où, malgré un accord de paix en 2015, les violences jihadistes ont non seulement persisté, mais se sont propagées du nord vers le centre et le sud du pays, se mêlant souvent à des conflits intercommunautaires. "Nos danses sont variées, il y a plusieurs ethnies, on a cette chance, cette richesse culturelle", se félicite Sekou Keïta. Mais le directeur artistique de l'émission se désole que les danses ivoiriennes, comme le coupé-décalé, ou sénégalaises, n'aient plus de secret pour les danseurs maliens, alors qu'ils méconnaissent souvent celles de leur propre pays.

Le chorégraphe a donc imaginé un concours où chaque candidat était invité à s'initier à une danse traditionnelle d'une autre région que la sienne. Le programme, diffusé sur la chaîne panafricaine Africable, a débuté après une série de castings dans chacune des régions du pays pour sélectionner les huit candidats qui ont partagé leur quotidien dans une villa à la périphérie de Bamako. Les candidats y ont alterné les répétitions et enregistrements des émissions au Palais de la Culture, présentant chacun tour à tour une danse de sa propre région et une d'une autre partie du pays.

Vote du public

Finaliste, Mohamed Kassogué, candidat dogon originaire de Mopti (centre) s'est illustré par une prestation de danse contemporaine accompagnée de masques lors de son dernier passage sur scène. Désormais assuré de l'appui de sa famille, il est plus que jamais décidé à faire carrière dans la danse. "Ma famille me soutient très fort. Ils sont contents et ils voient désormais que la danse a de la valeur. Et ils sont fiers de moi : chaque fois ils m'appellent pour me féliciter", se réjouit-il.

"Ils savent maintenant que la danse c'est pas quelque chose de mauvais", poursuit le jeune homme, originaire de la région qui concentre les violences les plus sanglantes, et où les jihadistes font régner leur loi dans de nombreux secteurs. Les spectateurs et téléspectateurs qui avaient la possibilité de participer au vote désignant le vainqueur avaient chacun leur favori. "Je suis venu voir ce show car moi aussi je suis danseur, je danse depuis 2006, je fais du hip-hop", explique Oumar Tamboura venu assister aux trois heures d'enregistrement de l'émission pour soutenir une des candidates, sa "petite sœur" Aïssata Konaté. "Donc ça m'a motivé pour venir car c'est la première fois que je vois quelque chose de ce genre car auparavant les gens ne s'intéressaient pas à la danse traditionnelle, ce qui concernait la tradition, les coutumes", ajoute-t-il.

Chaque candidat effectuait sa prestation accompagné d'un artiste de renom tel que Bassékou Kouyaté, Habib Koité, Oumou Sangaré ou encore Babani Koné. C'est finalement la Peul Rokia Diallo, de Sikasso (sud), qui a conquis le jury par sa prestation de takemba, une danse songhaï, en tenue typique du nord du pays.

L'application de l'accord de paix au Mali, censé isoler définitivement les jihadistes qui avaient pris le contrôle du nord du pays en 2012 jusqu'au lancement en 2013, à l'initiative de la France, d'une intervention militaire, qui se poursuit, accumule les retards. Il prévoit notamment un processus d'intégration des combattants des groupes armés signataires au sein d'une armée nationale restructurée, plus représentative des populations du Nord en particulier, pratiquement au point mort.