Une peintre à la rencontre des prisonnières

Depuis quatre ans, Céline Cuvelier anime deux heures par semaine un atelier de peinture à la prison pour femmes de Forest. Artiste plasticienne, elle offre à ces femmes coupées du monde une fenêtre sur l'extérieur à travers l'art.
par
Marie
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Céline Cuvelier a commencé à s'intéresser au système carcéral en observant une cellule de prison depuis sa fenêtre. Elle a d'abord immortalisé ces instants de vie de femmes détenues à l'aide de son appareil photo. «Ça m'a vite obsédée», raconte la peintre. Rien d'étonnant, venant de cette artiste engagée, à la fibre résolument sociale. «Utiliser l'art comme moyen de rencontre et comme moyen de témoigner de leurs histoires», est devenu une des vocations de la Bruxelloise, qui a aussi passé du temps à Calais pour venir en aide aux migrants, aidé des enfants en proie au décrochage scolaire ou encore travaillé en maison d'accueil pour les personnes ayant des difficultés psychiques. Elle fait peindre les détenues, leur permet de s'exprimer comme on ne peut parfois pas le faire avec des mots, puis retranscrit à travers son art, les expériences qu'elle partage avec elles. C'est une relation artistique réciproque.

Ph. D.R.

Certaines détenues se rendent à l'atelier depuis plusieurs années maintenant, des liens forts ont donc pu se tisser. «Elles me racontent leurs histoires, je leur raconte les miennes. Je leur parle de mes histoires d'amour, ça les fait beaucoup rire», sourit Céline. C'est aussi une activité valorisante, ce qui est précieux dans le monde carcéral. «Elles sentent qu'elles progressent, ça leur apporte une certaine autonomie qu'elles n'ont plus en prison», constate la plasticienne. Elle a réussi à construire un rapport de confiance par sa différence. «Elles ont tellement l'habitude de voir des médecins, des juges, des avocats, que moi, quand j'arrive avec mes pinceaux, je suis un Alien!» plaisante l'artiste.

"Des histoires lourdes"

Si ces femmes semblent être reconnaissantes envers l'artiste, cet atelier apporte aussi à Céline. «Ça m'offre un nouveau rapport au monde. Rencontrer ces femmes, qui sont considérées comme représentant le mal dans la société alors qu'elles sont comme tout le monde, ça oblige à se projeter». Elle estime que l'impact de ces femmes sur son propre quotidien n'est que positif. «Ce n'est pas lourd psychologiquement», assure-t-elle. Ce qui est lourd, ce sont leurs histoires, les vies qu'elles mènent. «Mais je peux faire ressortir ces témoignages-là, ce qui me permet de me sentir utile. Je leur montre mon travail et elles adorent ça, ça leur fait du bien de savoir qu'on parle d'elles à l'extérieur. Je fais toujours des photos de mes expos, je leur apporte mon portfolio avec mes photos dedans».

Ph. D.R.

Est-ce que Céline aurait agi différemment si elle avait été dans la même situation que ces femmes? C'est le genre de réflexion qui s'ouvre à l'artiste. Loin des clichés et des soupçons de parcours tout tracés, Céline tente de témoigner de ces existences invisibles à travers son art, du vécu de ces femmes, et surtout, «de ce qu'elles peuvent attendre de l'avenir».