Visite d'une réserve naturelle à flanc de Meuse

Chargés de métaux lourds, les flancs de Meuse de la réserve Natagora de Sclaigneaux se repeuplent aujourd'hui d'une végétation originale. Visite ensoleillée d'un site où les traces de l'homme sont omniprésentes.
par
Camille
Temps de lecture 2 min.

Sur le chemin entre Namur et Andenne, les falaises mosanes sont abruptes, nues et sèches. On y trouve plus de grimpeurs que de végétation. Les carrières, les fours à chaux abandonnés et les usines de traitement se succèdent. La Meuse a ici creusé sur plus de 80 mètres la couche calcaire, offrant un accès aisé à cette matière première.

Entre calcaire et dolomie

Il faut grimper à travers le village de Seilles pour arriver à la réserve naturelle Natagora de Sclaigneaux. Jean Tousseul, écrivain pastoral y ayant vécu, lui a consacré un livre: «Le village gris». Mais pas le gris de la morosité, le beau gris éclatant au soleil des moellons calcaires qui composent les murs du village. Les pierres viennent de la carrière au pied de la réserve, toujours en activité. Plus loin, vers Namur, c'est de la dolomie qu'on arrache à la colline. Entre les deux, calcaire et dolomie se mélangent, donnant une pierre qui s'effrite, inutilisable, et qui n'a donc jamais été exploitée par les carriers. C'est là qu'est établie la réserve, préservée par ce sol ingrat.

Ph. H.Baltus

Préservée? Il faut voir… En 1880 s'y installe une usine de traitement du zinc. D'énormes cheminées, surplombant la vallée, sont installées sur les crêtes rocheuses, afin de rejeter dans l'atmosphère les gaz sulfureux remplis de métaux lourds issus de la fonte du minerai. Des pluies acides se forment, auxquelles s'ajoutent les poussières de métaux également remplies de polluants. Le mélange est tellement corrosif qu'il finit par peler complètement les coteaux. La roche est mise à nu et plus rien ne pousse sur ce sol acidifié.

 

L'orchidée chèvrefeuille

Avant d'arriver sur ces étonnantes pelouses à la végétation typique qu'on ne retrouve nulle part ailleurs, on traverse plusieurs étonnants milieux. Un ancien bassin de décantation tout d'abord. Aujourd'hui quasiment asséché, il y pousse une jeune boulaie clairsemée. Au milieu de ces bouleaux pionniers, des taches roses ponctuent une végétation pauvre. Il s'agit d'orchis militaires. Entre eux, des orchis de Fuchs et des listères ovales. Trois orchidées rares qui poussent presque ici comme de la mauvaise herbe.

Ph. Natagora

Comme un air de garrigue

Les pelouses polluées qui intéressent particulièrement Natagora s'étendent à flanc de coteau. Au sol, la végétation est rase, ponctuée de quelques touffes de graminées qui se balancent au gré des brises. Sous les pieds, la végétation craque. Il s'agit de lichens très secs. Sur ce sol à la fois aride dû au substrat calcaire et dégradé par la pollution, on rencontre essentiellement des plantes pionnières. Malgré les années, la couche d'humus est toujours quasi inexistante.

 

Des bienfaits d'une pollution massive…

Ce type de pelouses, gorgées de métaux lourds, est appelé «calaminaire». Lorsqu'elles existent naturellement, par la présence de gisements affleurants de zinc ou de plomb par exemple, il y pousse une végétation spécifique. Mais ici, dans ce milieu modifié par l'être humain, ces plantes sont absentes. La végétation locale a dû s'adapter et crée donc un couvert quasi unique en Wallonie. Parmi elles, donc, les belles orchidées qui sont également des plantes pionnières. Une dizaine d'espèces a déjà été recensées sur le site.

À travers le projet européen LIFE Pays, Natagora restaure de nouvelles parcelles. Le site n'a donc pas fini de vivre, et est ouvert aux bénévoles le temps d'une journée de gestion.

Benjamin Legrain, Natagora