«Les éruptions de volcans peuvent devenir une véritable catastrophe économique»

A l'heure où le mont Agung menace de cracher sa lave sur Bali, ni l'ampleur, ni la durée des éruptions volcaniques ne sont prévisibles. En raison de l'activité humaine et de la croissance démographique, les coûts économiques de ces catastrophes naturelles seront grandissants, prévient le professeur Alain Bernard, volcanologue à l'ULB.
par
Gaetan
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Comment qualifier l'activité du mont Agung, qui oscille entre accalmies et poussées de cendres.

La crise sismique qui a commencé en septembre est classique. Les séismes ont précédé à l'éruption «phréatique» de la semaine passée. Le réservoir de lave, appelé ‘la chambre magmatique', voit l'infiltration d'eau de pluie, ce qui mène à une explosion de vapeur. Désormais, nous sommes dans la phase dangereuse, la phase magmatique, qui laisse craindre une éruption prochaine dont l'ampleur est difficile à prévoir. La volcanologie peut prévoir une éruption plusieurs mois à l'avance mais on ne peut pas prévoir son ampleur ou sa durée. Le diagnostic s'opère par la comparaison des éruptions précédentes d'un volcan et cette analyse doit se faire sur plusieurs milliers d'années. L'étude du volcan Agung a débuté au 16e ou au 17e siècle, ce qui n'est clairement pas assez.

Photo D. R.

Le volcan va-t-il exploser?

Il est certain que nous nous dirigeons vers une éruption magmatique mais tout dépendra de l'activité sismique. La chambre magmatique peut se vider de deux façons différentes: soit une éruption comme celle de 1963, courte (moins d'une journée) et violente, soit une éruption très lente, avec un débit de magma faible et de petites coulées de lave. On espère que l'éruption ne sera pas plus importante que celle de 1963. La seule chose que nous puissions faire, c'est affiner le scénario en fonction de l'évolution du phénomène. En attendant, des précautions sont prises. On ordonne l'évacuation des citoyens dans un périmètre de15 à 20 km. C'est un volcan dangereux et nous n'aurons probablement pas une petite coulée de lave comme à Hawaï.

Quels seront les impacts?

Comparons les séismes aux éruptions volcaniques. Imprévisibles et instantanés, les séismes engendrent souvent un lourd bilan humain et détruisent tout. Malgré certaines répliques, on peut toutefois reconstruire rapidement. Pour les éruptions volcaniques, on peut les prévoir et évacuer les gens. Elles font donc moins de victimes mais leurs impacts sont beaucoup plus élevés car ils peuvent durer des semaines, des mois, voire des années. En termes de coûts, les éruptions sont des catastrophes économiques. La dernière forte éruption meurtrière (+ de 10.000 morts), c'était le Nevado del Ruiz, en 1985 en Colombie.

L'Europe est-elle menacée?

Notre échelle humaine n'est pas adaptée à ces processus géologiques qui s'étalent sur des milliers ou des centaines de milliers d'années. Un volcan s'étudie au minimum sur 30 ou 40.000 milliers d'années. À cette échelle, on ne remarque pas de recrudescence d'activité volcanique mais elle pose beaucoup plus de problèmes vu que l'activité humaine et la croissance démographique sont grandissantes. Dans le milieu, on dit que l'«aléa» de catastrophes naturelles (les occurrences NDLR) est constant dans le temps mais «le risque» («le coût», NDLR) est en augmentation constante car les vies humaines et les infrastructures sont plus nombreuses. Alors que le 20e siècle a connu cinq grandes éruptions, on peut considérer que le 21e siècle est calme. Nous n'avons toujours pas eu une grande éruption. Celle en Islande était microscopique.

Gaëtan Gras