En Laponie, la police des rennes veille au grain

Au coeur de l'immense et, en apparence, paisible Laponie norvégienne, une motoneige aux bandes fluo s'avance dans la toundra glacée: c'est la «police des rennes», une force unique au monde, qui veille à ce que le Grand Nord ne vire pas au Far West.
par
ThomasW
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Le nombre des cervidés a été plafonné à 148.800 têtes au Finnmark, comté le plus septentrional de la Norvège. Pourtant, il arrive que les éleveurs se disputent violemment la répartition des zones de pâturage sur le plateau montagneux où les rennes se retirent l'hiver après avoir passé l'été sur les côtes.

Disputes entre éleveurs

Insultes, menaces, vol ou massacre d'animaux et, plus rarement, coups de poing ou coups de feu... Bien que quasi désertique, le Grand Nord n'échappe pas aux violences et incivilités entre éleveurs samis (lapons), population autochtone de l'Arctique. La «police des rennes» entre alors en scène. «On joue les intermédiaires et on cherche à trouver une solution. On est des médiateurs de paix en quelque sorte", explique Jan Tore Nikolaisen, un ancien soldat qui sert depuis un an dans cette unité de 15 agents.

La concurrence pour les ressources peut tourner à l'aigre. Deux bergers de Kautokeino, grosse bourgade du Finnmark, ont été condamnés à la prison en 2013. Ils avaient rossé un intrus sur leur pâturage, puis l'avaient ligoté avec un lasso et laissé seul malgré les températures glaciales, emportant avec eux la clé de sa motoneige.

Les aléas climatiques n'arrangent pas les choses. Qu'une couche de glace impénétrable se forme au sol après une alternance de pluie et de gel, et le renne peine à accéder au lichen dont il se nourrit en creusant dans la neige. La tentation est alors grande pour le troupeau ou son berger d'aller chez le voisin, au risque de mélanger les cheptels et d'échauffer les esprits.

Une police née en 1949

La «police des rennes» est née en 1949, pour lutter contre le braconnage dans une région alors dévastée et affamée par la politique de terre brûlée menée par les Nazis quelques années plus tôt.

A califourchon sur leur motoneige ou leur quad plus souvent qu'en voiture, ses agents doivent patrouiller un immense territoire de 56.000 km2, généralement à distance respectueuse des troupeaux pour ne pas les effrayer. «Des semaines entières peuvent s'écouler sans que l'on voie un renne", confie Jim-Hugo Hansen.

Le nom de la «police des rennes» fait d'ailleurs débat. Il «donne l'impression que cette police n'est là que pour s'occuper de ces satanés éleveurs mais elle a beaucoup d'autres rôles", dit Anders Oskal, directeur du Centre international pour l'élevage de rennes. Les membres mêmes de la police le jugent réducteur. «On veille aussi sur la nature et à ce que le public respecte les règles de la chasse, de la pêche, du trafic motorisé...", argumente la cheffe de la police des rennes, Inger Anita Øvregård, au QG situé à Alta.

Les éleveurs trouvent aussi le nom stigmatisant, insinuant l'idée que la criminalité serait plus fréquente chez eux que dans le reste de la société. Or «globalement, les éleveurs de rennes sont des gens décents qui essaient d'avoir une vie décente", dit Anders Oskal.

Ph. AFP PHOTO / Jonathan NACKSTRAND