Quand le sauvetage des forêts bafoue les droits autochtones

Le seul mécanisme financier soutenu par l'ONU pour freiner la déforestation, question-clé pour le climat, a bafoué les droits des communautés forestières sur trois continents, dénoncent des experts.
par
Camille
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Des experts qui réclament la réforme du programme REDD+ (Réduction des émissions dues à la déforestation et à la dégradation des forêts), un programme de l'Onu qui vise à limiter la déforestation. Un récent rapport de l'ONG Rights and Resources Initiative (RRI) l'accuse d'avoir un impact négatif sur des communautés locales en République démocratique du Congo.

Soutenues par le gouvernement congolais et des bailleurs internationaux, des entreprises privées en charge de parties importantes des forêts ont ignoré les droits des peuples autochtones et provoqué des déplacements, selon cette étude. "Les peuples autochtones ne bénéficient tout simplement pas de REDD+ parce qu'il n'y a pas de plan de partage" des fruits de ces projets avec les populations locales, explique Marine Gauthier, de RRI.

AFP

Les forêts, essentielles pour le climat

Perdre chaque année en surfaces boisées l'équivalent de la taille de la Grèce réduit la capacité de la Terre à absorber le dioxyde de carbone, et cela libère un volume de CO2 dans l'atmosphère. Les forêts tropicales fournissent également des moyens de subsistance à au moins 250 millions de membres de communautés autochtones. Communautés qui, quand elles sont impliquées dans la gestion des ressources, permettent de mieux réduire le rythme de la déforestation, montrent les recherches.

"Malheureusement, les projets REDD+ en RDC acheminent de l'argent à des acteurs du secteur privé qui n'ont pas forcément les mêmes motivations à protéger les forêts", regrette Alain Frechette, directeur de l'analyse stratégique pour RRI.

Pas question de supprimer le programme

En attendant, des projets pilotes de dizaines de pays d'Amérique Latine, d'Asie et d'Afrique, sont accusés de flouer les communautés locales et de ne pas répondre à leur objectif premier de lutte contre le changement climatique. "On voit mal comment les peuples indigènes vont bénéficier de REDD+", s'interroge le Centre pour la recherche forestière international (CIFOR). "REDD+ évolue dans un contexte de violations des droits, de déplacement et de spoliation, de menaces et de harcèlement, et de répression et d'assassinats de militants environnementaux par des représentants de l'Etat ou privés", poursuit-il.

Mais pour nombre d'experts, la solution n'est pas d'éliminer le mécanisme. "REDD+ a permis d'attirer une attention inédite sur l'importance des forêts dans la stratégie globale de lutte contre le changement climatique", souligne ainsi Alain Frechette. "Mais il y a des défauts fondamentaux dans sa conception, en particulier le manque d'importance accordé aux droits des peuples autochtones. Ca doit être réparé", plaide-t-il.