Les séries télévisées, nouvelles vitrines des musées américains

par
Gaetan
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Afin de conquérir un nouveau public, les séries télévisées sont les nouvelles attractions des musées aux États-Unis, qui offrent leurs prestigieux écrins à ces vitrines de la culture populaire.

La peinture de Francis Underwood -président américain fictif incarné par Kevin Spacey dans la série "House of Cards"- exposée jusqu'en octobre dans la galerie des portraits de vrais présidents comme Abraham Lincoln ou John F. Kennedy du National Portrait Gallery (NPG) de Washington devrait intriguer les non initiés. "Je viens de faire un pas de plus pour convaincre le reste du pays que je suis le président", avait plaisanté l'acteur pour expliquer cette entorse inhabituelle.

Sa présence "reflète l'impact de la culture populaire contemporaine dans l'histoire américaine", a justifié Kim Sajet, directeur du NPG. Le même argument avait été brandi par le Musée national d'histoire américaine, aussi à Washington, en présentant des objets emblématiques de la série culte "Breaking Bad" en novembre dernier. La combinaison de protection jaune et le chapeau de Walter White, professeur de chimie devenu baron de la drogue, n'y seront pas dévoilés au public avant 2018, mais sont entrés depuis le 26 février au Musée Mob de Las Vegas, dans l'ouest américain.

Depuis un an, les séries les plus célèbres sortent du petit écran pour investir les musées: jusqu'au 8 mai, le Driehaus de Chicago accueille une exposition sur les costumes de la série "Downton Abbey" et jusqu'en septembre dernier, ceux de Mad Men, série aux 15 Emmy Awards et trois Golden Globes, étaient exposés au Musée de l'image à New York.

Nouvelle tendance

Dustin Kidd, sociologue à la Temple University de Pennsylvanie et auteur de "La culture populaire fait peur", rappelle que de nombreux musées sont déjà "consacrés à la télévision ou au cinéma", ajoutant que "l'influence de la télévision sur l'art américain est aussi vieille que la télévision elle-même".

La multiplication des séries au musée, en revanche, «pourrait être une nouvelle tendance", analyse Vera Zolberg, professeure de sociologie à l'université New School de New York, qui estime qu'elles ont permis aux musées "d'attirer un public plus divers et de gagner en popularité". "Les musées tentent toutes sortes de choses pour conquérir un public plus jeune, plus divers."

"Il y a une reconnaissance croissante du manque de diversité dans les musées", abonde Peggy Levitt, sociologue à l'université Wellesley (Massachusetts). Une étude de l'Association américaine des musées de 2010 révélait la fracture sociale dans ces antres de la culture aux États-Unis. Les Blancs, qui composaient alors 69% de la population, représentaient 79% des visiteurs. Les minorités, noire et hispanique, étaient elles largement sous-représentées. Surtout, la projection à 25 ans suggérait qu'à cette échéance, les minorités représenteraient 46% de la population américaine, mais seulement 9% des visiteurs.

Les musées "doivent changer leur fonctionnement et attirer un public plus divers s'ils veulent survivre et prospérer au 21e siècle", juge Mme Levitt. Pour autant, ce n'est pas parce que ces nouvelles initiatives prennent de l'ampleur que les amateurs de culture plus classique doivent y voir une menace, tempère Peggy Levitt: "Mona Lisa n'est pas prête de disparaître!"

Ph. AFP / N. Kamm