Les indépendantistes catalans devant les juges à Madrid

Des membres du gouvernement catalan destitué et les députés qui doivent être entendus dans une enquête pour sédition et rébellion sont arrivés jeudi au tribunal à Madrid, sans leur chef Carles Puigdemont resté à Bruxelles, a constaté l'AFP.
par
Laura
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La crise catalane se déplace ce jeudi à Madrid où des dirigeants sécessionnistes doivent être entendus par des juges qui pourraient les inculper pour sédition tandis que leur chef Carles Puigdemont dénonce depuis Bruxelles un «procès politique». Le procureur général de l'Etat demande qu'une vingtaine de membres du gouvernement régional catalan destitué par Madrid et de députés soient inculpés pour détournement de fonds publics, sédition et rébellion, les deux derniers délits étant passibles d'une peine maximale de 15 et 30 ans de prison. Il les accuse d'avoir encouragé «un mouvement d'insurrection active» au sein de la population catalane pour parvenir à la sécession, dans la pire crise qu'ait connue l'Espagne depuis la fin de la dictature de Francisco Franco (1939-1975).

Des 14 membres du gouvernement destitué cités à comparaître, cinq manquaient à l'appel, dont le président du gouvernement Carles Puigdemont. " Le numéro deux du gouvernement, Oriol Junqueras, est arrivé le premier à l'Audience nationale, suivi de huit autres "ministres" entourés de manifestants qui criaient "vous n'êtes pas seuls" en catalan.

 

Si elle suit les réquisitions du parquet, l'Audience nationale peut non seulement les inculper mais ordonner leur détention préventive. Une demi-heure après, la présidente du Parlement Carme Forcadell et les quatre membres du bureau de cette assemblée doivent aussi être entendus mais, en raison de leur privilège parlementaire, par un juge rattaché à la Cour suprême.

Tactique concertée 

Le dirigeant séparatiste catalan, Carles Puigdemont, a lui refusé de comparaître. Réfugié à Bruxelles avec quatre de ses «ministres» destitués, il a dénoncé «un procès politique». Dans un communiqué, il a présenté comme une tactique concertée la division de son gouvernement. Certains iront devant l'audience nationale «dénoncer la volonté de la justice espagnole de poursuivre des idées politiques», les autres «resteront à Bruxelles pur dénoncer devant la communauté internationale ce procès politique», a-t-il écrit.

Un des membres du bureau du Parlement qui sera entendu jeudi, Joan Josep Nuet, a pourtant jugé mercredi «irresponsable» l'attitude de M. Puigdemont. «Tous ceux qui sont cités à comparaître pourraient finir en détention préventive» parce qu'il a démontré que le risque de fuite existe, a-t-il déclaré à Catalunya Radio.

La même juge d'instruction avait justement invoqué le risque de fuite en plaçant en détention préventive le 16 octobre dernier deux dirigeants d'associations civiles indépendantistes inculpés pour sédition, parce qu'ils avaient incité à manifester contre la Garde civile lors de perquisitions à Barcelone.

Vers un mandat d'arrêt européen ?

Devant le refus de M. Puigdemont et de ses quatre ministres de comparaître, le parquet devrait demander leur arrestation, et le juge espagnol délivrer un mandat d'arrêt européen.

Mais selon son avocat belge, qui a déjà évité à des membres présumés de l'organisation séparatiste basque ETA d'être renvoyés en Espagne, M. Puigdemont peut demander à être entendu en Belgique. «Il ne va pas à Madrid, et j'ai proposé qu'on l'interroge ici en Belgique», a déclaré Me Paul Bekaert mercredi à la télévision catalane TV3.

Stratégie médiatique 

Les analystes voient dans la manoeuvre une stratégie électorale à moins de 50 jours d'un scrutin où les indépendantistes espèrent reconduire la majorité qu'ils ont utilisée en novembre 2015 pour enclencher le processus de sécession.

En s'exilant à Bruxelles, M. Puigdemont «joue plus à capter l'attention médiatique qu'à échapper à la justice», a déclaré à l'AFP à Madrid le politologue Fernando Vallespin. Les dirigeants cités à comparaître seront d'ailleurs accompagnés au tribunal de personnalités et d'élus de leur bord.

A Barcelone, la puissante association indépendantiste ANC a convoqué deux manifestations, devant le siège du gouvernement et dans la soirée devant celui du Parlement, pour dénoncer «la persécution judiciaire».