Quand Walter Van Beirendonck crée pour Ikea

par
Pierre
Temps de lecture 4 min.

Ikea lance cet été une collection design basée sur cinq créatures surréalistes qui vivent dans les nuages. Ces «Wondermooi» ont une mission commune: avec leurs looks originaux et leurs motifs ludiques égayer notre monde, terrorisé par la guerre et l'intolérance. Metro s'est entretenu avec le créateur de ce conte design coloré, Walter Van Beirendonck.

Êtes-vous fan d'Ikea depuis longtemps?

"Je ne suis pas fan d'Ikea, je ne suis pas client d'Ikea, mais je dessine et je travaille depuis les années 90 sur leurs tables. Je connais dès lors bien la qualité de leurs meubles. Je n'ai jamais songé à faire quelque chose pour Ikea. Quand ils m'ont fait part de leur désir de collaboration, j'ai trouvé que c'était une demande un peu bizarre. Mais il s'est alors avéré qu'ils me connaissaient bien et me suivaient depuis plusieurs saisons déjà. Ils étaient très clairement en quête de mon esthétique."

Ils n'avaient pas cela chez eux?

"Bien entendu, ils ont leurs propres imprimés, mais je pense qu'ils voulaient faire le plein de dynamisme, d'enthousiasme et d'énergie pour attirer un public jeune. J'ai reçu carte blanche."

Comment avez-vous conçu cette collection?

"Après un long travail de recherche, j'ai cogité pendant plusieurs mois pour tout fixer sur papier. J'ai d'abord imaginé l'histoire «wondermooi» avec les personnages. Je voulais d'abord tout créer. Je n'ai jamais parlé d'un produit fini."

Vous considérez-vous comme un conteur professionnel?

"Oui, j'ai besoin de cette base ou de ce scénario pour travailler. Dans chaque collection, il y a toujours quelque chose, même infime, qui va débrider mon imagination."

Êtes-vous satisfait du résultat?

"Tout à fait. La carpette «tigre fâché» par exemple était un tour de force. Ikea sait faire des carpettes, mais ils n'en avaient jamais produites de cette forme. C'est chouette que cela ait finalement réussi et qu'elle puisse être vendue pour 80 €. Et elle est très belle aussi."

Dans quelle mesure le design et la mode se recoupent-ils?

"Finalement, les liens sont très étroits. Je n'ai jamais ambitionné de créer des meubles. J'ai pris ces imprimés comme point de départ. Je travaille aussi de cette façon avec mes collections, pour lesquelles je pars de couleurs, de matières et d'une histoire de base. C'est très proche."

Vous procédez de la même façon pour JBC?

"Oui, tout à fait. Là, je raconte aussi chaque saison une petite histoire avec parfois un nouveau personnage. Une fois que vous avez imaginé ce monde, vous pouvez aller dans toutes les directions. Ici, nous sommes restés très épurés en faisant des accessoires pour la maison, des coussins aux T-shirts en passant par le papier peint. Vous choisissez vous-même jusqu'où vous voulez aller, look total ou seulement un seul imprimé que vous utilisez de façon subtile dans votre intérieur."

À quoi ressemble votre intérieur?

"Ce n'est pas du tout un intérieur Ikea. Lors de notre première rencontre, j'ai montré mon intérieur aux gens d'Ikea. Je n'avais pas envie de faire quelque chose qui n'allait pas ou ne s'harmonisait pas. À la maison, je marie vintage et design, avec plein d'éléments ethniques et de couleurs. Je voulais traduire cette atmosphère dans cette collection."

Quel est votre objet préféré chez vous?

"J'ai une collection de masques Bozo du Mali. Ils occupent une place centrale dans mon séjour. D'ailleurs, elle a inspiré ma collection «Sexclown». Le personnage Rood de la collection Ikea s'inspire d'une déesse aquatique du Mali, mais avec un ressenti actuel à ma manière. Je ne veux pas que cela devienne un copier-coller. J'essaie d'insuffler une nouvelle vie."

Vous avez déjà réalisé plusieurs collaborations, avec JBC, le balle de l'Opéra national de Paris, l'Opera Ballet Vlaanderen et maintenant Ikea. Ambitionnez-vous de travailler pour d'autres mondes encore?

"Le cinéma. Cela fait longtemps que je le dis. Cela me passionne, créer des costumes pour des films fantastiques."

Comme Jean-Paul Gaultier pour Le Cinquième Élément?

"Oui, mais c'était une production française. Moi, je pense plutôt à Hollywood. (rires)"

Qui est Walter Van Beirendonck?

Walter Van Beirendonck (1957) est, avec Dries Van Noten, Ann Demeulemeester, Marina Yee, Dirk Bikkembergs et Dirk Van Saene, sans doute l'un des créateurs les plus graphiques et imaginatifs des Six d'Anvers. Ses associations de couleurs inattendues, son utilisation originale des matières et son sens de l'humour sont appréciés et célébrés dans le monde entier. Van Beirendonck se sert de cette attention qui lui est portée pour prendre position d'une façon toute personnelle sur le safe sex (les rapports sexuels protégés), l'environnement, la guerre et notre société.