"Il y a urgence à agir pour la biodiversité en Belgique"

Les études témoignant de la perte de biodiversité se multiplient. «On tarde pourtant à prendre les mesures nécessaires», déplore Patrick Dupriez, le coprésident d'Ecolo. Une situation qui l'inquiète, alors que la biodiversité est ce qu'il appelle «notre assurance vie».
par
Camille
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La perte de biodiversité en Belgique vous inquiète?

Belga / T. Roge

«D'année en année, de rapport en rapport, le constat ne fait que s'aggraver. La biodiversité disparaît à grande vitesse dans notre pays. Les abeilles, et les autres pollinisateurs sauvages, sont menacées. Ils sont pourtant essentiels à la production de notre nourriture. Selon L'Union pour la conservation de la nature, plus de 25.000 espèces sont menacées au niveau mondial. Dans nos villes, la population de moineaux a diminué de 90%. C'est un niveau tel que les scientifiques s'inquiètent d'une sixième extinction des espèces! (la 5e, celle des dinosaures, est intervenue il y a 65 millions d'années, ndlr).»

De plus en plus de citoyens se préoccupent pourtant de ce phénomène…

«Oui et non. Il y a une prise de conscience, en effet, et c'est important. Mais celle-ci se focalise sur quelques animaux emblématiques, comme le panda, sans vraiment s'intéresser au sort d'autres espèces. Elles rendent pourtant de nombreux services à l'espèce humaine. Elles épurent l'eau, assurent la pollinisation… Ces services écosystémiques sont essentiels à l'activité humaine. C'est notre assurance vie: sans le travail de ces espèces, l'espèce humaine est menacée. La prise de conscience doit donc se poursuivre, et, surtout, elle doit se produire des actes.»

En Belgique, quelles sont les mesures à prendre pour inverser la tendance?

«Il y a beaucoup à faire, mais la première chose est de changer de perspective. La biodiversité ne doit plus être le simple aspect d'autres politiques, comme la politique économique, la politique agricole… Il faut, à l'inverse, que toutes les politiques soient subordonnées à une stratégie globale pour préserver notre environnement. On connaît les causes du marasme: de vastes plaines agricoles sont devenues des déserts biologiques qui font fuir les espèces sauvages, l'extension des villes et zonings détruits les habitats de la faune et de la flore, les forêts sont gérées pour être productives et non pour préserver la biodiversité… Au Parlement wallon, nous venons de déposer, avec Hélène Ryckmans et Philippe Henry, une résolution avec d'inverser la tendance (voir ci-dessous).»

Les mesures déjà prises ne suffisent pas?

«Loin de là, comme le montrent différents rapports. Le gouvernement wallon a bien pris quelques ‘mesures sympathiques', mais cela ne suffit pas à faire bouger les choses. On nous propose des labels de qualité, de durabilité, de mieux informer le consommateur… Tout cela est bien sympathique, mais cette manière d'agir a montré ces limites: concrètement, rien n'a bougé.»

 

Vous appelez, notamment, à multiplier les partenariats avec tous les acteurs prêts à préserver la biodiversité.

«C'est essentiel. Les pouvoirs publics doivent travailler avec des associations, qui ont une expertise en la matière. En Wallonie, Natagora gère des espaces protégés et favorise les contacts en les citoyens et la nature. Ils organisent des promenades, des formations, et cela rencontre beaucoup de succès. De même, il faut soutenir des groupements citoyens prêts à défendre des espaces. Il ne faut négliger le secteur privé, qui montre parfois un grand intérêt pour la préservation de la biodiversité. À Louvain-La-Neuve, l'entreprise IBA fait figure de pionnier. Elle utilise des espaces qui entourent ses bâtiments pour préserver la biodiversité. Et des particuliers peuvent avoir un impact, en décidant que consacrer ces parcelles à la régénération de la nature. Il faut impliquer un maximum d'acteurs, car il n'y a pas de petites actions.»

Les propositions d'Ecolo pour la Wallonie

Les députés Hélène Ryckmans et Philippe Henry ont déposé une résolution au Parlement wallon pour prendre l'enjeu de la biodiversité à bras le corps. Les citoyens sont invités à donner leur avis sur le site du Parlement.

- Se diriger au plus vite vers une Wallonie sans pesticides.

- Augmenter la part des zones protégées On n'en compte que 1,18% en Wallonie, alors que selon les scientifiques, il faudrait au minimum 5 à 10% pour permettre à la biodiversité de se régénérer.

- Restaurer au moins 15% des zones Natura 2000 dégradées (des zones protégées, mais où un certain niveau d'activité est toléré, ndlr).

- Supprimer les aides publiques et avantages fiscaux qui portent préjudice à la biodiversité

- Réformer la fiscalité verte afin d'encourager les bonnes pratiques (avec, par exemple, une TVA à 21% et non 12% sur les pesticides).

- Initier des assises de la biodiversité, afin de fédérer l'ensemble des acteurs (agriculteurs, forestiers, entreprises, chercheurs…) afin d'élaborer une stratégie commune.