Quand manger sain vire à l'obsession

"Je n'en peux plus. Je cogite jour et nuit sur ce que je vais manger. Ma vie est organisée en fonction de mon alimentation. Je ne peux rien faire à cause de cette planification. Pourtant (…), cette organisation me rassure et je n'arrive pas à la modifier."
par
Pierre
Temps de lecture 3 min.

Voilà en substance le genre de message que l'on peut trouver sur les forums dédiés à l'orthorexie, une pathologie qui n'existait pas il y a 20 ans mais qui ne fait qu'augmenter, selon les dernières études.

C'est que depuis plusieurs décennies, l'alimentation est devenue un problème global. Entre des aliments toujours plus riches en sucre et (mauvaises) graisses et les nombreuses incitations à rester mince, la société ne sait plus vraiment quel camp choisir.

"Si vous êtes un peu préoccupé par votre santé et qu'en outre, on vous sature d'informations vous disant qu'on vous intoxique, la nourriture peut vite devenir une obsession", avance Serge Goffinet, psychologue à l'Hôpital Universitaire Erasme.

"Au plus des formes de mauvaise alimentation se développent, au plus on stimule chez les gens l'envie de contrôler".

Le test de Bratman comme diagnostic

Car c'est bien de contrôle qu'il s'agit. L'orthorexie alimentaire, c'est le terme utilisé pour désigner la préoccupation obsessionnelle et continue de certains individus pour leur alimentation.

"Le fait de passer plus de 3 heures par jour à réfléchir à son alimentation est un des premiers critères qui nous met sur la voie de l'orthorexie", explique encore Serge Goffinet.

Mais un seul critère n'est évidemment pas suffisant. Aussi, l'individu peut se soumettre au test dit "de Bratman", du nom du médecin qui a le premier étudié cette pathologie. Si celui-ci répond positivement à au moins 5 des 10 questions, il lui est alors conseillé de consulter.

Vers qui se tourner?

Dans la mesure où l'orthorexie touche à la fois aux domaines de la psychologie et de la nutrition, on ne sait pas toujours vers quel professionnel de la santé se diriger.

"Les patients qui souffrent d'orthorexie sont souvent très bien informés sur l'alimentation, mais leurs connaissances sont néanmoins non-intégrées", explique le Dr Goffinet.

"Il leur faut alors consulter un nutritionniste, qui possède une vision plus globale de la nutrition".

Par contre, lorsque l'obsession ne se limite pas qu'à la qualité de la nourriture, mais intègre aussi l'aspect calorique, on sort du champ de l'orthorexie pour rentrer dans le domaine des troubles du comportement alimentaire, et de l'anorexie plus particulièrement.

Les psychothérapeutes et psychiatres seront alors plus aptes à prendre en charge le patient.

L'orthorexie, avant et après les troubles

Car non, l'orthorexie n'est à ce jour pas considérée comme un trouble du comportement alimentaire.

"On a plutôt tendance à la classer dans la catégorie des grands syndromes, car on considère qu'il y a un aval et un amont à l'orthorexie", détaille le Dr Goffinet.

"Si certaines anorexies débutent par une phase orthorexique, c'est-à-dire une alimentation marquée par des exclusions alimentaires (le fait d'éliminer la viande rouge, par exemple), cela va aussi dans l'autre sens. Quand les personnes touchées par l'anorexie ou la boulimie en sortent, elles deviennent souvent orthorexiques. L'orthorexie est alors considérée comme une forme de guérison de l'anorexie".

L'orthorexie étant, elle, fortement liée à la personnalité très perfectionniste des individus qui en souffrent, l'idée même de guérison n'a par contre pas beaucoup de sens.

(md)