L'Albanie, l'autre mystérieux pays des cuisses de grenouilles

L'Albanie, où se tiennent des législatives dimanche, est parfois décrite comme le dernier pays mystérieux d'Europe.
par
Marie
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On y consomme des cuisses de grenouille et on y vient d'Italie pour y déguster des dattes de mer. Mais l'Albanie reste aussi un des pays les plus pauvres d'Europe, dont la jeunesse émigre massivement.

Le tourisme, secteur prometteur mais sous-exploité

La mer, la montagne, des rivières, des sites archéologiques antiques, un passé ottoman, des bunkers communistes transformés en cafés de plages, une gastronomie riche avec des cuisses de grenouille, du gibier, des fruits de mer dont les fameuses dattes de mer pêchées à la dynamite ou au marteau-piqueur et théoriquement interdites à la consommation : l'Albanie a tout pour attirer les touristes. Ce potentiel est sous-exploité, par la faute d'infrastructures hôtelières limitées et d'un réseau routier insuffisant.

Ce pays de 2,9 millions d'habitants a toutefois attiré 4,6 millions de visiteurs en 2016, selon le ministère du tourisme. Et la Banque mondiale s'est engagée à soutenir des projets notamment dans le sud, la région ayant le plus de potentiel.

Mercedes, passion nationale

Flambant neuves ou brinquebalantes, les Mercedes sont la voiture nationale albanaise, pesant pour 40% du parc automobile selon le ministère des Transports.

Autre image marquante, un réseau électrique urbain anarchique, massivement détourné par des habitants réticents à régler les factures. Mais désormais, ils s'exposent à de fortes sanctions.

Le visiteur remarquera aussi deux drapeaux omniprésents: l'aigle bicéphale noir sur fond rouge, l'étendard national; mais aussi la bannière de l'Union européenne. Isolés du reste du monde sous le communisme, "les Albanais sont obsédés par l'Europe. L'Europe est pour eux un amour maladif mais aussi un vrai modèle", dit l'écrivain Ismail Kadaré.

Une émigration massive

Selon le journal Monitor, l'Albanie a le taux d'émigration le plus élevé au monde, avec une diaspora d'1,2 million. La faute à un niveau de vie parmi les plus bas d'Europe (salaire brut moyen de 340 euros) et à un chômage qui touche près d'un jeune sur trois, selon l'Institut national des Statistiques (INSTAT). Au début des années 1990, la moyenne d'âge était de 28 ans, la plus jeune en Europe. Elle est désormais de 37 ans, selon l'INSTAT. A cette émigration massive s'ajoute une baisse de la fécondité.

Une tradition de tolérance religieuse

Officiellement athée durant l'ère communiste (1945-1991), l'Albanie est majoritairement musulmane (56%), pour un quart de chrétiens (catholiques et orthodoxes). L'islam y est souvent très libéral à l'image de la confrérie soufie des Baktashis, dont les adeptes consomment de l'alcool. En septembre 2014, le pape François avait choisi l'Albanie pour son premier voyage en Europe, voulant y promouvoir un modèle de tolérance entre religions. Cette coexistence n'a pas été entamée par le départ en Syrie et en Irak d'une centaine de jihadistes albanais.

Des traditions en voie d'extinction

Ismail Kadaré en a fait un de ces thèmes littéraires: à l'étranger, l'Albanie est associée à la vendetta locale, la "Gjakmarrja", cycle de vengeance dans lequel sont enfermées des familles. Dans les faits, on n'est pas loin de l'extinction de cette tradition régie par un code d'honneur du XVe siècle, le "Kanun", établi par un seigneur du Nord du pays, Lek Dukagjini, pour réglementer la vie quotidienne.

La "Gjakmarrja" avait disparu durant la période communiste avant de connaître un regain. Plus qu'un retour de la tradition, le médiateur de la République albanaise en rend responsable "un système judiciaire faible qui pousse les gens à régler leurs comptes eux-mêmes". Selon son dernier rapport, 157 personnes dont 44 enfants restent cloîtrées en Albanie de peur d'être victimes d'une vendetta.

Autre tradition déclinante, celle des "vierges" jurées, les "burrënesha", ces femmes qui, parfois pour refuser un mariage ou parce qu'elles étaient enfant unique, choisissaient de vivre comme des hommes et étaient traitées comme tels dans une société patriarcale. Elles ne sont plus qu'une poignée.