La « Slow Fashion » de Valérie Berckmans

Valérie Berckmans a pignon sur rue dans le fameux quartier Dansaert. Son atelier-boutique respire l'artisanat et les heures passées sur chaque petit détail.
par
Pierre
Temps de lecture 5 min.

Ses collections sont bio et fairtrade et suivent le rythme de la «slow fashion». Tout est fait à la main à Bruxelles mais aussi en France où la styliste a eu un coup de cœur pour un atelier qui était voué à la faillite et qui a été repris par les ouvrières elles-mêmes!

Quel type de public achète votre production?

«Un public féminin assez hétéroclite. Certaines viennent chercher l'exclusivité car nous ne faisons que quelques exemplaires par taille. D'autres recherchent le bio ou le fait que ce soit confectionné localement. C'est également des vêtements assez faciles à vivre car assez intemporels, faciles à assortir et à entretenir. Elégants aussi avec ces petits détails discrets!»

Qu'est ce qui fait que vous avez trouvé votre place dans un secteur aussi concurrentiel?

«Justement, je pense que les gens reviennent au local. Qu'ils en ont marre des grandes marques. Des grandes enseignes internationales. Il y a clairement de plus en plus d'intérêt pour le made in Belgium. Et puis le quartier Dansaert attire toujours pas mal de touristes même s'il y en a un peu moins depuis les attentats de Bruxelles.»

Pourquoi peut-on qualifier votre marque de fairtrade?

«Parce que je ne travaille qu'avec des ateliers locaux choisis avec soin, où je sais que les ouvriers sont payés dignement. Même si, pour le travail qu'ils font, ils méritent encore tellement plus ! Je collabore avec deux ateliers à Bruxelles. J'adore le côté proximité. D'ailleurs, on peut me voir souvent à vélo aller chercher les pièces à l'atelier de confection ! Le troisième atelier se trouve en France. J'ai voulu absolument collaborer avec eux parce que je suis tombée amoureuse de leur histoire. En 2008, ils devaient mettre la clé sous la porte. Mais les ouvrières ont refusé ce destin et elles se sont arrangées pour créer une coopérative et reprendre le travail. Maintenant, quand elles ont fini les pièces de Jean-Paul Gautier, elles confectionnent mes modèles ! Je travaille avec elles parce que je veux réellement les soutenir.»

Délocaliser ne sera donc jamais une option?

«Non, il y a vraiment moyen avec le local. Ce n'est pas évident mais il y a moyen. Ce qui serait super c'est que des ateliers s'agrandissent ou rouvrent parce qu'avant c'était quand même un secteur florissant chez nous. Il faudrait recréer ici un tissu local d'emplois et de production. J'ai vécu des faillites en Flandre au moment où j'étais en train de collaborer avec eux. C'était très compliqué. C'est très dur pour les ateliers parce que la main d'œuvre coûte tellement cher en Belgique. Elle coûte cher mais elle n'est pas pour autant si bien payée que cela. Ces travailleurs méritent tellement plus au vu de la pression et des cadences infernales qu'ils subissent. Ces gens sont très courageux.»

On peut dire que votre façon de travailler c'est de la «slow-fashion»?

«Complètement! D'abord parce que je ne suis pas les rythmes habituels de la mode avec des collections que l'on prépare un an ou deux à l'avance. Mais aussi parce que j'essaye de faire des vêtements increvables et je suis pour une consommation réfléchie. Consommer moins mais mieux! Quand j'étais petite, on m'achetait une veste qui durait deux ans. On la payait cher mais c'était de la qualité. Je n'avais pas intérêt à la perdre ma veste! Maintenant, la mentalité a tellement changé! Mais du coup, la pression c'est que mes pièces doivent être vraiment nickel et de très bonne qualité. Si seulement les gens pouvaient se rendre compte de la sueur et du travail qu'il y a derrière chaque pièce qui se retrouve dans mon magasin, ils ne diraient plus que 130 euros pour un pull c'est cher.»

Et où trouvez-vous vos tissus?

«Je n'utilise presque que du tissu bio. Presque, parce que parfois je récupère d'anciens tissus chinés à gauche ou à droite. Les tissus actuels sont de moins bonne facture en général. Avant, on tissait des tissus qui devaient durer dans le temps. Avec ces tissus chinés, je coupe des petits bouts et je customise des pièces nouvelles. J'ai par exemple fait une dizaine de petits hauts avec un foulard ancien que j'ai découpé et placé à certains endroits de la blouse.»

Et que faites-vous avec les chutes?

«On coupe des vêtements pour les petits! Ce n'est pas forcément rentable mais c'est tellement difficile de jeter, même des petits restes! Du coup, on a des pièces assorties maman-enfant.»

Quel est votre prochain objectif de développement?

«Continuer à produire de manière ‘slow-fashion' mais en collaborant avec plus de magasins. En étant le plus proche possible des magasins afind'offrir un service optimal. Les petits multimarques ont du mal en ce moment et pourtant c'est si important! Il faudrait également que je fasse un e-shop. Pour être présente sur plusieurs fronts et pour pouvoir garder le contact avec des touristes, par exemple, qui sont venus une fois à la boutique et qui aimeraient recommander de chez eux. Il y a également des gens qui n'ont plus envie de se déplacer au centre ville et qui aimeraient commander on-line

Lucie Hage

Qui est Valérie Berckmans?

Valérie Berckmans est née à Bruxelles le 18 août 1976. Avant d'ouvrir sa propre boutique au numéro 8 de la rue Van Artevelde, dans le quartier Dansaert à Bruxelles, Valérie berckmans a travaillé chez Annemie Verbeke. Elle dessine sa première collection de prêt-à-porter en 2003, un an après avoir fini ses études. Son atelier-boutique se veut un concept store écologique où le local et le bio se côtoient dans un esprit slow fashion.