En Roumanie, il apporte l'électricité aux foyers qui ne sont pas raccordés au réseau

En Roumanie, près de 100.000 foyers ne sont pas raccordés au réseau électrique. Pour pallier l'inaction des autorités, un ONG installe des panneaux photovoltaïques sur des maisons et des écoles non raccordées.
par
ThomasW
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Il est tard déjà mais Nicoleta Monea et ses enfants ont du mal à s'endormir: c'est le dernier soir passé sans électricité dans leur maison de Gorbanesti, dans le nord-est de la Roumanie, l'une des régions les plus pauvres du pays.

"L'homme qui apporte la lumière"

Comme près de 100.000 foyers à travers ce pays membre de l'Union européenne depuis dix ans, les Monea, qui survivent avec à peine plus de 100 euros par mois pour huit, ne sont pas raccordés au réseau électrique.

Mais Iulian Angheluta doit venir, "l'homme qui apporte la lumière". Cet ancien publicitaire âgé de 42 ans sillonne le pays depuis cinq ans pour le compte de l'ONG qu'il a créée. Sa mission: pallier l'inaction des autorités en installant des panneaux photovoltaïques sur des maisons et des écoles non raccordées.

Bientôt 100 familles raccordées

Le dispositif destiné aux Monea sera son 98e. Deux autres familles de ce village de 3.500 habitants du département de Botosani, dans le nord de la Roumanie, guettent elles aussi son arrivée.

La pauvreté, l'absence de titres de propriété, ou encore des disputes familiales autour d'une succession ont privé ces foyers d'accès au réseau électrique et les ont contraints de vivre au gré du soleil. "Les enfants devaient faire leurs devoirs dès qu'ils rentraient de l'école. S'ils tardaient, la nuit tombait et ils n'y voyaient plus", confie à l'AFP Nicoleta, 39 ans. "Parfois ils pleuraient à cause de ça", ajoute-t-elle.

'Le boulot des autorités'

Les Monea vivent depuis vingt ans dans une maison en torchis ayant appartenu aux beaux-parents de Nicoleta. Leurs six enfants y ont grandi. "C'était dur, surtout quand ils étaient bébés", explique la maman.

Dans cette région défavorisée, dont nombre d'adultes ont émigré à la recherche d'emplois, les Monea survivent grâce aux allocations familiales, soit au total l'équivalent de 90 euros par mois, auxquelles s'ajoutent les maigres revenus du père, Georgica, qui fait paître les vaches des voisins.

Extrême pauvreté oblige, leur seule source de lumière jusqu'à présent était une minuscule ampoule LED reliée à une pile, et "parfois une chandelle" éclairant une icône orthodoxe. "Quand papa doit charger son téléphone portable, on va chez un voisin", dit Catalin, 14 ans. Mais ce n'est pas gratuit, renchérit sa mère: "On payait 6 lei (environ 1,3 euro, ndlr) pour charger la batterie".

Accompagné de trois volontaires, Iulian Angheluta arrive enfin et débarque le matériel avant de se mettre au travail. "En fait, nous faisons le boulot des autorités, qui sont payées avec nos taxes et impôts", s'insurge-t-il. "Il existe un programme énergétique qui se transmet d'un gouvernement au suivant, mais rien de concret n'est fait."

Un "programme national d'électrification" abandonné

Les autorités le confirment. Un "programme national d'électrification" qui devait raccorder 98.871 foyers au réseau électrique entre 2012 et 2016, pour un coût total de 210 millions d'euros, "a été abandonné faute d'argent", a indiqué le ministère de l'Economie à l'AFP.

Selon Iulian, le dispositif d'énergie solaire qu'il déploie avec son ONG coûte environ 1.000 euros par maison: un budget incluant l'équipement et les frais de déplacement de l'équipe de bénévoles.

"Nous avons des sponsors qui financent nos opérations selon leurs moyens: certains payent pour une maison ou une école, d'autres pour un hameau entier", explique-t-il. Et dans ce pays de 20 millions d'habitants, le deuxième le plus pauvre de l'UE, les familles comptant plusieurs enfants ont priorité, souligne-t-il.

"Comme si on était au paradis"

Pas loin des Monea, un autre couple, Vasile Iftimie et son épouse Anca, a lui aussi mis tous ses espoirs dans Iulian. "Je me suis dit que si ma maison venait à être éclairée, ce serait comme si on était au paradis", dit Vasile, 35 ans, père de cinq enfants. Le plus rude, c'est l'hiver: "Les nuits sont tellement longues et les enfants restent là, dans le noir, sans rien faire", explique-t-il.

Il souligne être accueilli parfois avec méfiance: "Les gens ont du mal à croire que nous éclairons leur maison gratuitement". Et évoque des "vieillards qui fondent en larmes", mais aussi des enfants trop marqués par les privations pour montrer ouvertement leur joie. "Mais je sais que le soir, quand nous partons, ils jouent avec l'interrupteur et rêvent de dessins animés", dit-il.

"L'éclairage est un pas en avant, certes. Mais les gens manquent de tant de choses: d'éducation, d'argent, d'accès au système de santé", relève Iulian.