Pierre Croce utilise PowerPoint comme vous ne l'avez jamais vu!

Suivi par 1 137 855 abonnés, il draine plus de 22 millions de vues par mois! Pierre Croce est devenu, en près d'un an, un YouTubeur hors pair. Mais il est avant tout un humoriste qui aime la scène. Il sera chez nous le 24 février prochain pour un spectacle hors norme intitulé "PowerPoint Comedy". Un cadeau de Noël qui devrait plaire à de nombreux adolescents... et pas que!
par
Maite
Temps de lecture 8 min.

Pour la première partie de votre spectacle, vous n'avez pas choisi n'importe qui… Ce n'est autre que Siri, l'assistant vocal sur IPhone, qui est seul en scène.

« Le téléphone est posé sur un tabouret comme un stand-up new-yorkais. Cela résume assez bien l'esprit du spectacle. Un mélange entre nouvelles technologies et stand-up. Siri explique qui il est, et à partir de là, il fait des blagues. C'est ça le spectacle. Je parle des réseaux sociaux, des nouvelles technologies, de tout ce qui est actuel, mais je n'en parle pas sans les expliquer. Il y a côté marrant d'un côté, et découverte de l'autre. »

Dans votre spectacle, vous donnez un tas de situations différentes liées aux réseaux sociaux. Du vécu personnel ?

« Il y en a. Mais il y a aussi de la fiction. Je montre, par exemple, des SMS de rupture. Ce n'est évidemment pas vrai. Je ne suis jamais sorti avec autant de filles (rires). Il y a aussi les SMS de ma mère, qui sont un mélange entre des trucs vrais et des trucs faux. Le ‘Je suis une nouvelle guique' (pour dire geek, NDLR), elle l'a vraiment écrit ! C'est un peu comme les films tirés d'une histoire vraie. C'est tiré d'une histoire vraie mais les traits sont forcés sur certains aspects. »

Vous touchez un public entre 15 et 30 ans. Le challenge aujourd'hui, c'est de savoir se renouveler et de ‘grandir' avec eux, non ?

« Oui, c'est sûr. Il y a un terme aujourd'hui qu'on utilise, c'est ‘influenceur'. C'est le terme un peu générique pour dire YouTubeur, bloggeur,… Ce n'est pas un terme anodin. Si tu dis que tu n'aimes pas une chose, tu vas entendre les gens dire dans la rue qu'ils ne l'aiment pas non plus. Tout ça parce qu'ils ont entendu un YouTubeur le dire. Il faut qu'on fasse attention. Après, je trouve qu'en France et en Belgique, les YouTubeurs sont bienveillants. Cyprien, Norman, GuiHome sont des gens intelligents, qui ne font pas d'excès et qui ne sont pas connus dans la presse à scandales. »

C'est devenu un véritable phénomène. Il y a même des salons des YouTubeurs. 

« Je préfère les éviter. Il y la côté groupie qui ne me plait pas. Je préfère le côté plus humain. Je préfère organiser mes rencontres avec 50-100 personnes. Pour mon million d'abonnés, j'ai invité 350 personnes, et je me suis rendu compte que même ça, c'est beaucoup. J'ai parlé un peu à tout le monde mais concrètement à personne. Et dans les salons, c'est pire. Les gens crient pour avoir l'attention des YouTubeurs. Et je n'aime pas ça. »

Vous êtes devenus de véritables stars.

« Oui, et c'est intéressant car ça rappelle un peu le rock et la pop-culture de certaines années. J'ai fait quand même un salon. Je n'étais pas annoncé. J'étais invité pour faire une interview sur scène, et j'ai eu du mal à l'atteindre. Les gens m'arrêtaient pour prendre des photos. Mais je devais avancer car sinon j'étais en retard. Alors les gens me couraient après. C'était hallucinant. »

Et dans la rue ?

« Dans la rue, c'est beaucoup plus sympa. On prend une photo. Ils me voient avec ma caméra. Les gens me posent des questions. Je préfère ce côté plus convivial. »

Votre objectif était-il la notoriété ?

