Au théâtre cette semaine - 7 mars 2017

Metro vous commente les créations et reprises théâtrales à voir cette semaine à Bruxelles et en Wallonie. Du joli spectacle en perspective...
par
Nicolas
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Je suis un poids plume

Elle est nerveuse, elle sonne à la porte. Il ouvre, elle vient récupérer ses affaires. Il l'empêche d'entrer, il n'est pas seul. Ça l'énerve. Elle est retournée chez son père, la dix-huitième fois qu'elle met son nom sur une nouvelle sonnette. Stéphanie Blanchoud monte sur scène pour nous parler de sa rupture, ou plutôt de la manière dont on traverse cette sortie de couple. La comédienne elle l'a traversé d'une manière singulière, par le sport. La boxe fut son choix, pas par passion au premier abord, mais parce que ça lui semblait bien pour se défouler. Elle va rencontrer Ben, son coach. Ses conseils simples, entièrement focalisés sur l'effort physique, vont aider notre interprète à renaître physiquement et mentalement.

"Je suis un poids plume" - Ph. Johannes Vandevoorde

C'est avec le regard complice et amical de Daphné D'Heur, comédienne également, que Stéphanie Blanchoud a décidé de remonter sur scène, seule, comme on monte sur un ring pour son premier sparring. La construction de son récit est simple mais efficace, faisant s'entrecroiser d'une part les étapes de la reconstruction sentimentale, d'autre part l'apprentissage d'un art du combat qui consiste bien souvent à lutter contre soi-même que de taper sur le nez de celui d'en face. C'est là que les deux trajectoires se rencontrent, dans ce qu'elles ont chacune d'intime et d'intériorisé.

"Je suis un poids plume" - Ph. Johannes Vandevoorde

Et c'est sans prise de tête, que l'interprète nous emmène dans cette quête de quiétude, avec un certain recul, de l'humour parfois, au rythme du « Eye of the Tiger » de Survivor (« comme dans Rocky ! »). Les contours de l'espace de jeu délimitent le ring des sentiments autant que celui de la sueur et de la concentration sur l'effort. Stéphanie Blanchoud boxe le sac d'entraînement comme on boxe les frustrations d'une vie à deux qu'on avait idéalisée (les voyages, le mariage, les enfants,etc.). La comédienne -désormais connue du grand public pour son rôle de flic dans « Ennemi public »- livre une prestation incarnée de son histoire, dans une lumière qui focalise notre attention tantôt sur son visage, tantôt sur ces gants rouges pendus et prêts à être enfilés pour le prochain combat.

Quartier 3. Destruction totale

On les voit venir ces vilipendeurs du jeu vidéo, qui considèrent « Warcraft » et « Call of Duty » comme les causes de l'apathie de la jeunesse contemporaine, voire de sa radicalisation. On se dit toutefois qu'au Théâtre de Poche, maison théâtrale qui aime à interpeller le public ado, que cela ne pouvait être aussi réducteur.

"Quartier 3, Destruction totale" - Ph. Yves Kerstius

On sent dès les premières minutes de ce « Quartier 3. Destruction totale » qu'une menace plane sur cette banlieue américaine assez banale. Ses villas cossues et ses pelouses bien tondues n'ont d'harmonieux que leur aspect. Leurs habitants, par contre, révèlent au fil de leurs échanges leurs faiblesses, leur incrédulité et leur inconscience des limites qu'ils risquent à tout moment de dépasser, celles qui séparent le virtuel du réel, l'écran de la « vraie vie ». Sur scène, nous avons des adolescents qui expérimentent, testent leurs aînés et construisent en réseau numérique un monde dans lequel ils projettent leurs frustrations. Les zombies qu'ils combattent dans ce jeu « Quartier 3 » -qui reprend le plan exact du voisinage- ne sont-ils pas ses parents absents et dépassés, perdus dans leur confort bourgeois et normé ?

"Quartier 3, Destruction totale" - Ph. Yves Kerstius

Plus qu'une crucifixion de l'objet jeu vidéo, le texte de l'auteure américaine Jennifer Haley vise plutôt cette perte de contact dans les familles Les rapports humains son fantasmés sur papier glacé par les uns (les parents), sur console de jeu pour les autres (les ados). Olivier Boudon parvient à traduire cette ambiguïté dans sa mise en scène qui confond elle-même le réel du virtuel. Si l'écran qu'il interpose entre le public et les comédiens (Stéphane Fenocchi, Laure Wittamer, Lucile Charnier et Lode Thierry) accentue une distance et conduit à peu d'empathie pour les personnages, il transcrit la froideur des rapports intergénérationnels, avec ce qu'il faut de suspense et d'inquiétude généralisée pour nous faire comprendre que le pire est à venir.

À voir aussi cette semaine

À Bruxelles

Apocalypse Bébé - Selma Alaoui adapte pour la scène le roman de Virginie Despentes. Un road-movie percutant qui fout le machisme à terre. À ne pas manquer ! Du 7 au 25 mars au Théâtre Varia. > Notre critique complète

Et avec sa queue il frappe - Alexandre Trocki endosse parfaitement les habits de ce père qui réconforte son fils apeuré à l'entrée de l'école. Un solo qui vaut pour la prose de Thomas Gunzig et la mise en scène cruelle et drôle de David Strosberg. Du 7 au 18 mars au Théâtre les Tanneurs.

L'Enfant sauvage - Thierry Hellin joue les pères adoptifs au cœur gros comme ça. À l'écriture et à la mise en scène, Céline Delbecq signe un texte direct et terriblement humain sur "les enfants du juge". Un drame qui prend aux tripes sur une thématique sociale forte. Un spectacle d'utilité publique. Du 7 au 18 mars à l'Atelier 210 (une production du Rideau de Bruxelles). > Notre critique complète 

À Mons

Ceux que j'ai rencontrés ne m'on peut-être pas vu - Le collectif NIMIS offre un spectacle documentaire-clé sur la crise migratoire. Indispensable dissection des discours politiques et administratifs qui remet l'humain au centre. Ce 7 mars au Mars à Mons. > Notre critique complète

À Charleroi

Blockbuster - Le Collectif Mensuel remonte en direct un film hollywoodien (voix, musique et bruitages) pour nous expliquer la crise financière. Une vraie performance technique engagée sur les travers de l'économie et de la finance ! Du 6 au 10 mars à l'Eden de Charleroi.

À Liège

La Trilogie des éléments : Ismène/Phèdre/Ajax - Marianne Pousseur incarne dans trois seul-en-scène Ismène, Phèdre et Ajax. Les textes de l'auteur Yannis Ritsos méritent toute notre attention et apportent un certain lyrisme à ces héros antiques. Déclamé et chanté par la comédienne dans une scénographie et une mise en scène d'Enrico Bagnoli sensorielle et expérimentale. Jusqu'au 24 mars au Théâtre de Liège > Notre critique complète d'Ajax

Nicolas Naizy