Les inégalités de revenu sont stables en Belgique, mais elles existent bel et bien

par
Camille
Temps de lecture 4 min.

Réduire la pauvreté est l'un des objectifs que s'est lancée la communauté internationale, mais les inégalités de revenus menacent sa réussite. Car si la richesse mondiale ne cesse de croître, elle est de plus en plus concentrée dans les mains de quelques privilégiés. La Belgique est plutôt bonne élève en la matière, même si les inégalités de revenus existent.

Les inégalités de revenu et de richesse se creusent de plus en plus entre les plus riches et les plus pauvres. Malgré la volonté de la communauté internationale de faire bénéficier de la croissance les plus pauvres, les chiffres publiés par Oxfam à l'occasion du sommet de Davos sont alarmants. En 2017, 82% des nouvelles richesses créées ont été captées par les 1% de la population la plus riche, alors que les 50% les plus pauvres n'ont pas profité d'un centime.

Chez nous, les chiffres sont plus stables. La Belgique se classe parmi les meilleurs élèves en ce qui concerne les inégalités de revenus. «Notre indicateur est meilleur que dans la plupart des autres pays. Mais le constat d'une inégalité persiste. Le revenu net des 20% les plus riches est quatre fois plus élevé que le revenu des personnes les plus pauvres», constate Henk Van Hootegem, coordinateur adjoint du Service fédéral de lutte contre la pauvreté, la précarité et l'exclusion sociale.

Protection sociale et concertation

Ces plutôt bons résultats sont principalement dus au système de protection sociale du pays, très robuste, mais aussi à la concertation sociale forte dans les régions. Mais si les chiffres sont stables à l'échelle de l'ensemble de la population, il y a tout de même de fortes variations si on isole certaines tranches de la population. «Pour les personnes plus âgées, la situation s'est améliorée. Mais pour les personnes peu qualifiées, elle a empiré», résume Henk Van Hootegem.

Dans ce contexte, le taux de pauvreté reste relativement stable. Si les inégalités de revenus n'ont pas les mêmes indicateurs que ceux de la pauvreté, l'un entraîne bien souvent l'autre et leurs conséquences s'entrecroisent. «Vous avez des freins dans l'accès à différents droits. Le logement, l'enseignement… C'est aussi plus compliqué de revendiquer ses droits», conclut Henk Van Hootegem.

«On risque de perdre la lutte contre la pauvreté»

Maaike Vanmeerhaeghe, d'Oxfam solidarité prévient: si les inégalités de revenus continuent de se creuser, c'est la lutte contre la pauvreté qui sera perdue.

Quelle est la situation mondiale concernant les inégalités?

«Au niveau mondial, les inégalités de revenus ont augmenté dans la majorité des pays par rapport aux années 80. Sept personnes sur dix vivent dans un pays ou les inégalités ont augmenté, surtout parce que dans les grands pays comme la Chine ou l'inde, les inégalités de revenus ont vraiment explosé.»

 

Quel est le plus grand risque que posent ces inégalités de revenus?

«Si les inégalités de revenus deviennent trop extrêmes, cela va impacter la lutte contre la pauvreté. Dans le contexte des objectifs du millénaire, entre les années 1990 et 2010, les responsables politiques ont répété que la lutte contre la pauvreté était un grand succès. Et c'est vrai: il y a eu de bons résultats. Le nombre de personnes en extrême pauvreté a diminué de moitié. Mais ce qu'on oublie, c'est que si les inégalités de revenus n'avaient pas augmenté sur cette période, 200 millions de personnes en extrême pauvreté en seraient sorties aussi. Si les inégalités de revenus avaient diminué, c'est 700 millions de plus qui en seraient sorties. Pire, si les inégalités ne se réduisent pas, il y aura encore 200 millions de personnes en extrême pauvreté en 2030. Donc si on n'attaque pas l'inégalité on va rater l'objectif de réduire la pauvreté.»

Il y a d'autres conséquences?

«Tout dépend des pays, mais en général, les inégalités ont de grandes conséquences. Si elles sont trop grandes, elles peuvent impacter la croissance. Ou alors, le pays connaîtra une croissance, mais sans réduire la pauvreté. On a ainsi des pays où la croissance est grande, mais la pauvreté ne diminue pas. Il faut également tenir compte des impacts indirects, des problèmes sociaux, des conflits… Pire, de grandes inégalités impactent aussi le processus démocratique. Les richesses extrêmes créées des pouvoirs extrêmes qui influent les décisions. Par exemple aux États-Unis, il y a une élite qui prend les décisions, parfois dans le désintérêt de la population.»

Quelles en sont les causes, et comment les combattre?

«La cause de l'inégalité, c'est le système économique. Le néolibéralisme, l'idée que l'État ne doit pas intervenir, qu'on doit privatiser, la course vers le bas des impôts… Si on veut lutter contre les inégalités, on doit avoir des systèmes de fiscalité plus progressifs, s'attaquer à l'évasion fiscale et aux paradis fiscaux. Si on regarde les pays en développement, ils perdent chaque année 100 milliards $ par an à cause de l'évasion fiscale. C'est quatre fois ce qu'il faut pour envoyer tous les élèves non scolarisés à l'école! Les gouvernements sont actuellement en lutte pour baisser leur taux d'imposition pour les entreprises. C'est une politique à court terme, qu'il faut revoir.»