Hillary Clinton, la mal aimée

Les sondages accordent à Hillary Clinton une légère avance dans la course à la Maison Blanche. Elle a pourtant du mal à susciter l'enthousiasme.
par
Camille
Temps de lecture 3 min.

En février, un journaliste demanda à Hillary Clinton si elle avait toujours dit la vérité aux Américains. «J'ai toujours essayé», lui répondit la candidate démocrate à la Maison Blanche. D'autres personnalités politiques moins précautionneuses auraient répondu d'un «oui» sans équivoque. Mais Hillary Clinton, avocate de formation, pèse chaque mot pour ne jamais être prise en défaut. Son effort de sincérité passe, pour ses contempteurs, pour de la duplicité.

Tel est le malentendu qu'Hillary Clinton, après plus de trois décennies de vie publique, continue d'entretenir avec les Américains. Son paradoxe, c'est d'avoir réussi à se hisser au seuil d'une victoire historique -la première femme à présider les Etats-Unis- tout en étant l'une des personnalités politiques les plus impopulaires de l'histoire récente. Ce décalage ne date pas d'hier. En 1979, l'épouse du gouverneur de l'Arkansas Bill Clinton se résignait déjà à ce que le public se méprenne à son égard.

 

La vie d'Hillary Clinton, 69 ans, ne compte pourtant plus beaucoup de zones d'ombre. Née en 1947 à Chicago, Hillary Diane Rodham grandit dans la banlieue de la classe moyenne blanche de Park Ridge. Son père, ancien formateur de l'US Navy, est un petit patron républicain d'une entreprise de rideaux. Sa mère Dorothy Howell, qu'elle adore, s'occupe des activités des enfants, notamment à l'église méthodiste du quartier.

Bonne élève, Hillary poursuit ses études à la prestigieuse université pour jeunes femmes Wellesley College, près de Boston, un premier exil. Elle s'ouvre au monde, découvre la lutte pour les droits civiques, la guerre du Vietnam... et se convertit aux idées démocrates. Mais son mai 1968 n'a rien de révolutionnaire. Elue présidente des étudiantes de Wellesley, Hillary n'attise pas les flammes de la contestation. La fibre centriste et pragmatique, que la gauche démocrate lui reprocha tant en 2016, était déjà à l'oeuvre.

 

Après une longue hésitation et un détour par la commission d'enquête sur le scandale du Watergate, Hillary choisit de suivre son homme au fin fond de l'Arkansas, un nouvel exil qui surprend ses amis. Elle y devient la brillante partenaire politique de Bill, jusqu'à leur accession à la Maison Blanche en 1993.

Au nom du respect de sa vie privée, elle envenime par son obstruction certaines controverses. Ses relations avec la presse politique, dont elle méprise la trivialité, ne s'en remettront jamais. «J'ai toujours voulu avoir une zone de vie privée», convint-elle en 1994, ajoutant à contrecoeur: «Après avoir longtemps résisté, on m'a sortie de cette zone».

La suite de sa carrière est une succession de hauts et de bas dans sa relation avec le grand public. Haut, quand les Américains compatissent avec elle au pire de l'humiliation de l'affaire Monica Lewinsky en 1998. Ou quand les New Yorkais l'élisent sénatrice en 2000. Bas, quand elle vote pour la guerre en Irak en 2002, et échoue aux primaires présidentielles de 2008 contre un quadragénaire du nom de Barack Obama. Et haut à nouveau quand il la choisit pour diriger la diplomatie. L'affaire de sa messagerie personnelle, préférée à un compte gouvernemental afin de protéger ses communications, gâche son retour en politique en 2015. Ses adversaires, fouillant dans ses communications, croiront y dénicher la preuve de son obsession du secret. Le présentateur sarcastique de gauche Bill Maher y a découvert une autre femme: «une technocrate qui n'arrête jamais de travailler».