Une ferme en plein cœur de la commune d'Anderlecht

C'est avec plein d'enthousiasme et d'énergie que Steven Beckers et son équipe ont présenté leur «Ferme Abattoir» ce lundi matin. Cet architecte de formation, passionné d'économie circulaire, a eu une idée un peu folle: créer une ferme «aquaponique» sur un toit de Bruxelles.
par
theo.laborie
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«La ville n'est pas le problème mais la solution». C'est par ces mots que Steven Beckers introduit son exposé sur la nouvelle «ferme Abattoir». C'est là tout le concept de la ferme. L'idée est d'utiliser l'énergie inexploitée des bâtiments (énergie dite «fatale») et récupérer l'eau de pluie et le CO2 pour alimenter tout un complexe agricole. Il s'agit de la plus grande exploitation de la sorte en Europe.

Une infrastructure impressionnante

La ferme est située sur le toit du «Foodmet», bâtiment inauguré en 2015 aux abattoirs d'Anderlecht. Les 4.000 m² de toiture, loués par la société Abattoir à BIGH (Building Integrated GreenHouses) ont été totalement réaménagés. Ils accueillent 2.000 m² de serres et 2.000 m² de potagers et jardins productifs.

Ph. Théo Laborie

Toute la difficulté de l'opération était d'adapter une structure déjà existante à l'agriculture urbaine. Il fallait alors penser les dimensions et formes des serres par rapport au bâtiment, revoir toute l'étanchéité de la toiture pour permettre la culture et l'irrigation de plantes en extérieur… Mais également adapter la production et les variétés au climat et à la demande locale. Cette prouesse architecturale s'offre en plus le luxe d'un esthétisme soigné, totalement intégré à la ville et aux abattoirs d'Anderlecht.

Qu'est-ce que l'Aquaponie ?

Ce mot-valise est composé de «aquaculture», élevage de poissons et organismes aquatiques, et «hydroponie», culture de plantes à l'aide d'eau enrichie en minéraux. Le procédé existe depuis au moins 1.700 ans. Il était déjà pratiqué chez les Aztèques et dans la Chine antique. Le système permet de cultiver des plantes irriguées en circuit fermé par de l'eau provenant de bassins où sont élevés des poissons.

Trois types d'organismes interviennent dans son fonctionnement :

  • Les poissons. Leurs déjections forment une source de nutriments pour les plantes. La nature des aliments qu'on leur apporte permet de favoriser l'apparition de certaines formes spécifiques de nutriments pour les plantes. Un engrais modifiable à la demande en somme.
  • Les bactéries aérobies. Elles transforment les matières organiques présentes dans les excréments des poissons (amoniaque, urée…) en nitrates assimilables par les plantes. Elles permettent de filtrer l'eau du bassin qui deviendrait toxique sans leur concours.
  • Les plantes. Elles épurent l'eau en absorbant les nitrates qui s'y trouvent. Elles peuvent ainsi croître et donner fruits et légumes.
  • Il faut alors trouver le bon équilibre entre les populations de poissons et de bactéries pour une pousse optimale des plantes.

    L'écologie au coeur du projet

    La question de la gestion des ressources est le centre névralgique de l'ensemble du projet. Ainsi, la chaleur émise par les machines du «Foodmet» (notamment les chambres froides) est récupérée, grâce à un système de pompe, pour chauffer les serres. Celles-ci produisent elles-mêmes du froid, envoyé dans les frigos du bâtiment. La consommation électrique est en grande partie assurée par les panneaux photovoltaïques du «Foodmet». Le CO2 issu du biofiltre est absorbé par les plantes qui le transforment en oxygène grâce à la photosynthèse. Enfin, la pollinisation des plantes est, elle, assurée par des ruches de bourdons.

    Ph. Agence Cinna

    L'«énergie fatale», comprenez les rejets d'énergies non utilisées, est donc mise à profit à hauteur d'au moins 50% de sa teneur.

    Ph. Agence Cinna

    Un des autres enjeux majeurs est la gestion de l'eau. La pisciculture est un secteur excessivement gourmand en eau et très polluant. 50% des poissons vendus dans le monde sont issus de l'aquaculture. Or, les déjections des poissons ainsi que les antibiotiques qui leur sont données se retrouvent dans le circuit d'eau douce. La «ferme Abattoir» est irriguée par deux circuits fermés, alimentés par l'eau de pluie et un puits profond de 70 mètres. «C'est la première fois que l'on souhaite qu'il pleuve à Bruxelles», explique l'équipe de BIGH.

    Une vente en circuit court

    «Aujourd'hui, les enfants pensent que les tomates viennent des bouteilles de ketchup», s'amuse Steven Beckers. Le constat le préoccupe malgré tout suffisamment pour vouloir s'impliquer dans un système de vente en circuit court, où le consommateur sait ce qu'il achète. Les produits seront distribués dans la région de Bruxelles.

    Les équipes de BIGH espèrent produire 35 tonnes de bar rayé par an, 15 tonnes de tomates delicatessen, cerise rouge et jaune ou cocktail. Quelque 2.700 pots d'herbes aromatiques devraient également être produits chaque semaine (basilic, coriandre, persil…). Cette production doit prouver que l'agriculture urbaine est rentable, et pas seulement écologique et sociale.