Les "escroqueries à la romance" se multiplient sur les sites de rencontres

Un site de rencontres, une histoire romantique qui commence et, derrière le faux profil, des escrocs : les "arnaques à la romance" se multiplient et peuvent coûter cher à leurs victimes, explique un haut responsable policier dans un entretien à l'AFP.
par
Marie
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Hélène (le prénom a été changé) a la quarantaine. Elle noue une relation avec un prétendu marchand d'art italien via un site de rencontres. Au fil du temps, l'homme lui demande régulièrement de le "dépanner" financièrement, explique François-Xavier Masson, patron de l'Office central de lutte contre la criminalité liée aux technologies de l'information et de la communication (OCLTIC).

"Les excuses varient : il est hospitalisé ou il a un problème de droit de douane, ce genre de choses", explique-t-il. Sur plusieurs mois, Hélène verse 9.000 euros par l'intermédiaire de cartes bancaires prépayées avant de déposer plainte en 2015.

Lors de l'enquête qui mène en Côte d'Ivoire où se situe la tête de réseau, le "groupe escroquerie" de l'OCLTIC découvre que 27 victimes françaises ont ainsi versé plus de 88.000 euros aux escrocs. En France, des "relais" étaient chargés des contacts téléphoniques avec les victimes ou de monétiser les cartes bancaires prépayées pour ensuite envoyer l'argent en Côte d'Ivoire.

"C'était une organisation logistique très bien structurée. C'est leur métier", souligne François-Xavier Masson, dont l'Office est rattaché à la Direction centrale de la police judiciaire (DCPJ). Et comme souvent dans ce genre d'affaires, le réseau ne se contentait pas des "arnaques à la romance". Plus d'une centaine d'identités ont ainsi été usurpées pour acheter des cartes prépayées pour un montant estimé à trois millions d'euros.

Cinq personnes d'origine ivoirienne et malienne ont été interpellées en région parisienne début avril dans cette affaire.

"Difficilement quantifiable" 

Lors des perquisitions, les enquêteurs ont notamment saisi 1.300 cartes prépayées, des téléphones, des passeports, des cartes vitales volées, 150 cartes SIM et la trace de 250.000 euros d'achat en bitcoins. "Il y avait un système de blanchiment tous azimuts", souligne François-Xavier Masson, "en passant par des banquiers occultes en France, des commerçants de cartes prépayées complaisants".

Cette affaire est très emblématique des "arnaques à la romance", explique le responsable policier. Le problème est que nous n'avons qu'une "vision très parcellaire" en raison d'un "éclatement des plaintes" sur le territoire, explique-t-il, affirmant que le phénomène était "difficilement quantifiable".

En 2017, la plateforme de signalement de contenus illicites Pharos a reçu 153.000 signalements, 79.000 pour escroquerie dont 877 était des escroqueries aux sentiments et 2.384 des chantages à la webcam.

"Souvent les victimes ne se signalent pas : elles sont toujours enferrées dans l'histoire, y croient toujours ou alors elles ont honte", "le plus souvent, c'est un proche qui appelle", explique le patron de l'OCLTIC.

Tous les milieux concernés

"Tous les milieux sont concernés", selon lui. "Les femmes envoient de l'argent (...), les hommes sont plus souvent victimes de chantage à la webcam après s'être dénudés devant la caméra", précise-t-il.

Pour simplifier les procédures et mieux repérer les infractions, les autorités travaillent à une nouvelle plateforme de plainte en ligne, nommée Thésée, acronyme de Traitement harmonisé des enquêtes et signalements des e-escroqueries.

L'idée est de pouvoir porter plainte en ligne sans avoir à se déplacer au commissariat. L'outil devrait en outre permettre un recoupement entre plusieurs "petites affaires" d'escroquerie qui, au final pourraient se révéler être des infractions massives et déboucher sur de vastes enquêtes. Actuellement en phase de test, Thésée devrait être mis en place fin 2018.