Frank De Winne : «J'espère voir de mon vivant une femme poser le pied sur Mars»

Il y a 25 ans cette année, un premier Belge séjournait dans l'espace. En 2002, Frank De Winne aura, à son tour, la chance de participer à une mission spatiale. Nous avons profité d'une célébration organisée par le Centre d'étude de l'énergie nucléaire pour lui demander son avis sur la future conquête de Mars.
par
Camille
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Tout le monde se demande quand l'être humain posera le pied sur Mars… Vous avez une idée sur la question?

«Ce qui est sûr, c'est qu'il faudra être patient… Nous avons encore beaucoup à apprendre avant de pouvoir envoyer une mission spatiale habitée vers Mars. Il nous manque tellement de connaissances, qu'il est même impossible de dire quand nous pourrons le faire.»

Certains parlent des années 2030, 2040…

«Ça ne sera en tout cas pas avant! Mais il faut être optimiste. En ce qui me concerne, j'ai vu, dans la première partie de ma vie, un homme poser le pied sur la Lune (Frank De Winne a 56 ans, ndlr). J'espère que, dans la seconde, je verrai une femme poser le pied sur Mars!»

Que nous manque-t-il pour partir à la conquête de Mars?

«Le voyage vers Mars durera plusieurs mois. Si on y ajoute le temps sur place et le voyage retour, cela fera une mission de deux ou trois ans. On ne pourra jamais envoyer suffisamment d'eau, par exemple, pour un équipage. Il va donc falloir apprendre à exploiter les ressources que l'on trouvera sur place. Cela veut dire apprendre à les détecter, puis apprendre à les extraire.»

Ph. Nasa

Sommes-nous bien avancés de ce côté?

«Nous avons encore beaucoup à apprendre. Mener une mission lunaire dans les années 2030 et les mettre en pratique seraient déjà une belle réussite. Il ne s'agira pas, comme lors des missions Apollo, d'y aller et d'y planter un drapeau, mais bien d'y faire quelque chose. Cela nous permettra d'avancer dans la maîtrise des techniques nécessaires.»

 

Pour le moment, les missions qui concernent Mars sont principalement des missions robotisées.

«Il est important de travailler cet aspect. Cela nous permet d'emmagasiner des connaissances. Grâce à ces missions, on saura où poser un vol habité afin de trouver des ressources en eau à proximité, et surtout, on saura comment repartir de Mars. On va déjà essayer d'y envoyer une mission et de la faire revenir avec du minerai. Ensuite, on pourra tenter de faire revenir des êtres humains. Ça sera une toute autre affaire.»

L'exploration humaine ne s'est pas toujours embarrassée de toutes ces précautions. C'est peut-être ce qui lui a permis d'avancer au fil du temps…

«En effet. Mais on ne peut pas attendre des agences spatiales, qui sont des agences publiques, qu'elles envoient des astronautes sans être certaines de les ramener en vie. Bien sûr, il y a toujours une part de risque. Mais il s'agit d'un risque calculé.»

Les scientifiques pointent un autre risque pour les futures missions spatiales: les rayons cosmiques.

«C'est un des grands problèmes que l'on doit résoudre. Dans l'espace, en s'éloignant de la Terre, les astronautes vont être exposés à de puissants rayonnements cosmiques. Ceux-ci vont avoir des conséquences sur leur santé (ils affaiblissent, entre autre, le système immunitaire et la densité osseuse, ndlr). Des recherches sur cette question sont en cours, notamment ici, en Belgique, au centre de recherche de Mol. On doit absolument trouver comment protéger celles et ceux qui occuperont une future mission vers Mars, sans quoi ils mettront leur santé à très rude épreuve lors de ce voyage.»

Elon Musk veut aller sur Mars en 2024.

Le multimilliardaire Elon Musk souhaite envoyer une mission humaine vers Mars en 2024-25. De nombreuses questions restent pourtant à résoudre avant qu'un tel vol soit possible. Quel carburant pour la navette, comment protéger les astronautes des rayons cosmiques, comment les nourrir et les hydrater… Alors, totalement farfelu, le souhait du milliardaire fondateur de Space X? «Organiser une telle mission d'ici 2024 est irréalisable, et Elon Musk le sait», estime Frank De Winne. «Mais nous avons besoin de personnes comme lui, capables d'avoir une vision, des ambitions. C'est important, afin de garder vivant le rêve de la conquête spatiale. L'être humain ne volera pas vers Mars en 2024. Mais en attendant, il pousse les chercheurs à continuer leurs efforts. C'est essentiel.»