Ahmed Laaouej : «Il faut réinvestir dans la SNCB»

«On ne réglera pas le problème de la mobilité sans des investissements conséquents» estime Ahmed Laaouej. Le chef de groupe des députés socialistes à la Chambre tire à boulets rouges sur la politique du gouvernement fédéral.
par
Camille
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Cash For Car

Le gouvernement fédéral travaille actuellement sur sa mesure Cash For Car, qui doit inciter les travailleurs à opter pour d'autres modes de mobilité que la voiture de société. C'est un bon projet?

«La Belgique fait face à de nombreux problèmes de mobilité, et on peut redouter que cela ait des conséquences sur la qualité de l'air que nous respirons. Il est donc urgent d'agir, et réformer la fiscalité est une solution. Mais le projet Cash For Car du gouvernement fédéral va droit dans le mur. On nous a fait de grandes annonces, en nous promettant 450€ nets pour le travailleur qui renoncerait à sa voiture de société. Aux dernières nouvelles, on se dirige plutôt vers une allocation mobilité de 200€.»

C'est un premier pas?

«Le souci avec ce projet, c'est que la somme promise n'est pas liée à un engagement à changer de mobilité (souscrire un abonnement auprès des transports en commun ou acheter un vélo électrique, par exemple). Le travailleur pourra donc empocher cette somme, et continuer à utiliser sa voiture individuelle pour ses trajets. Dans ces conditions, le projet ne va pas rencontrer son objectif de faire diminuer le recours à la voiture individuelle. Ça n'est pas moi qui le dis, c'est le conseil d'État! Il juge ‘fort douteux qu'il s'agisse d'un moyen adéquat pour atteindre l'objectif poursuivi en matière de mobilité durable'… Ce dossier est symptomatique de l'échec de politique de mobilité du gouvernement.»

Les partenaires sociaux ont présenté un projet alternatif.

«Les représentants des employeurs et des travailleurs sont tombés d'accord sur une proposition alternative qui vise à transformer la voiture de société en un véritable budget mobilité. Il est tout de même incroyable de ne pas tenir compte de cette proposition qui met tout le monde d'accord! Le problème, c'est que ce gouvernement est guidé par une vision idéologique, qui ne pense qu'à défiscaliser une partie des revenus des travailleurs. Si on veut ajouter du salaire net, c'est une chose. Mais atteindre des objectifs que l'on s'est fixés, en l'occurrence dans l'intérêt collectif, ç'en est une autre.»

La SNCB

On pointe souvent le manque d'alternative à la voiture individuelle.

«Il est essentiel de renforcer l'offre ferroviaire. Cela signifie encourager le recours aux mobilités douces. Mais aussi, et surtout, refinancer la SNCB. Le train doit être la colonne vertébrale du réseau de transport, celui qui amène le navetteur à un arrêt de transport en commun d'où il va terminer son voyage. Les réseaux de transport en commun ont donc besoin d'une SNCB efficace. Or, que voit-on depuis 2014? Le gouvernement Michel ne cesse de réduire les moyens alloués au rail. À son arrivée, il a annoncé une coupe de 3 milliards €. Le plan d'investissement pour la période 2018-2020 est ridiculement faible. Résultat, le RER ne cesse d'accumuler les retards, et on peut craindre que le manque d'investissement ne génère des problèmes à moyen et long terme, notamment en matière de régularité. L'asbl Navetteurs.be a d'ailleurs tiré la sonnette d'alarme sur ce point.»

Le dernier plan de transport de la SNCB a tout de même permis un accroissement de l'offre de 5,1%.

«Ça n'est pas suffisant. Il faut faire plus si on veut que le chemin de fer permette de réduire l'usage de la voiture. L'offre doit être plus attractive afin de convenir aux nombreux usagers qui, pour le moment, n'ont pas d'autre choix que d'utiliser leur véhicule.»

La Stib

Que faire pour réduire les files à Bruxelles?

«La Région bruxelloise fait sa part d'effort. Plus de 5 milliards € ont été investis pour prolonger le métro, moderniser le réseau existant, acheter de nouveaux bus… Mais ces efforts sont pénalisés par les reculs du gouvernement fédéral. Le démembrement programmé de la SNCB n'incite pas à abandonner la voiture individuelle. Cela provoque des files dans Bruxelles, et les transports de surface (bus et tram qui ne bénéficient pas de sites propres) en pâtissent. On ne réglera pas les problèmes des Bruxellois sans une vision à moyen et long terme pour le rail, qui relève du gouvernement fédéral. Il y a pourtant urgence à agir: chaque année, les files coûtent 8 milliards € à l'économie belge, sans parler de l'impact sur la santé des Bruxellois.»

Cash For Car peine à séduire

Seuls 5% des travailleurs sont prêts à abandonner totalement leur voiture de société en échange d'autres solutions de déplacement, selon une enquête menée par SD Works. Dans le détail, un peu plus de la moitié des travailleurs (51,8%) se disent ouverts à un budget mobilité. Mais cet intérêt est nettement plus important du côté des travailleurs qui n'ont pas de voiture de société: 56,9% d'entre eux y sont favorables. Par contre, seuls 26,7% des détenteurs d'une voiture de société, public visé par la proposition, adhèrent à la mesure. De plus, seuls 5% des travailleurs sont prêts à abandonner totalement leur voiture de société en échange d'autres solutions de mobilité. 61% opteraient pour la même voiture de société et seuls 20% choisiraient un modèle plus petit afin d'obtenir un budget pour d'autres moyens de transport.