Mondial de l'Auto à Paris: les constructeurs dans le doute

Des résultats encore récemment au beau fixe, mais des nuages à l'horizon. Une série de nouveaux modèles électriques, mais un marché incertain. L'industrie automobile, réunie au Mondial de l'Auto à Paris à partir de mardi, semble assaillie par le doute.
par
Clement
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Le doyen des salons du secteur, qui est aussi le plus fréquenté au monde, fête ses 120 ans avec un clin d'oeil historique, une parade de voitures anciennes dimanche après-midi sur les plus belles avenues de la capitale française. Mais il est surtout préoccupé par l'avenir et espère tirer profit d'une série d'innovations pour convaincre des constructeurs qui le boudent de plus en plus.

Le salon parisien s'ouvre cette année aux deux-roues avec le Mondial de la Moto. Il se veut désormais un rendez-vous de la mobilité, au sens large, avec par exemple une piste d'essais pour tester des vélos et trottinettes électriques. Les organisateurs ajoutent aussi un salon réservé aux professionnels, Mondial.Tech, qui accueillera des start-ups du monde entier.

Ambiance morose

Pourtant, Ferdinand Dudenhöffer, directeur de l'institut allemand Center Automotive Research (CAR) prévoit «une ambiance morose à Paris» et «des temps difficiles pour l'industrie automobile». L'équipementier Continental, puis les champions allemands du haut de gamme Daimler et BMW ont, tour à tour, revu à la baisse ces derniers mois leurs prévisions de bénéfice pour 2018.

Après huit années de croissance ininterrompue et des résultats records jusqu'à l'an dernier, les experts dressent tous la même liste des menaces à court terme: guerre commerciale déclenchée par Donald Trump, Brexit, sanctions contre l'Iran, déclin du diesel, chute des devises de plusieurs pays émergents, et ralentissement mondial de la demande... Particulièrement pessimiste, M. Dudenhöffer anticipe une baisse des ventes mondiales de 1,4% l'an prochain, avec 85 millions de nouvelles voitures immatriculées sur les 15 plus gros marchés internationaux. Selon lui, les deux premiers marchés mondiaux, Etats-Unis et Chine, baisseront ensemble de 4%.

D'autres annoncent un simple ralentissement, comme Maxime Lemerle, expert automobile chez Euler Hermes, qui parie sur 1,9% de croissance en 2019 après +3% cette année. Cependant, «les industriels sont dans une période de turbulences et la question se pose de leur capacité à s'adapter aux changements profonds du monde automobile», a-t-il déclaré.

Parmi ces changements, M. Lemerle évoque l'essor de la voiture électrique, qui reste à un niveau extrêmement minoritaire, à près de 1% du marché mondial, mais progresse de 50% par an. A plus long terme, les constructeurs doivent investir des sommes colossales pour inventer la future voiture autonome, connectée et partagée dont tout le monde prédit l'avènement. Particulièrement attentifs à leurs dépenses, les groupes automobiles seront nombreux à bouder le rendez-vous parisien, autrefois considéré comme incontournable. Parmi les absents: General Motors, qui ne vend quasiment plus de voitures en Europe, Ford et Fiat Chrysler, mais aussi Nissan, ainsi que les marques Volkswagen, Opel, Volvo, Mitsubishi...

Le secteur automobile se tourne vers la Chine

«Le Mondial de l'Automobile à Paris se transforme en salon régional», un déclin qui touche aussi Detroit, Francfort ou Tokyo, constate M. Dudenhöffer, pour qui les seuls vrais salons internationaux du secteur sont désormais en Chine, pays qui rassemble à lui seul près d'une immatriculation sur trois. «Le centre du monde automobile aujourd'hui c'est la Chine», constate aussi Flavien Neuvy, de l'Observatoire Cetelem de l'automobile.

Les groupes présents profiteront cependant du vide laissé par la concurrence pour attirer la lumière sur leurs nouveautés électriques. Audi, avec sa nouvelle E-Tron, ou Mercedes, avec l'EQC, exposeront leur réplique aux modèles de l'américain Tesla, lui-même présent avec son nouveau Model 3 attendu pour 2019 en Europe. BMW exposera un grand nombre de nouveaux modèles, dont la nouvelle génération de la Série 3 en première mondiale.

Côté français, la citadine électrique DS3 Crossback et le SUV C5 Aircross de Citroën devraient tenir la vedette, tout comme des concepts cars électriques et autonomes de Peugeot et Renault. Le public pourra aussi rêver devant les luxueuses Aston Martin, Ferrari, Lamborghini, Maserati ou Porsche... Après les deux journées réservées à la presse, mardi et mercredi, des centaines de milliers de personnes sont attendues à partir de jeudi et jusqu'au 14 octobre.