Collemboles: des recycleurs à ressort

Présents dans le monde entier, les collemboles sont des organismes clés pour la bonne décomposition de la litière du sol. Leurs caractéristiques sont aussi étonnantes que les possibilités graphiques qu'ils offrent au photographe amateur.
par
Laura
Temps de lecture 3 min.

Se plonger dans la litière (ce mélange de feuilles mortes, de bactéries, champignons, micro-algues, unicellulaires et petits invertébrés), c'est un peu comme voyager dans le temps. En effet, on n'y croise que des organismes anciens, présents depuis la nuit des temps. Tout d'abord les bactéries, vieilles d'au moins 3 milliards d'années. Les unicellulaires, ensuite, qui existent depuis au moins 1,5 milliard d'années. Et enfin les champignons, qui ont colonisé la planète depuis environ 450 millions d'années.

Tous ces organismes sont ce que l'on appelle des décomposeurs. Ils consomment, transforment, et recyclent les feuilles, les arbres et les animaux morts en forêt. Parmi ces décomposeurs, on trouve les petites bêtes qui nous intéressent. Ils sont très anciens, présents depuis près de 400 millions d'années sur terre. Mais ils sont bien moins «primitifs» que les champignons et les bactéries. Il s'agit des collemboles.

Pas tout à fait des insectes

Ces petits arthropodes ont 6 pattes et ont longtemps été considérés à tort comme des insectes, auxquels ils ressemblent. Comme les insectes, ce sont bien des hexapodes, mais ils en sont la classe sœur, et en sont bien séparés. Ils sont minuscules, seulement quelques millimètres en moyenne pour les plus costauds (jusqu'à 4 mm pour l'espèce qui illustre principalement cet article: Dicyrtomina ornata). Ils ont des aspects extrêmement variés: globulaires ou allongés, poilus ou glabres, de différentes couleurs. Ils sont présents partout dans le monde, depuis le bord de mer, jusqu'à plus de 6.000 m d'altitude sur les contreforts de l'Himalaya. Les collemboles, c'est du solide!

Il ne s'agit pas d'insectes, mais comment faire la différence? Facile, grâce à la présence d'un organe très particulier: la «furca». Ce petit appendice segmenté, unique dans le règne animal, est un organe qui participe à la meilleure défense du collembole en cas d'attaque d'un prédateur (ou d'un photographe pourtant pacifique): la fuite. La furca est en effet une sorte de ressort naturel, que le collembole peut tendre ou détendre selon qu'il doive fuir ou non. Au moyen de ce ressort surpuissant, le collembole stressé peut effectuer des bonds équivalents à plus de 100 fois sa propre taille. L'équivalent de deux atomiums posés l'un sur l'autre à l'échelle d'un humain. Ça donne le vertige.

Un maillon essentiel du cycle forestier

Ce n'est pas uniquement cette particularité morphologique qui rend les collemboles intéressants dans nos forêts. Dès qu'un sol est disponible, on en trouve! En effet, on en dénombre 211 espèces en Belgique et plus de 8.000 espèces à travers le monde. On estime même à 50.000 le nombre réel d'espèces, tant on en découvre de nouvelles chaque année. La plupart vivent dans le sol et à sa surface immédiate, dans les feuilles mortes. Mais il ne faut pas être dupe, ces petits animaux ont leurs menus préférés. En effet, si on ne trouve qu'environ 10.000 individus/m² dans un jardin ou un champ cultivé, ils sont parfois plus de 300.000 individus/m² dans le sol d'une forêt de chênes.

Par leur alimentation composée de feuilles en décomposition, mais aussi de bactéries, et de champignons décomposeurs, les collemboles sont des acteurs majeurs dans la mobilisation et la circulation des nutriments (azote, potassium, phosphore, carbone…). En plus de transporter les spores de champignons, ils agissent en véritables fermiers en régulant et stimulant les populations microbiennes, rendant ainsi disponibles pour les végétaux des nutriments qui seraient restés immobiles au sein de ces micro-organismes.

Le rôle de ces petits consommateurs de feuilles méconnus est donc primordial pour le bon fonctionnement de nos forêts, tant pour la circulation et la transmission que pour la disponibilité des éléments nutritifs. Ils sont les recycleurs de nos massifs forestiers et sans eux, nos forêts ne seraient qu'un désert.

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