Accueil des migrants chez soi : "C'est comme ça que nous voulons éduquer notre fils"

Marie et Kevin font partie de ces citoyens belges qui accueillent des migrants chez eux pour les protéger. En à peine deux mois, ils ont déjà ouvert leur porte à 15 personnes.
par
Maite
Temps de lecture 3 min.

Comment vous êtes-vous lancés dans l'accueil des migrants?

«À la base, nous étions deux-trois familles. On ne voulait plus de femmes au Parc Maximilien. Mais après les rafles de mi-septembre, cela a pris beaucoup plus d'ampleur.»

Vous avez donc décidé d'ouvrir vos portes aussi à des hommes?

«Au début, avec Kevin, mon compagnon, nous nous sommes dit que nous voulions accueillir des femmes. Mais quand nous allions au Parc, nous nous sommes rendu compte que les femmes étaient déjà logées. Et on se retrouvait face à des hommes qui crevaient de faim. On voyait leur tête, comme ils étaient fatigués. On n'avait pas le cœur de leur dire non. C'est vrai qu'au début c'était bizarre, je suis une petite femme et je repartais avec quatre hommes d'1m80 que je ne connaissais pas.»

Comment se sont passés les premiers moments?

«Les premières nuits étaient un peu stressantes. Mais au final, tout se passe bien. Ils sont très gentils. Il faut bien se dire qu'ils ont tout à y perdre s'ils ne sont pas corrects! Ce sont vraiment des gars biens! Ils en ont chié dans la vie.»

Comment gère-t-on cela émotionnellement parlant?

«C'est le plus dur. Au début, je m'en faisais trop quand ils repartaient. Ils m'envoyaient un SMS pour me dire que tout allait bien et qu'ils étaient en sécurité. Au début, je pleurais tout le temps. Ils me racontaient leur histoire, et j'avais du mal à gérer. Aujourd'hui, je me détache des médias, je ne lis plus les articles sur Theo Francken parce que ça me déprime.»

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Votre entourage s'investit aussi à vos côtés.

«Au bout d'un moment, ça devenait compliqué financièrement parlant. Quand on leur payait un Go Pass, ça revenait vite à une cinquantaine d'euros. Mais nous avons reçu plein d'aides. On a reçu un ordinateur et une tablette pour qu'ils puissent échanger avec leur famille. Là il me reste une centaine d'euros. Grâce à cela, nous allons pouvoir demain leur acheter des chaussures d'hiver.»

Comment se passe la cohabitation?

«Nous n'avons pas vraiment le même rythme. La nuit, ils ne dorment pas beaucoup car ils sont angoissés. Du coup, on ne déjeune pas ensemble par exemple. Ils cuisinent de leur côté. Avec notre fils, ils sont trop cool! Quand il rentre de la crèche, la première chose qu'il fait, c'est d'aller chercher S. dans sa chambre (rires)!»

Ce n'est pas trop difficile d'accueillir des personnes tout le temps chez soi quand on a un enfant?

«Nous voulons qu'il soit éduqué de cette manière, qu'il soit ouvert. Et franchement, le petit ne se pose pas de question. Il voit trois gars dans le canapé, il va vers eux avec ses jouets. Ça n'a pas l'air de lui poser un problème.»

Vous avez accueilli une quinzaine de personnes depuis septembre.

«D. et S. sont là depuis tout le début. Maintenant ils font partie de la famille. Mais la plupart du temps, les autres migrants ne dorment que quelques jours.»

Comment ces personnes vous ont-elles été présentées?

«Au début, nous allions tout le temps au Parc. C'était un peu ennuyant de faire tout le temps ces allers-retours. Après les rafles, un groupe est resté chez nous durant une semaine sans sortir. Après, il y a eu la délégation soudanaise. Ils étaient mortifiés. Ils n'osaient pas sortir. Au bout d'une dizaine de jours, nous étions amis. Nous avons gardé contact et ils reviennent quand ils en ont besoin. Ils nous demandent aussi s'ils peuvent venir avec des amis.»

Vous voyez-vous aujourd'hui vivre autrement?

«J'aime la dynamique que ça apporte dans notre maison. L'idée première est de les mettre à l'abri. Mais au final, on le fait pour nous aussi!»