L'ULB maintient sa décision de recevoir Ken Loach malgré la désapprobation du Premier ministre

Le recteur de l'ULB Yvon Englert a maintenu jeudi matin l'octroi prévu dans la journée d'un doctorat honoris causa au réalisateur Ken Loach, ciblé par des accusations d'antisémitisme et de négationnisme, en rejetant ces accusations et en soulignant l'indépendance de son institution, au lendemain de la désapprobation de ce choix par le Premier ministre Charles Michel.
par
Belga
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"Je suis certainement d'accord" avec M. Michel lorsqu'il affirme, comme il l'a fait mercredi à la Grande Synagogue de Bruxelles pour les 70 ans de l'Etat d'Israël, qu'aucun accommodement avec l'antisémitisme ne peut être toléré, a répondu M. Englert, interrogé sur La Première (RTBF). Charles Michel avait ajouté que cela valait aussi pour son "alma mater" (université), qu'est l'Université libre de Bruxelles (ULB).

Controverse

"Je n'ai pas de conseil ou de critique à faire au Premier ministre. Il fait ce qu'il estime devoir faire, mais l'université est très attentive à la défense de ses valeurs et à son indépendance. Les arguments d'autorité ne sont pas des arguments que l'on peut accepter dans une université du libre examen", a ajouté M. Englert. Il assure que son institution a examiné les déclarations controversées du réalisateur "avec rigueur et indépendance" pour conclure qu'aucun négationnisme ni antisémitisme ne pouvait être reproché à Ken Loach.

Le recteur de l'ULB a souhaité retourner la question. "Pensez-vous que les universités de Birmingham, d'Oxford, de Liverpool Hope et l'ULB flirtent avec l'antisémitisme ? ", elles qui ont mis à l'honneur le cinéaste britannique ou s'apprêtent à le faire. M. Englert a aussi mis en garde contre la volonté de certains de profiter de la controverse pour "en faire un match politique", et réaffirmé l'attachement de son université à la lutte contre le racisme, l'antisémitisme et la xénophobie, entre autres. Il s'est dit attristé d'une division "que nous n'avons pas voulue" au sein de son université.

Prise de position des politiques

Mardi, à l'invitation de l'ULB, le cinéaste avait réaffirmé sa condamnation de "toute forme de déni de l'Holocauste" et s'était dit choqué de devoir apporter une telle mise au point. Dans le paysage politique francophone, certaines personnalités ont réagi aux propos du Premier ministre critiques envers l'ULB. Ainsi, l'ex-président du PS Paul Magnette a affirmé sur Twitter que ce qu'il attendait de son alma mater - pour lui aussi l'ULB - "c'est qu'elle défende la liberté de penser, envers et contre tout, et ne cesse jamais de résister aux pressions politiques, d'où qu'elles viennent". Co-président d'Ecolo, Patrick Dupriez s'est certes réjoui que le Premier ministre "s'engage résolument contre l'antisémitisme et toute forme de racisme", mais "cela vaut aussi pour son gouvernement, n'est-ce pas? ", a-t-il ajouté. Le député PTB Marco Van Hees a été plus frontal en estimant qu'"au lieu d'inventer un antisémitisme chez Ken Loach, Charles Michel ferait mieux de se soucier des vrais racistes qui s'expriment de plus en plus au sein du MR."

Cet après-midi, l'ULB décernera les insignes de docteur honoris causa à sept personnalités en plus de Ken Loach: Christiane Taubira, Ahmet Insel, Siegi Hirsch, Monique Capron, Agnès van Zanten, Christian Debuyst et Jan Van Impe.