Après une semaine d'errance, les migrants de l'Aquarius arrivent en Espagne

Les 630 migrants secourus par l'Aquarius, au centre cette semaine de vives tensions sur la politique migratoire ayant secoué l'Europe, ont commencé à arriver dimanche matin à l'aube en Espagne après une semaine d'errance en Méditerranée.
par
Laura
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Un premier bateau transportant une partie de ces migrants, le navire italien Dattilo, est entré dans le port de Valence (est) un peu avant 06H30 locales. Les autres les suivront d'ici 12H00, selon les prévisions des autorités régionales, à bord de l'Aquarius, navire affrété par SOS Méditerranée et Médecins Sans Frontières, et d'un autre navire militaire italien, l'Orione.

AFP / J. Jordan

La fin d'un dur voyage

Pour ces 450 hommes, 80 femmes dont au moins 7 enceintes, 89 adolescents et onze enfants de moins 13 ans rêvant d'une vie meilleure en Europe, l'arrivée à Valence marque la fin d'un voyage éprouvant de 1.500 kilomètres durant lequel ils auront été le catalyseur des profondes fractures au sein de l'Union Européenne sur la question migratoire. Certains d'entre eux doivent être accueillis en France, après l'examen de leur situation en Espagne, avait annoncé le gouvernement espagnol samedi.

Au port de Valence, des tentes ont été montées et des ambulances pré-positionnées pour accueillir les migrants. Une banderole clamant "Bienvenue chez vous", dans différentes langues, a été déployée alors que l'arrivée de l'Aquarius a déclenché un élan de solidarité. "Les gens se proposent pour tout ce qui se présente: servir de traducteur, offrir un logement", expliquait Johnson Tamayo, artiste de 51 ans, l'un des très nombreux bénévoles mobilisés par la Croix-Rouge.

Au total, le dispositif mis en place pour cet accueil exceptionnel mobilise 2.320 personnes dont environ 1.000 bénévoles et 470 traducteurs. L'évènement est ultramédiatisé, avec plus de 600 journalistes accrédités.

AFP / P. Barrena

Un geste "humanitaire" et "politique"

Tout juste arrivé au pouvoir, le gouvernement socialiste de Pedro Sanchez avait offert lundi d'accueillir les migrants sauvés par l'Aquarius dans la nuit du 9 au 10 juin au large de la Libye et à qui l'Italie et Malte refusaient d'ouvrir leurs ports. Un geste "humanitaire" mais aussi "politique" pour Madrid, destiné à impulser une réponse européenne commune face à la crise migratoire.

Le refus de l'Italie et de son ministre de l'Intérieur Matteo Salvini (Ligue, extrême droite), homme fort du gouvernement, d'accueillir l'Aquarius a en effet plongé l'Europe dans une nouvelle crise sur la question migratoire et déclenché une passe d'armes diplomatiques entre la France et l'Italie. Le président français Emmanuel Macron a ainsi dénoncé la "part de cynisme et d'irresponsabilité du gouvernement italien" de Rome qui a indiqué en réponse refuser de recevoir les "leçons hypocrites de pays ayant préféré détourner la tête en matière d'immigration".

Mais alors qu'un déjeuner vendredi entre M. Macron et le chef du gouvernement italien Guiseppe Conte a permis d'apaiser les tensions, Matteo Salvini a persisté et signé samedi en réitérant l'interdiction aux ONG d'accéder aux ports de la péninsule. La crise migratoire déstabilise aussi le gouvernement allemand, la chancelière Angela Merkel faisant face à une fronde de la droite conservatrice qui veut imposer un tour de vis à la politique d'accueil des demandeurs d'asile.

"Esprit de solidarité"

L'offre de Paris d'accueillir une partie des migrants de l'Aquarius a été saluée par le chef du gouvernement espagnol Pedro Sanchez pour qui elle "démontre que c'est dans ce cadre de coopération que l'Europe doit donner une réponse, dans un esprit de solidarité européenne au contenu réel".

Concrètement, l'Office français de protection des réfugiés a indiqué être prêt "à envoyer en tout de début de semaine (à Valence) des équipes qui pourront s'assurer que les personnes relèvent bien du droit d'asile".

Une fois arrivés à bon port, les migrants de l'Aquarius vont débarquer par groupes après un premier examen médical et devront attendre ensuite que leur situation soit examinée au cas par cas.

Chaque migrant "saura s'il a le statut de réfugié, si c'est un migrant économique" mais aussi "s'il est coupable de certains délits qui le rendent passible d'expulsion", avait souligné vendredi la porte-parole du gouvernement espagnol, Isabel Celaa. Alors que les migrants de l'Aquarius arrivent en Espagne, troisième porte d'entrée par la mer dans l'UE, près d'un millier d'autres migrants sont arrivés dans le sud du pays à bord d'embarcations de fortune vendredi et samedi dont quatre sont morts.