L'incroyable "Manneken trip" d'un jeune Belge à travers les Amériques

Arnaud Maldague, le Bruxellois de 29 ans qui ambitionne de traverser les Amériques à l'aide de moyens de transport uniquement non-motorisés, vient de franchir la frontière entre le Canada et les Etats-Unis, a-t-il annoncé jeudi à l'agence Belga par téléphone.
par
ThomasW
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Après avoir skié et pédalé durant près de six mois, le jeune homme est plus motivé que jamais à servir la cause climatique lors de son périple intitulé "The Manneken trip". Il vient en effet de parcourir près de 3.000 kilomètres, dont environ 260 le long d'une ligne de chemin de fer très controversée du deuxième plus vaste pays au monde.

Après deux ans de préparation, l'intrépide a entamé son parcours de 35.000 kilomètres, soit deux ans et demi d'expédition, le 15 janvier dernier à Kugaaruk, un village du nord-est canadien. La première étape du Grand Nord s'est déroulée à ski, sous un climat rude et des journées très courtes de quatre ou cinq heures. Sa progression a été particulièrement lente durant les premiers jours sur la banquise en raison de vents forts, de la présence massive de blocs de glace compressée, de quelques engelures et de son équipement plus lourd qu'escompté, soit une pulka de plus de 100 kilos de matériel.

BELGA PHOTO CAROLINE CORBIAU

Victime d'une attaque d'ours polaire

Mi-février, le jeune Belge, qui ingère un kilo de nourriture par jour, soit 5.000 kcal, pour supporter le froid, a même affronté une température ressentie de -58° (température réelle de -44° avec un un vent soufflant à 18km/h) avant de remettre le pied sur la terre ferme, à Rankin Inlet. Un mois plus tard, après avoir traversé sans encombres le Parc National de Ukkusiksalik, zone à risque où de nombreux ours polaires sont présents, Arnaud s'est senti pousser des ailes et a définitivement abandonné l'idée de planter son système d'alarme anti-ours pour la nuit.

Or, le 20 mars, vers 03h00 du matin, il a été victime d'une attaque du "seigneur de l'Arctique", comme il le nomme. Abasourdi dans un premier temps, il a ensuite pu réagir et faire fuir l'animal qui tentait de partir avec son matériel. "Au moment même, c'est l'instinct de survie qui parle. Mais je me suis aussi dit 'Arnaud, t'es vraiment trop con de ne pas avoir installé ton dispositif'. Tout s'est passé très vite. J'ai ensuite passé le reste de ma nuit à réparer ma tente et ma pulka que l'ours avait déchirées. Je l'ai à nouveau aperçu à 08h00 du matin", raconte le téméraire.

S'il a pris un peu de retard sur son programme, le jeune homme est tout de même satisfait d'avoir pu rallier Churchill avant que les cours d'eau n'aient totalement dégelé. "C'était la partie la plus dangereuse, un énorme challenge; c'était quelque chose d'intense. J'étais content de sortir des routes, de me retrouver seul, de vivre mon expérience pour ensuite la partager avec les communautés Inuits (qui parlent anglais) que j'ai rencontrées sur mon parcours. On se sent finalement moins seul au milieu de nul part que seul dans une grande ville", philosophe-t-il.

De Churchill vers Winnipeg à vélo

Fin mai, l'aventurier a entamé son voyage de Churchill vers Winnipeg à vélo. C'est là qu'il a longé une voie de chemin de fer, entouré par la forêt boréale. L'an dernier, la région a subi d'importantes inondations, occasionnant une dégradation du dispositif ferroviaire, "unique moyen d'approvisionnement terrestre", souligne Arnaud. "Coincé dans un drame politique, il n'y a toujours pas de train depuis plus d'un an, ce qui a fait grimper les prix, entraîné des réductions d'emplois et une mobilité réduite pour Churchill ainsi qu'une partie de la région de Kivalliq (Nunavut) qui dépend aussi du fret ferroviaire." Si la société privée propriétaire du chemin de fer a refusé de réparer la ligne, des dizaines de communautés locales se sont récemment jointes à deux entreprises pour racheter la voie. Aucune date n'a toutefois encore été fixée pour les réparations.

Fin du périple en 2020

Arrivé le 24 juin à Winnipeg, le Bruxellois s'est reposé et a pris du temps pour planifier sa prochaine étape: la descente en kayak du Mississippi, qu'il entamera mi-juillet. Il parcourra ainsi 3.780 kilomètres, du lac Itasca jusqu'à son delta, à la Nouvelle Orléans. "Je n'ai jamais fait d'expédition prolongée en kayak mais je suis ravi de changer d'environnement. Le plus gros challenge sera le passage d'une petite rivière au début à un fleuve de 10-15 kilomètres de large, avec de grosses variations d'environnement vu que le Mississippi, qui est le 4e plus long fleuve au monde, s'étend du Nord au Sud."

Arnaud devra aussi gérer la rencontre avec les crocodiles. La traversée devrait durer entre deux et trois mois. Suivront ensuite la mer des Caraïbes en voile, la jungle amazonienne en pirogue et en marchant, l'Argentine à cheval et enfin la Patagonie à pied. Au total, le Belge aura traversé 16 pays. Outre l'aventure humaine et sportive, Arnaud souhaite mettre en avant des initiatives environnementales concrètes et aller à la rencontre d'acteurs de terrain. Le périple s'achèvera d'ailleurs autour de 2020, soit la date butoir pour atteindre les premiers objectifs des accords de Paris.

"Je veux laisser la plus faible empreinte écologique possible"

A Churchill, le jeune homme qui vient de traverser le 49e parallèle a réalisé deux interviews: l'une au sein d'un centre scientifique qui étudie notamment le permafrost, l'autre au sujet d'une serre aquaponique en container qui produit des salades à bas prix toute l'année. "La dimension environnementale de l'expédition me tient à coeur. Je veux laisser la plus faible empreinte écologique possible. Le 'Manneken Trip' sera l'occasion pour moi de promouvoir des initiatives socio-écologiques à travers les Amériques, pour montrer comment des gens inspirants sortent chaque jour de leur zone de confort pour améliorer le monde", conclut-il.