Pré-accord UE-Turquie sur les migrants : "Le marché au bétail"

par
Maite
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Le pré-accord entre la Turquie et l'Union européenne sur la crise migratoire prévoit de renvoyer tous les migrants actuellement en Grèce vers la Turquie, y compris les demandeurs d'asile syriens. Pour Philippe Hensmans, directeur de la section belge francophone d'Amnesty International, «ce qui s'apparente à un marché au bétail met fin à la politique sur les réfugiés conforme aux droits internationaux».

Pour le directeur d'Amnesty international Belgique, ce pré-accord remet en question le contenu des Conventions de Genève. «Toutes personnes qui arrivent chez nous ne se voient plus garantir le droit de demander asile conformément aux critères», s'indigne Philippe Hensmans, qui pointe par ailleurs le marchandage dont la Turquie fait preuve en monnayant sa capacité d'absorption de réfugiés. Un avis partagé par quasiment l'ensemble du Parlement européen (excepté le PPE). «C'est une tentative de marchandage qui implique de faire fi d'une partie de nos principes et de nos valeurs», a déclaré mardi le chef de groupe des libéraux européens (ALDE), Guy Verhofstadt. «Je me pose la question de savoir si cela est conforme à la Convention de Genève, et même si cela est possible en vertu du droit international.»

Le directeur Philippe Hensmans souligne également que ce pré-accord est difficilement applicable. «N'oublions pas non plus que l'accord sur la répartition des réfugiés entre les pays membres de l'UE n'a rien donné. Je ne pense pas que la Pologne accepterait des réfugiés venus de Turquie alors qu'elle refuse ceux qui sont déjà dans l'Union européenne», argumente-t-il. Pour Philippe Hensmans, il est clair qu'une telle décision permettra de laisser les réfugiés en Turquie, qui sera considérée comme «pays sûr». «De plus, cet accord avait également comme objectif de ‘rassurer' l'opinion publique et de montrer que l'UE peut mener une politique commune.»

Quelles voies légales?

À travers ce pré-accord, l'UE voulait également envoyer un signal fort aux futurs candidats réfugiés pour qu'ils favorisent la voie légale pour atteindre l'Europe. Mais concrètement, quelles sont actuellement ces voies légales qui s'offrent à un Syrien désirant atteindre l'UE? «Cela fait longtemps que l'on demande des voies sûres pour les Syriens mais aujourd'hui, la seule solution qu'ils ont, pour 99% d'entre eux, est d'entrer illégalement en Europe», souligne Philippe Hensmans. «Par ailleurs, si les Syriens sont renvoyés en Turquie, qu'est-ce qui nous dit qu'elle traitera les demandes d'asile conformément aux règles établies par la Convention de Genève?»

Les nouvelles routes

Infographie Metro

Aujourd'hui, alors que la route des Balkans est fermée, tout porte à croire que les migrants coincés en Grèce cherchent de nouvelles portes d'entrée pour atteindre l'Union européenne. À l'heure actuelle, on parle d'un passage par l'Albanie, avant de longer ou de traverser la mer Adriatique (voir carte). «Il va y avoir d'autres chemins. Il y a toujours eu des portes d'entrée», explique Philippe Hensmans. «À chaque fois que l'on a voulu fermer un accès, les gens en ont cherché un autre. Il ne faut pas oublier qu'ils fuient la mort. Tout ce que l'on risque de faire est de rendre le voyage encore plus dangereux et plus coûteux», conclut-il.