Un petit coin de paradis pour des éléphants en fin de vie

Les spectacles ou balades à dos d'éléphant font partie des activités touristiques les plus réputées de Thaïlande. Pourtant, les animaux sont rarement bien traités et ceux ne pouvant plus générer de revenus meurent, généralement laissés à l'abandon. Pour lutter contre ce phénomène, Brigitte Donneux, qui vit en Thaïlande depuis six ans, a créé un crowdfunding afin de construire un havre de paix pour les éléphants.
par
Camille
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En 2016, le quotidien le Monde écrivait un article sur les dix attractions touristiques les plus cruelles pour les animaux. Au sommet de ce classement, on retrouvait la balade à dos d'éléphants. «Pour parvenir à rendre le pachyderme docile, il faut lui infliger de nombreuses souffrances. Arraché à sa mère petit, l'éléphanteau est soumis à un rituel appelé ‘phajaan', qui signifie briser l'éléphant, c'est-à-dire séparer son âme de son corps pour l'amener à obéir. Pendant plusieurs jours, il est enchaîné et traumatisé», écrivait la journaliste à l'époque. Il y a peu, Julien, ex-volontaire chez Wildlife Friends Foundation Thailand, dénonçait aussi cette maltraitance animale. «Un éléphant dressé est toujours un éléphant maltraité. On avait notamment une éléphante, qui n'était plus enchaînée mais qui agissait comme si elle était toujours enchaînée», lançait-il.

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C'est face à ce constat que Brigitte Donneux veut lancer Baan Mama (la maison de maman), un centre pour les éléphants malades, âgés ou fatigués. «Ces éléphants ne pouvant plus générer de revenus pour leurs propriétaires et ne trouvant pas d'acheteurs sont condamnés à mourir dans l'indifférence. Ils ont particulièrement besoin d'une nourriture adaptée à leur condition, de soins vétérinaires et de beaucoup d'amour», explique-t-elle.

A la rencontre de l'animal

Pour mener à bien son projet, elle a trouvé un lieu paisible de trois hectares situé à 40 kilomètres de Kanchanaburi, à l'ouest du pays.

À cet endroit se trouve un ancien hôtel abandonné entouré d'un terrain boisé de trois hectares. C'est sur ce terrain que les éléphants seront placés. «Je choisis de louer les éléphants car je préfère investir dans leur bien-être et leurs infrastructures que de les acheter», détaille-t-elle. Elle estime qu'un propriétaire qui loue un éléphant n'en achètera pas un autre, alors que celui qui vend son éléphant en achètera directement un autre pour le mettre en location ailleurs. «Dans la plupart des cas, en Thaïlande, acheter un éléphant est un investissement au même titre qu'un bien immobilier». Le terrain sera clôturé pour que les éléphants ne puissent pas ravager les champs voisins. Une manière de ne pas enchaîner les animaux, comme c'est le cas dans la plupart des lieux touristiques asiatiques.

Au niveau pratique, les éléphants seront nourris plusieurs fois par jour et se baladeront au gré de leurs envies à travers la forêt ou dans la rivière.

L'hôtel abandonné sera lui réhabilité pour accueillir des touristes. Le but est de se démarquer en créant un espace de rencontre entre les hommes et les éléphants, le tout dans un lieu protégé et dans le respect de l'animal. L'aspect financier n'est bien sûr pas négligeable. Brigitte Donneux estime à 1.300 € les frais que représente un éléphant mensuellement: 500 € pour la nourriture et les soins vétérinaires, 400 € pour la location de l'éléphant et 400 € de salaire pour la personne qui s'en occupe. L'hôtel se voudra 100% accessible pour les personnes à mobilité réduite. «À ce jour, il n'existe aucun camp, centre ou parc prévu accessible aux PMR, donc aucune possibilité pour eux d'entrer en contact avec les éléphants».

Une première découverte à 19 ans

Brigitte Donneux est une ancienne cuisinière active dans la restauration en Belgique. Elle a rencontré son premier éléphant lorsqu'elle avait 19 ans, en Afrique. Mais c'est en septembre 2015 qu'elle a rencontré l'animal qui allait changer sa vie. «J'étais assise sur un banc, buvant mon café en admirant la vue sur le lac de Khao Laem. J'ai soudain senti une présence derrière moi. Au niveau de mes yeux, des pattes énormes! J'ai levé la tête et elle a plongé son regard ambre dans mes yeux. Elle était là devant moi immobile, majestueuse et impressionnante de beauté. Le temps s'est arrêté.» Depuis ce jour, Brigitte a passé deux ans à côtoyer les pachydermes et à apprendre leur style de vie. «J'ai appris à les connaître, à distinguer un coup de trompe joyeux d'un fâché, ainsi qu'à comprendre leurs différents ronronnements. J'ai marché, ri, nagé, je les ai baignés, nourris et j'ai soigné leurs bobos.» Deux années à côtoyer les animaux avant de se lancer dans ce projet un peu fou.

Pour réaliser son «havre de paix», Brigitte doit récolter 25.000 €. Presque l'entièreté de ces travaux concerne la réhabilitation de la zone de trois hectares et la création d'un «hôpital» pour les éléphants du site.