Marrakech du Rire : Rencontre en toute intimité avec Jamel Debbouze

Ce week-end a eu lieu la 8e édition du Marrakech du rire à laquelle nous avons assisté. Au programme: fous rires en tous genres. Et une rencontre en toute intimité avec son fondateur: Jamel Debbouze.
par
Maite
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C'est la 8e édition du Marrakech du Rire. Au bout de huit éditions, vous êtes rodés?

«Ah non pas du tout, Madame! (rires) Désolé mais pas du tout. On ne va pas vous mentir. C'est nous, tu vois! Aucune organisation. C'est cela qui est génial. On n'a jamais eu deux festivals identiques. Ça a son lot d'imprécisions… mais on kiffe!»

Vu le succès du festival, n'avez-vous pas envie d'exporter le concept?

«J'ai déjà trop été producteur. J'ai passé trop de temps à être une espèce de capitaine ou de chef d'entreprise. C'est ce qui me va le moins bien, finalement. J'adore être en contact avec les artistes, bien sûr, mais ces dix dernières années, je me suis mis en retrait artistiquement. J'ai construit ma famille mais je me suis aussi beaucoup consacré au Marrakech du rire et au Comedy Club. Je me suis oublié en tant qu'artiste. Là je remonte sur scène. J'ai une soif de faire rire les gens sur scène comme au cinéma. De jouer. Et d'être un peu plus égoïste.»

Aujourd'hui, au Marrakech du rire, on retrouve du cinéma, de la danse… de plus en plus de disciplines.

«Mon métier à la base, c'était danseur. Je trouve que les danseurs sont le meilleur groupe social au monde. Ils ont de l'entrain, il y a de la joie. Quand tu les vois travailler, c'est une leçon de vie. Tu peux leur demander de faire 120 fois la même chorégraphie, ils la referont dans la joie et la bonne humeur. Ce n'est pas le cas des comédiens. Tu leur demandes de faire une italienne, après ils en ont marre, ils veulent faire une espagnole (rires). Ils veulent vite passer à autre chose. Les danseurs, ça me semblait logique, ça met une patate de fou! Dès que j'ai l'occasion de faire un événement, j'appelle des danseurs. Le cinéma, c'est notre cousine. C'était presque naturel de créer une émulation ici. Mon kif, ça serait de mettre de la lumière sur des peintres contemporains. Je veux que le Marrakech du rire devienne le carrefour de toute la culture. Je suis convaincu que c'est l'issue. Le prétexte, c'est le rire. La finalité, c'est d'être tous ensemble, de rêver et de créer de nouvelles perspectives.»

MDR2018

Comment trouvez-vous de nouveaux talents? Comment les remarquez-vous?

«C'est eux qui nous trouvent! La chance qu'on a eue, c'est d'avoir trouvé un succès immédiat dans le cœur des jeunes avec le Jamel Comedy Club. Aujourd'hui, que ça soit Thomas N'Gijol, Blanche Gardin, Malik Bentalha, Fabrice Éboué, Alban Ivanov…, ce sont des gens qui sont venus à nous. On a créé le groupe du Comedy Club, et ils savent que dans cette maison, si tu taffes et as des choses à dire, tu peux en vivre. Et ça, c'est mieux que le loto. Le loto, c'est un poids. Tu n'es pas préparé à gagner autant d'argent, et tu deviens dépressif. Alors que quand tu construis ta carrière et que tu travailles d'arrache-pied pour monter ton spectacle, et que tu as du retentissement, immédiatement, tu en vis! Et ça, c'est concret.»

Est-ce que c'est sexy, l'humour?

«Grave! (rires). C'est vrai que ça expliquerait pourquoi il y a peu de femmes. Dans l'inconscient collectif, c'est nous qui faisons rire, qui sommes forts. Alors que non! Moi, ma femme est plus forte que moi! À la bagarre en tout cas (rires).»

Y a-t-il un briefing de votre part? Interdisez-vous certains sketchs?

«Je ne peux pas dire aux artistes de ne pas faire un sketch. Cela m'est impossible. Toutefois, je peux poser la question. Je peux émettre un doute pour que l'artiste prenne conscience de ce qu'il est en train de faire. Mais en aucun cas, je peux le brider, c'est impossible!»

On connaît l'éternelle question: peut-on rire de tout? Quelle est la part de responsabilité d'un humoriste?

«Les artistes d'une manière générale ont la responsabilité extrêmement importante de faire en sorte qu'on vive mieux ensemble. Toutes les voix sont bonnes à entendre. Il faut que les gens aient le droit de s'exprimer. C'est comme ça qu'on exorcise les choses. Il y a des sketchs qui peuvent me choquer, d'autres qui peuvent me décevoir… mais je continuerai à les encourager!»

Pourquoi y a-t-il peu de femmes humoristes? 

Le festival a mis la lumière ce week-end sur Camille Lellouche, une star montante de la scène française. «Elle a une énergie extraordinaire, ça se voit tout de suite», explique Jamel Debbouze. «Elle a un lâcher prise qu'ont peu de personnes. Elle ne se regarde pas. C'est ce qui me fait le plus kiffer: elle ne se juge pas. C'est notre vitamine C, Camille.» Camille Lellouche fait partie des privilégiées de la scène humoristique.

Encore à l'heure actuelle, on assiste à peu de one-woman-show. «C'est notre grand problème depuis le début! C'est le vrai souci de ce métier», déplore Jamel Debbouze. «Elles ne sont pas assez nombreuses. Ou elles sont dans la provoc, et on a envie de leur dire que ce n'est pas parce qu'elles sont des meufs, qu'elles doivent parler de leur cul. On a envie qu'elles parlent de leur féminité, d'elles, de leurs tares, de leurs faiblesses… Comme les ‘rebeus' ou les ‘renois' qui arrivent sur scène pour la première fois et qui se sentent obligés de parler de leurs origines. On en est plus à ça, on a dépassé ça.»

Jamel Debouzze compare le milieu humoristique au football: «ce sont les hommes qui ont commencé et aujourd'hui, on a une Coupe de Monde de football féminin qui se jouera en France». Pour l'humoriste, l'humour n'est pas un milieu macho. «Ce sont les filles qui ne se sont pas appropriées le milieu.» Jamel veut donc lancer un appel aux filles: «Lancez-vous, Mesdemoiselles, Mesdames. On a farouchement besoin de vous entendre!»

Chaque année, le gala de clôture est regardé par des millions de téléspectateurs. «On ne peut pas se rater», explique Jamel Debbouze. Pour cette 8e édition, l'humoriste a réuni autour de lui les plus grands noms du milieu: Gad Elmaleh, Kad Merad, Michèle Laroque, Kev Adams, Malik Bentalha… étaient présents. Mais le Marrakech du rire, c'est aussi l'occasion de découvrir de jeunes talents. Pour ce 8e gala, le fondateur du festival met notamment sous le feu des projecteurs Camille Lellouche, Roman Frayssinet et Elodie Poux.

Le gala sera diffusé sur M6 le 5juillet, sur Plug RTL dans les prochaines semaines et sur TV5 Monde en fin d'année.