Bertrand Piccard, l'ancien pilote du Solar impulse, veut promouvoir les technologies vertes

Bertrand Piccard, l'un des deux pilotes de l'avion solaire Solar Impulse, était de passage à Bruxelles pour le Green European Lab, organisé par les verts européens. L'occasion pour lui de rappeler que les solutions vertes doivent toucher le plus grand nombre, et pas seulement quelques progressistes.
par
Camille
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AFP / J. Saget

Au lancement du projet Solar Impulse, vous disiez voir de grandes similitudes entre le défi de faire voler un avion grâce à l'énergie solaire et celui d'engager notre société vers un mode de vie durable.

«Quand on a lancé cette idée, on nous a dit que c'était impossible. Et pourtant, on l'a fait! Au début du projet, nous avons vite été confrontés au problème de l'alimentation de l'avion. Il nous fallait trouver comment emmagasiner suffisamment d'énergie pour pouvoir voler tout en n'en stockant pour tenir toute la nuit. Autant vous dire qu'on n'avait pas le droit à l'erreur! (la traversée du Japon à Hawaï a duré cinq jours et cinq nuits, ndlr). Il ne nous a pas fallu longtemps pour comprendre que produire plus d'électricité n'était pas une solution. Nous n'avons donc pas eu le choix: il a fallu trouver des solutions pour consommer moins, et donc utiliser au mieux l'énergie produite. C'est exactement la situation dans laquelle se trouve l'humanité aujourd'hui.»

 

Vous avez alors travaillé sur la question de l'efficacité énergétique.

«Nous n'avons eu besoin que de cinq minutes pour comprendre qu'il nous faudrait rationaliser notre usage de l'énergie produite par les cellules photovoltaïques installées sur les ailes de l'avion. Les trois années qui ont suivi ont été consacrées au développement de solutions. Notre société doit faire le même travail. Nous devons aller vers une utilisation plus efficace de l'énergie. Actuellement, la moitié de l'énergie produite est perdue. C'est dire les marges d'amélioration dont nous disposons.»

Malgré les appels à accélérer, la transition peine à s'enclencher.

«Nous disposons déjà de nombreuses technologies pour rendre notre mode de vie plus durable. Leur généralisation permettrait de réduire par deux notre empreinte carbone. Ça ne sera pas encore assez, mais ça serait déjà beaucoup. Nous avons besoin de politiques capables d'insuffler une vision à long terme. Le tour du monde réalisé par Solar Impulse a prouvé que c'est faisable. À eux d'agir, de fixer des normes plus exigeantes pour moins polluer.»

 

Votre mission est donc terminée?

«Je vais me lancer dans un autre tour du monde, bien différent de celui que j'ai réalisé en avion solaire. Nous avons créé l'Alliance mondiale pour des solutions efficientes. Elle va sélectionner 1.000 technologies qui peuvent améliorer les choses, et faire leur promotion. Nous en avons déjà près de 500. Il y a par exemple une société britannique qui a développé un boîtier à installer sur les moteurs thermiques. Il réduit de 80% la quantité de particules émises, et de 20% la consommation de carburant. Une autre société, américaine, produits des vitres qui absorbent jusqu'à 94% du rayonnement calorifique. Grâce à cela, on va pouvoir réduire de moitié la consommation d'air conditionné.»

Ces solutions sont-elles viables économiquement?

«Non seulement elles sont viables, mais elles sont même rentables. C'est le principe des solutions que nous sélectionnons. C'est très important, car nous ne voulons pas parler uniquement aux personnes convaincues qu'il faut agir pour le climat. Nous voulons toucher celles qui doutent. Si on ne peut pas les toucher avec le besoin de limiter le changement climatique, alors on va leur montrer que c'est bon pour leur portefeuille. Et il y a urgence à convaincre le plus grand nombre.»

Y aura-t-il un jour des avions électriques?

L'avion électrique, et potentiellement solaire, a-t-il un avenir autre qu'expérimentale? Oui, si l'on en croit Bertrand Piccard. «Il y a dix ans, les responsables des constructeurs aéronautiques juraient que jamais on ne verrait voler un avion électrique. Quand nous avons lancé le projet Solar Impulse, on nous a dit qu'on ne parviendrait à le faire décoller. Quand on l'a fait voler, on nous a dit qu'il se crasherait», raconte-il. «Quand on a bouclé notre tour du monde, l'un de ces mêmes responsables a lancé ses équipes sur un tel projet. Il développe actuellement un avion pouvant transporter 50 passagers.» Reste à savoir quand cela se concrétisera. De ce côté-là, le pilote est optimiste. «Ça sera une réalité d'ici huit ans et demi. Je dis huit ans et demi, car il y a 18 mois, j'avais donné une échéance de dix ans.»