Journée des droits des femmes: Marie Arena : «On assiste à une remise en cause des droits des femmes»

L'eurodéputée Marie Arena (PS) s'inquiète de la vague réactionnaire qui remet en question les droits des femmes. Et notamment celui de l'accès à l'avortement, un droit qu'elle qualifie d'essentiel pour la santé et l'émancipation.
par
Camille
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Vous constatez, depuis quelques années, une remise en cause des droits des femmes.

«J'observe une évolution qui est très inquiétante. Nous faisons face au retour d'une vague réactionnaire, qui se manifeste à différents niveaux. Très récemment, on a pu entendre un député européen d'extrême-droite tenir des propos inacceptables (il estimait normal que les femmes soient ‘moins bien payées que les hommes', parce qu'elles seraient ‘plus petites, plus faibles, et moins intelligentes', ndlr). Ce discours est malheureusement habituel dans la bouche de l'extrême droite. Mais je constate que la droite durcit également ses positions, pour adopter des postures de plus en plus réactionnaires».

Par exemple?

«En Pologne, le gouvernement de droite vient de tenter de remettre en cause l'accès à l'avortement, alors qu'il est déjà particulièrement restreint dans ce pays. Il a fallu une mobilisation très forte des femmes polonaises pour que le projet soit retiré. En Espagne, le gouvernement du conservateur Mariano Rajoy a également tenté de limiter l'accès à l'avortement. Là encore, il a fallu une forte mobilisation locale pour éviter un retour en arrière.»

 

Comment expliquez-vous ce mouvement?

«Les droits des femmes sont toujours les premiers à être remis en cause en cas de crises. Les difficultés économiques que l'on connaît depuis 2008 ont ramené sur le devant de la scène des partis politiques qui remettent en cause l'État social. Dans leur vision du monde, c'est la famille qui protège, et non l'État. Ce sont des gens pour qui la femme prend le travail de l'homme, et elle devrait donc rester à la maison pour lutter contre le chômage. Ces mouvements populistes ont profité de la situation économique pour remettre en avant leur agenda sur la question des droits des femmes.»

 

Quelles réponses peuvent être apportées à cette tendance?

«La question de l'avortement est une compétence principalement nationale, chaque État décide des conditions pour y accéder. Mais il est possible d'agir au niveau européen également. Nous devons renforcer nos efforts pour faire appliquer une directive déjà existante relative à l'accès à la santé. Il ne s'agit pas de relancer un débat politique, mais simplement de faire appliquer le droit tel qu'il existe. Les sociétés civiles des pays où les femmes rencontrent des difficultés pour accéder à l'avortement doivent saisir la commissaire européenne pour qu'elle fasse respecter les règles.»

«Car ne nous trompons pas: réduire l'accès à l'avortement pose un véritable problème de santé publique. Dans des pays où l'avortement est illégal, 32 femmes sur 1.000 y ont recours, pour ce que l'on en sait en tout cas. En Belgique, elles sont 7,5 sur 1.000 à y recourir. Et celles qui pratiquent l'avortement dans la clandestinité peuvent être victimes de complications, et même voir leurs possibilités futures d'attendre un enfant menacées.»

Et au niveau national, comment agir?

«Il est très important de donner des moyens financiers aux centres de plannings familiaux. Il est également nécessaire d'obliger les médecins à informer correctement leurs patientes quand ils refusent de pratiquer un avortement du fait de leur clause de conscience.»

En Belgique, y a-t-il des combats particuliers à mener?

«Nous demandons que l'avortement soit sorti du code pénal. Les femmes doivent pouvoir avorter en toute liberté, sans justifier de raisons. N'oublions pas que planifier sa maternité est une condition essentielle de l'autonomie, et donc, de l'émancipation.»