Avec "Rêvolution", IAM mène sa campagne

IAM, les vétérans mythiques du rap français, redébarque au sommet des charts. À l'image de la couverture de leur huitième album «Rêvolution», c'est poings serrés que les fins limiers marseillais clament leur amour pour un genre musical qu'ils ont propulsé au sommet de sa popularité. Depuis 30 ans, l'accent sudiste du collectif sabre la haine et les politiques individualistes qui «gangrènent» leur France. Chargé d'influences reggae et funk, le clan marseillais a ressorti sa plus belle plume pour offrir 19 titres engagés qui rappent et chantent une ode au vivre-ensemble qui fera sûrement écho à l'aube de la présidentielle française.
par
Gaetan
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Une tournée pour les 20 ans de «L'école du Micro d'Argent», des projets personnels, un nouvel album. Après 20 ans de carrière, avez-vous encore des rêves inassouvis ?

Akh : «Il y en a plein, tant au niveau personnel qu'artistique. Et heureusement, c'est ce qui nous fait avancer. Par exemple, on a fait les États-Unis, l'Égypte, la Chine,... on va jouer au Japon. C'est un lieu qui est important pour nous, symboliquement. Regardez la pochette du l'album « L'École du Micro d'Argent » ou l'influence de Geo (Shurik'n, NDLR) dans l'imagerie du groupe. Et puis, on veut encore faire des tournées, emmagasiner des souvenirs. C'est ce qu'il y a de plus précieux. C'est une drogue qui nous donne envie de travailler et de revivre des choses simples qu'on a déjà vécues. Sur un prochain album, si on peut (rires).»

Les critiques sociétales et politiques forment la colonne vertébrale de l'album. Vous menez campagne?

Shurik'n : «Ce n'est pas une campagne, c'est un aspect de notre culture qui nous plaît. On profite de la musique qui est avant tout une passion et qui devient l'outil de certaines discussions, de coups de cœur ou de coups de poings. On s'en sert pour réagir à certains faits de société. Après on sait que l'art ne changera pas le monde, sinon il l'aurait déjà fait. Mais on continue de le faire un petit peu trembler. Parfois, c'est simplement un échange, un partage d'opinions. Et on ne le fait pas parce que d'autres ne le font pas mais parce que c'est ce que nous aimons faire simplement. On n'a pas de temps ni d'énergie à consacrer à juger les autres.»

Akh : «Cette mentalité destructrice règne en France. Et la campagne est à l'image de l'état d'esprit: le but n'est pas de se hisser mais c'est de casser l'autre. Notre campagne, on la mène pour nous-mêmes et pour nos enfants pour qu'ils ne vivent pas dans un pays pourri et sclérosé. Quand Marine Le Pen arrive à faire gober aux gens qu'elle est issue du prolétariat alors qu'elle a grandi à Saint-Cloud dans un château... ou que les gens ne s'offusquent pas de la voir se balader aux côtés d'anciens ‘gudards' qui ont fait des signes nazis... Ça sent la merde ! On avait cette métaphore avant quand on comparait les quartiers en France et aux États-Unis. Là-bas, un mec qui voit une belle voiture se dit : ‘Comment je peux faire pour avoir la même'. En France, c'est : ‘Putain, s'il pouvait se planter au prochain virage'.»

Kephren : «Ou ‘qu'est-ce qu'il a magouillé pour l'avoir ?!' Cette campagne est dingue. Des candidats comme Fillon sont confrontés à leur mensonge et ça n'a aucune incidence.»

Comment définir cet album ?

Akh : «On a décidé avec « Rêvolution » de faire un album plus élevé qu'« Arts martiens » au niveau du tempo, des rythmiques plus entraînantes. Tout simplement parce qu'on sort de deux ans et demi de lives et qu'on voulait faire des morceaux qui fonctionnent bien sur scène. De façon générale, je dirais lumineux, assez classique avec des ouvertures et des influences funk, reggae et même vers un rap un peu plus moderne avec des morceaux comme « Monnaie de Singe ». Mais la culture hip hop marque cet album de façon générale. Et on aime aussi le R'n'B. Au final, ça nous énerve d'être mis dans des cases. Quand on voit l'hyperprésence de la culture hip hop et de la culture rap en général et que les grands médias ont toujours un avis réducteur sur cette culture, on se dit qu'il y a encore un grand chemin à parcourir. Le rap reste associé au ‘grossier, aux femmes à poil, aux homophobes'. Quand les chanteurs de R'n'B battent leurs femmes, ce sont des rappeurs. Chris Brown, Bobby Brown,... Ce qu'on réclame, c'est ce droit à la nuance. On est tous dans le même bateau…au large des côtes libyennes.»

Kheops : «Sur certains médias, il n'y a que les archétypes, ‘yo', casquettes à l'envers, etc. Et bon, plus récemment, quand il s'agissait de montrer à quoi ressemblaient les terroristes, on les montrait plus jeunes en train de s'essayer au rap.»

Mais les médias s'ouvrent au rap...

Kephren : «Peut-être en Belgique. On a commencé en 84. Sur TF1, il y avait une émission qui s'appelait ‘Hip Hop' le dimanche de 13 à 14h. Après, on a eu M6 avec « RapLine ». Aujourd'hui, sors-moi une seule émission dédiée à la culture hip hop… Plus le mouvement a grossi, plus sa couverture médiatique s'est rétrécie.»

Akh : «Fin des années 90, on nous a dégagés de la scène française. Les gamins sont rentrés par la fenêtre. Ce qui a d'aberrant, c'est qu'on est la culture majoritaire dans ce pays, et les portes sont toujours fermées. On se demande ce qu'il va falloir faire pour être acceptés pour que, enfin, notre culture soit reconnue…»

Encore taper aux portes?

Kephren : «On a des enfants, on ne se résignera pas. Aujourd'hui, on veut qu'ils comprennent qu'il va falloir se battre et du coup, on montre l'exemple.»

Akh : «Et puis surtout, on veut éviter que cette frustration d'une grosse partie de la population ne dégénère. Quand on demande justice pour Théo, c'est aussi qu'on demande la paix pour tout le monde. Il faut que les autorités réalisent que tout est lié. Quand tu vois que des flics ne sont pas condamnés alors qu'ils commettent des exactions depuis des années ou que des médias révèlent que des Stup organisent un trafic de drogues…Les gamins sont au courant de tout ça. Aujourd'hui l'information circule vite. Il faut vite que les autorités réagissent car sinon, au bout d'un moment, la volée va être dure.

Gaëtan Gras

IAM sera en concert au palais 12 au Heysel le 29/11 pour les 20 ans de ‘L'Ecole du Micro d'Argent. Et le groupe sera présent au festival Esperanzah!