« Ce qui est marrant, c'est que quand tu es gamin, c'est ça que tu recherches. Et quand ça se rapproche de ça, c'est ça qui m'attire le moins. Aujourd'hui, ce qui m'intéresse, c'est de réfléchir vers quoi je vais amener les gens qui me suivent. C'est devenu un challenge : je veux les amener vers quelque chose de plus créatif. Cette année, c'était de poster des vidéos tous les jours. »

C'est si étonnant que ça pour un YouTubeur de poster tous les jours une vidéo ?

« Oui, et il faut savoir qu'en 2010, quand Norman et Cyprien ont posté la vidéo qui les a fait connaître, on publiait à l'époque une vidéo par mois. C'était déjà hallucinant. C'est beaucoup de travail. Mais aujourd'hui, cela va plus vite. On sait monter plus facilement et plus rapidement. »

Cela vous prend combien de temps pour monter une vidéo ?

« Entre quatre et douze heures. Il faut avant tout que cela marque. Il y a le contenu régulier qui me prend en moyenne six heures. Mais à côté de ça, il y a le contenu plus exceptionnel qui me prend plus de temps. »

Dans votre spectacle, vous dites que vous n'êtes pas geek. Vraiment? 

"Je ne le suis pas dans le sens qu'un vrai geek connait beaucoup plus que moi la technologie. Moi si mon ordinateur a un problème, je l'emmène au magasin. Je ne vais pas essayer de le réparer. Il y a bien sûr plein de définitions du geek. Mais je me considère être dans la moyenne d'un jeune d'aujourd'hui. Je passe effectivement beaucoup de temps sur Internet car c'est mon métier. Mais je ne suis pas un fin connaisseur de la culture Internet pour autant. Tu me mets devant un vrai geek, je suis peu crédible. »

 

Comment expliquez-vous que certains arrivent à se faire une place sur la Toile, et d'autres pas.

« Je pense qu'il faut avoir de la personnalité et savoir l'exprimer le mieux possible pour fonctionner sur Internet. Il ne faut pas copier les autres. C'est celui qui arrive en premier qui va marcher, et pas la copie du premier. Il faut créer des petits concepts. Moi, j'ai créé le PowerPoint. Enfin, je n'ai pas créé le PowerPoint. En fait si, je bosse depuis des décennies pour Microsoft… attention, j'enlève mon masque (rires). Non mais sans blague, j'ai créé un concept avec PowerPoint, ça a marqué les gens. Je me suis ensuite lancé un défi de poster une vidéo par jour pendant un mois, ça a aussi marqué les gens. L'idée est d'être le plus créatif possible et d'être le premier. »

Il existe même des livres pour savoir comment créer sa chaîne YouTube. Vous avez participé à l'élaboration de l'un d'entre eux.

« Il existe des livres sur tout. Il doit en avoir sur ‘Comment devenir un chanteur populaire'. Mais tu n'apprendras pas à faire un tube. Un tube, c'est un tube. Ça se ressent, ça se travaille mais il n'y a pas de recettes. Moi, j'ai fait des centaines de vidéos mais des virales, j'en ai fait que 4. »

L'une d'entre elles, c'est justement, comme on en parlait tout à l'heure, celle avec un PowerPoint.

« Oui, la vidéo « Rompre à l'aide d'un PowerPoint » a fonctionné très vite. C'était ma première vidéo, et elle a fait plus d'un million de vues en trois semaines. »

Pourquoi celle-là à votre avis ?

« Je pense qu'elle a un côté un peu sociologique. C'est comme la série ‘Black Mirror' sur Netflix. On y retrouve plein de situations de vie qui pourraient arriver si la technologie continue à évoluer. Quand j'ai sorti « Rompre à l'aide d'un PowerPoint », il y a eu plein d'articles qui se posaient la question: " Si ça tombe, un jour, on va vraiment rompre avec un PowerPoint". Avec cette vidéo, il y a d'un côté l'humour et de l'autre, un questionnement sur notre comportement d'aujourd'hui. »

À l'époque, vous n'aviez pas beaucoup d'abonnés.

