Un "singe à selfies", fumeur et buveur de soda, a été sauvé d'un zoo irakien

Séparé de sa mère après sa naissance puis vendu par des trafiquants, le chimpanzé Manno fumait encore récemment les cigarettes qu'on lui tendait et posait docilement, habillé tel un enfant, sur les selfies des visiteurs d'un zoo privé du Kurdistan irakien.
par
ThomasW
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Forcé à ingérer des sucreries et sodas provoquant chez lui des diarrhées permanentes, il était en outre enfermé, le soir venu, dans une cage d'à peine un mètre carré sur deux de haut, au zoo de Dohuk, à 70 km au nord de Mossoul.

Accueilli dans un sanctuaire au Kenya

Ce mâle de 4 ans a finalement quitté sa prison grâce aux efforts conjugués d'organisations, de particuliers et à la coopération du gouvernement autonome du Kurdistan irakien. Il vient d'être accueilli dans un sanctuaire kényan recueillant depuis 1993 des chimpanzés, une espèce menacée.

Transbahuté plusieurs jours dans une boîte en bois d'un mètre cube, Manno est arrivé le 30 novembre au sanctuaire pour chimpanzés de la réserve privée d'Ol Pejeta, au pied du Mont Kenya. «Avant de rejoindre les autres chimpanzés, il doit passer un moment en quarantaine», explique le vétérinaire et directeur du sanctuaire Stephen Ngulu, pour s'assurer qu'il n'a aucune maladie pouvant menacer les 36 autres primates de la réserve.

Puis il pourra intégrer l'une des deux communautés de chimpanzés vivant dans ce territoire boisé de plus d'un kilomètre carré, entouré d'une clôture électrique.

Sans contact avec d'autres singes depuis trois ans

Pour ne pas chambouler l'équilibre du groupe et créer des rivalités pouvant dégénérer en violences mortelles, son intégration se fera très lentement, explique M. Ngulu. Il sera progressivement mis en présence des autres primates, à commencer par les femelles, pour une acceptation en douceur.

D'autant que Manno, séparé de sa mère peu après sa naissance - vraisemblablement dans un zoo de Damas -, n'a plus eu le moindre contact avec d'autres chimpanzés depuis au moins trois ans, lorsqu'il a été vendu illégalement fin 2013 au zoo de Dohuk pour 15.000 dollars (14.000 euros).

Une espèce classée «en danger d'extinction»

Sa quarantaine dans la réserve, il l'effectue dans une maison de 100 mètres où il se balance de corde en corde et joue avec branches, peluches et ballons. «Il joue et bouge sans cesse, très excité par ce que nous avons placé dans la maison», se réjouit M. Ngulu, notant qu'«il ne semble pas être déprimé».

Le sanctuaire «n'est pas leur environnement naturel» et le chimpanzé n'est pas une espèce indigène au Kenya, reconnaît Richard Vigne, directeur de la réserve d'Ol Pejeta. «Mais c'est beaucoup mieux que ce qu'ils ont vécu avant».

La réserve se veut «un symbole de l'échec de la préservation» d'une espèce, explique M. Vigne, rappelant que le chimpanzé, avec une population estimée au mieux à 250.000 individus, est une espèce classée «en danger d'extinction» par l'Union internationale pour la conservation de la nature (UICN).

Un transfert à 10.000 dollars

Le transfert de Manno vers le Kenya a coûté environ 10.000 dollars. M. Vigne coupe court aux critiques éventuelles: aider un chimpanzé dans un pays en guerre ne fait pas de vous une personne insensible à la souffrance humaine, dit-il. «D'autres ont pris la responsabilité d'aider les gens, et nous, nous menons le combat que nous nous sommes fixé, avec de l'argent qui nous a été donné dans ce but».

«Il y a des milliers de chimpanzés au Moyen-Orient et en Extrême-Orient dans le même cas que Manno», relève-t-il. «En sauvant l'un d'entre eux, nous attirons l'attention sur le fait que plein d'autres ont besoin d'aide».

Ph. HO / ANIMALS LEBANON / AFP