Julien Doré: «Ma voix n'a pas plus d'importance que mon piano»

Après plus d'un an d'absence, Julien Doré fait son retour en musique avec un quatrième album. Une «Esperluette», imaginée dans le chalet de son enfance, au milieu de la nature des Alpes du sud, et sur laquelle il se livre un peu plus dans Metro.
par
Laura
Temps de lecture 4 min.

Comment vous sentez-vous aujourd'hui après tout ce travail et la sortie de votre album?

«C'est une impatience qui s'est transformée en partage, donc je suis heureux de ça. Quand je me retrouve seul avec mon piano à écrire des chansons il y a toujours l'espoir qu'elles seront partagées et qu'elles vont, à un moment donné, m'échapper et accompagner d'autres vies que la mienne.»

Vous aussi vous aviez besoin de vous échapper pendant un an?

«Je ne sais pas si c'est une fuite. C'est plutôt l'envie d'être entouré d'une beauté originelle. J'ai effectivement un peu plus de faculté à écrire mieux, et plus en accord avec ce qui m'anime, lorsque je suis peut-être loin de la ville.»

C'est ce qui s'est passé en novembre dernier?

«Oui. Je pense que de toute façon l'année 2015 est une année qui fait que, qu'on écrive des chansons ou non d'ailleurs, on est obligé de se penser en tant qu'être humain d'une façon différente. On vit différemment aujourd'hui et on est, je l'espère, encore plus animé par cette immense envie de vivre.»

Qu'est ce que vous avez trouvé dans le chalet de votre enfance où vous vous êtes réfugié?

«J'y ai trouvé des souvenirs très enfouis et surtout un instant présent, quelque chose qui était en train de naître, là. Ça faisait trois-quatre ans que je n'avais pas écrit, ni composé et c'est revenu là-bas.»

C'est cet instant présent qui vous a insufflé le concept du nom de l'album «Esperluette»?

«Ce titre d'album permet d'ouvrir l'imaginaire. C'est la symbolique de l'union. C'est un fil entre toutes mes chansons mais c'est aussi un fil de chirurgie. Il recoud des plaies béantes d'une année passée mais avec douceur.»

C'est une véritable ode à l'amour et à la nature. C'est donc de ça que vous vivez désormais, d'amour et d'eau fraîche?

«Non, c'est justement ce qui vient combler avec douceur une hyperconscience permanente de ce qui m'entoure, de mon rôle aujourd'hui en tant qu'homme mais aussi en tant qu'être humain sur cette planète.»

Vous avez décidé d'immortaliser l'amour sous les traits de Pamela Anderson (dans la chanson «Le Lac», NDLR). Que symbolise-t-elle pour vous?

«C'est une icône planétaire qui, aujourd'hui, mène un combat pour la génération de demain et pour la cause animale. C'est aussi le féminin, iconique et générationnel parce que j'ai conscience que son visage raconte des choses. C'était important aussi de soulever une réaction.»

De questionner?

«Soulever aussi les raisons précises pourquoi Pamela est dans mon clip. C'est parce que le féminin soulève encore énormément de violence, d'hystérie chez les hommes qui se retrouvent comme des gros bébés abrutis à dire des énormes conneries. Et parfois avec très peu de prudence parce qu'il s'agit des femmes. Donc ça m'amuse assez de montrer que le problème est très très très loin d'être réglé à partir du moment où le masculin pense toujours avoir une domination sur le féminin.»

C'est votre côté féministe?

«Disons que c'est simplement une prise de conscience d'un grand amour que j'ai pour le féminin, mais aussi de la chance que j'ai de ne pas me prendre, parce que je suis un homme, pour quoi que ce soit de supérieur sur qui que ce soit ou quoi que ce soit.»

Sur cet album on découvre un Julien Doré à la voix très douce qui semble évoluer au fil du temps. Vous êtes-vous enfin trouvé vocalement parlant?

«Ce n'est pas du tout conscient. J'ai chanté ces chansons en posant ma voix sur les accords qui venaient. C'est vrai que ça n'a jamais été réfléchi, ni au moment de l'écriture, ni de la composition, ni au moment où on a enregistré le disque. Ma voix, je l'utilise parce qu'elle me permet de continuer à chercher des choses. Le jour où il n'y aura plus cette intensité, cette flamme de chercher encore, si l'intention disparaît parce que je suis trop focalisé sur l'idée de réussite, alors je ferai autre chose.»

Vous êtes un grand fan de hip-hop. Ce style de musique vous inspire-t-il dans vos compositions?

«Beaucoup. Ça m'inspire parce que c'est la seule zone musicale aujourd'hui qui pour moi a pris d'une certaine façon le relais, à la fois musicalement et visuellement, d'une immense énergie. Ce mouvement musical a une modernité qui dépasse tous les autres mouvements musicaux aujourd'hui. C'est d'une grande richesse. Là où, parfois, la variété, notamment française, va privilégier l'idée que la voix est au centre, qu'elle doit dépasser les instruments qui sont des accompagnateurs. Quand j'écris une chanson, ma voix, n'a pas plus d'importance que mon piano, c'est à part égale. Sur le disque précédent, on me parlait de plein de chanteurs français. Aujourd'hui, on accepte l'idée que je n'écoute pas de musique qui soi-disant me ressemblerait.»

Julien Doré sera en concert à Forest National le 12 mai 2017