« Non, j'en avais tout au plus 500. J'avais fait un an de scène, ce pourquoi j'avais un peu de gens qui me suivaient. Le site SpiOn a posté la vidéo du PowerPoint, et en une heure, elle avait 2.000 vues. Le soir-même, il y en avait 100.000. Avant, j'aurais dû faire 100 vidéos pour avoir cela (rires). J'ai ressenti la sensation pas du tout désagréable d'une vidéo virale. On a commencé à s'intéresser de plus en plus à mon travail. »

Ne trouvez-vous pas qu'il ait fallu beaucoup de temps pour que les médias traditionnels s'intéressent enfin aux bloggeurs et aux YouTubeurs.

« Oui, il en a fallu. Mais aujourd'hui, il y a de plus en plus de chroniques ‘buzz' en télé et en radio. Pour ma part -pas le premier jour car ce ne sont pas les médias les plus rapides-, la télévision a repris ma vidéo. On m'envoyait des photos des écrans en me disant que je passais à la télé. Ma vidéo a fait le tour de France sans qu'on ne me connaisse. Conséquence : le lendemain, le bar où je jouais mon spectacle était plein. »

Vous avez commencé sur scène. Pourquoi vous êtes-vous lancé sur le net ?

« C'était un rêve d'ado d'être sur scène. J'avais écrit un truc quand j'étais aux Etats-Unis avec un PowerPoint. Quand je suis arrivé à Paris, je l'ai testé. La mécanique marchait bien. Avec un pote, on bossait sur les prémices du spectacle. Et quand j'ai eu envie d'attirer du monde, j'ai fait cette fameuse vidéo du PowerPoint. La scène, c'est en quelque sorte l'ancienne école. Mais c'est une école qui forge vraiment. Si tu te prends un bide, tu te prends un bide. Tu ne peux te reposer sur rien du tout. Quand tu fais une blague et que personne ne rigole, tu apprends. C'est essentiel. S'il y a un conseil que je peux donner, c'est celui-là : si vous voulez faire de l'humour, faites d'abord un peu de scène. »

Les codes sont pourtant différents.

« Oui bien sûr. On en parlait l'autre jour avec Norman, qui lui a fait l'inverse. Il m'a dit que depuis qu'il faisait de la scène, il écrivait différemment. Sans parler en son nom, je pense qu'il considère qu'il écrit plus efficacement maintenant. La scène, c'est l'entrainement du sportif. Surtout les caves de Paris. Croyez-moi, c'est le côté gymnase avant de faire les JO. »

Une heure de stand-up…

« Et quand tu as sept personnes dans ta salle, il faut les tenir. Moi je ne voulais pas y aller. Quand j'ai posté ma vidéo sur PowerPoint, ma salle était remplie. Après, ça a redescendu. C'était dur. Je ne voulais plus monter sur scène. »

Alors, vous avez refait des vidéos ?

« (Rires). Oui mais comme je bossais à côté, c'était difficile. Je demandais à mon pote si on ne pouvait pas annuler la séance car il n'y avait que sept personnes. Il me disait qu'en fait, j'aurais dû connaitre ça depuis le début. Je suis monté sur scène et en fait, c'est là que tu apprends le plus. Cela permet d'apprendre à réagir aux réactions du public. »

Vous avez testé pour la première fois votre concept en 2011. Depuis lors, votre spectacle a bien évolué.

« Oui et il évolue encore. Par exemple, pour mon spectacle à Bruxelles, je reviendrai sur le phénomène YouTube. C'est tout nouveau. Cela ne fait qu'un an et demi que ça marche vraiment. Je dois en parler. Surtout que les gens qui viennent voir mon spectacle me connaissent grâce à cela. »

Pierre Croce sera au W:Hall le 24 février 2017. Tickets sur ticketmaster.be