Arnold Turboust, créateur de pop

Arnold Turboust, c'est celui qui se cachait derrière les plus grands tubes d'Étienne Daho dans les années 80, c'est aussi celui qui contait fleurette à Zabou, le temps d'un «Adelaïde». Et c'est aujourd'hui celui qui nous revient avec un nouvel album éponyme où il distille, avec une nonchalance toute dandy, une pop à la française qu'il a contribué à créer.
par
Pierre
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Pour cet album, vous avez renoué le contact avec votre ancien acolyte Rico Conning avec qui vous aviez connu le succès. Par nostalgie?

«Surtout par affinité. C'était resté un ami, mais il y avait un problème de distance. Il était à Los Angeles, et moi à Paris. Cela a mis un certain temps à se mettre en place. L'idée de l'album a émergé en 2012. À ce moment-là, on était davantage parti sur des instrumentaux. mais, petit à petit, je sentais que j'écrivais surtout des chansons. C'est là qu'on a décidé de partir à fond sur l'album. Généralement, j'arrivais avec mes idées, mes textes, mes mélodies, avec quelques couleurs d'arrangements. Je lui envoyais le tout, et lui me remettait cela bien en place et trouvait parfois la bonne idée qui me manquait en termes de composition.»

Quelles étaient vos envies?

«On ne peut pas se départir de ce qu'on est. Moi, j'aime bien la pop, les petites trouvailles, le genre chanson. Et avec Rico, je savais qu'une forme d'électronique allait revenir, ce qui n'était pas pour me déplaire, j'adore ça.»

Vous avez choisi «Souffler n'est pas jouer» comme premier single.

«Symboliquement, c'était le premier titre pour lequel je me suis dit ‘Là, on tient le bon truc'. J'aime ce titre, et son côté flottant avec les textes et les mélodies. Et c'est peut-être ce qu'attendaient ceux qui m'aiment bien. En fait, cela ne m'est arrivé qu'une fois de me laisser guider pour un choix de single, et je l'ai regretté.»

Qu'est-ce qui a servi de fil rouge?

«Cela s'est fait au gré du temps… ce que je vois, ce que j'entends. Un peu comme un carnet de bord que je remplis petit à petit. Ce sont des photographies de moments, et parfois c'est un peu autobiographique.»

Avec «Efféminé», c'est sur la sonorité des mots que vous aimez jouer.

«Oui. Je pense être plus un compositeur qu'un auteur. Si j'écris des textes, c'est aussi pour le côté sonorité, des mots qui vont bien avec les musiques. Mais j'essaye quand même de donner un sens. Dans ‘Efféminé', ça parle des années 30 et des crooners que mon père aimait tant. Un bon texte est aussi un texte qui s'écoute, qui s'entend.»

Quand on vous écoute, on ressent souvent ce côté dandy détaché.

«On est ce qu'on peut, et c'est déjà pas mal. Et si je suis un dandy détaché, je ne cherche pas à l'être particulièrement. J'essaye de chanter un peu comme je parle. J'aime beaucoup les grands interprètes, mais moi je ne chanterai jamais comme ça. Ce qui m'importe le plus, ce sont les textes et les chanter avec un air affecté ou pas. Si je donne cette impression, c'est bien malgré moi.»

La scène, c'est quelque chose que vous aimez faire?

«En fait, je vais vous avouer que c'est quelque chose que je n'ai presque jamais fait. C'est complètement incroyable, mais c'est la vérité. Je ressemble à Gainsbourg parce qu'il a recommencé à chanter à plus de 50 ans passés. Je pense que c'est formidable de rencontrer son public. Mais je me pose plein de questions. Vais-je chanter assez bien? Et ma coiffure, et mon pas de danse? (rires)…»

Quand on vous évoque, deux autres noms viennent instantanément à l'esprit: Étienne Daho et Zabou.

«Évidemment que ça me colle à la peau. Si je n'avais pas rencontré Étienne pour populariser mes chansons, je n'aurais peut-être jamais fait de musique. Pour ça, je lui suis vraiment reconnaissant. Et il se trouve que bon nombre de morceaux et d'albums qu'on a écrits ensemble sont restés presque des classiques. C'est une chance incroyable. Étienne a un peu chanté à ma façon. Mais c'était lui qui était sur le devant de la scène, donc on disait que c'était du Daho. C'est normal, c'était lui qui prenait tous les risques. Quant à Zabou, c'était juste comme ça. C'était une copine. J'avais écrit un duo mais je n'avais pas d'idée de personne. Un ami m'a suggéré de le proposer à Zabou. Ça s'est fait en cinq minutes, on a juste un peu répété pour ajuster la tonalité. Nous sommes venus enregistrer à Bruxelles, et en dix minutes c'était fait. C'est étonnant que des choses aussi rapides restent aussi longtemps. L'idée était juste de s'amuser. Et puis on s'est mis à faire des télés ensemble. Et c'est une vraie actrice. Elle a super bien incarné le personnage.»

Pierre Jacobs

Arnold Turboust «Arnold Turboust» (Hebra Records)