L'alcool belge espère enivrer Cuba

La Wallonie, ses produits et ses services font les yeux doux à Cuba, dont l'économie s'ouvre progressivement au monde après un embargo américain de près de 40 ans. Bières trappistes de Chimay, pékets, gemmothérapie, scooters électriques,...autant de spécialités noire-jaune-rouge à l'abordage des marchés de 
par
Gaetan
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l'économie circulaire, de la santé ou de l'agriculture locale.

Ils sont venus pour explorer un marché qui montre des signes d'ouverture, précéder des concurrents américains, ou renforcer une position patiemment construite avec le pouvoir en place: la quinzaine de responsables d'entreprises wallonnes et bruxelloises participant cette semaine à la mission économique emmenée par le ministre Marcourt à Cuba évaluent les incertitudes cubaines à l'aune des opportunités qui semblent lentement s'ouvrir à eux.

L'alcool tente de séduire

Pour sa première visite dans l'île communiste, Gildas Fily, responsable des bières trappistes de Chimay pour l'Amérique du Sud, espère dénicher un importateur cubain, une nécessité légale pour pénétrer ce marché étatique. Il vise une clientèle de classe moyenne qu'il croit avoir repérée dans certains bars plus chics de la capitale cubaine, comme Miramar, le quartier des ambassades. Cet objectif semble naturel pour le secteur brassicole belge dont la majorité de la production est destiné à l'exportation. Tout projet resterait toutefois subordonné à un feu vert du régime communiste, qui devra y repérer une adéquation avec sa politique.

David Roumez, lui, s'est déjà associé à un ami belgo-cubain pour acheter un bâtiment à Cuba. Cet ancien gendarme fondateur du «Roi de la fraise» (Trois-Ponts), distributeur de liqueurs, pékèts et autres «shooters» de fête, espère créer un lounge bar belge à Matanzas, port d'exportation de canne à sucre. Conquis lors d'une conférence de présentation de l'Agence wallonne à l'exportation (AWEX) sur Cuba au printemps dernier, il ne lui a fallu que quelques mois pour se décider, et quelques heures à La Havane pour nouer un partenariat avec un exportateur cubain de rhum.

Médecine alternative et scooter électrique

«Cuba est une terre d'opportunités», confirme l'entrepreneur Pascal Melsens. Il évoque l'enthousiasme local pour la nouveauté, mais aussi la nécessité de s'armer de ténacité pour franchir les longues procédures bureaucratiques. Patron d'Ovogenics, Pascal Melsens a parié sur l'aura de Cuba en matière de santé pour y promouvoir la gemmothérapie, médecine non conventionnelle à base d'extraits végétaux et de bourgeons, comme le moringa.

Profitant de l'interdiction d'importation des scooters à moteur thermique sur l'île, il a aussi développé un partenariat avec une entreprise d'État cubaine via la société belge BDC International (Louvain-la-Neuve), présente depuis 1983 sur l'île, pour proposer des scooters électriques conçus en Belgique et assemblés à Cuba. «C'est une terre dont il faut connaître les clés» pour y entrer, résume-t-il.

"Couper l'herbe sous le pied des Américains"

L'absence de concurrents américains consécutive à l'embargo économique sur l'île depuis plus de 40 ans creuse aussi les appétits, et l'éventualité d'une levée du blocus en pousse certains à se lancer. «Je suis là pour couper l'herbe sous le pied des Américains», n'hésite pas à affirmer Philippe Tessely, CEO d'Oserix, un fabricant d'appareils de contrôle par rayon gamma des soudures de pipe-lines.

D'autres sont à La Havane pour rechercher une expansion à longue distance, alors que le marché européen leur semble en voie de saturation. C'est le cas de la société de services de catering Diamond (Bruxelles), ou de SPECI (Seraing), pour des projets immobiliers de rénovation hôtelière ou de création de centres d'outlet (produits de 2e, 3e choix).

«En Belgique, il faut 15 ans pour sortir un grand projet, vu les délais et les recours, affirme Pierre Grivegnée, administrateur délégué de SPECI. "C'est maintenant qu'il faut être présent ici. Voyez, le Japon, la Chine, l'Espagne, etc, sont bien là», parmi les pavillons nationaux de la Foire internationale de La Havane (FIHAV).

Suivre d'autres exemples belges

Considérée par le régime castriste comme le principal événement politique de l'île, la FIHAV ne devrait toutefois pas être l'occasion de signer des contrats, tant ceux-ci nécessitent de la persévérance pour obtenir la confiance de l'État, analyse Jean-Serge Dias de Sousa, attaché économique et commercial pour la Wallonie et Bruxelles. «Mais c'est maintenant qu'il faut y être, pour quand ça s'ouvrira.»

Il souligne les exemples d'IBA (Louvain-la-Neuve), fournisseur mondial de solutions de protonthérapie pour le traitement du cancer, dont le projet à Cuba mûrit depuis huit ans, ou de NMC (Eynatten), présente depuis 2002 à la FIHAV et désormais bien implanté dans la décoration synthétique des nombreux hôtels de l'île caribéenne.