Agnès Ogier, CEO de Thalys: « Nous sommes prêts pour des normes climatiques plus exigeantes »

par
Camille
Temps de lecture 2 min.

Réduire les émissions de CO2 liées au transport sera indispensable pour atteindre les objectifs climatiques décidés lors de la COP 21. Cette situation pourrait réussir aux lignes à grande vitesse. « A nous de convaincre les usagers d'opter pour un mode de transport peu polluant », plaide Agnès Ogier, Ceo de Thalys.

Comment les opérateurs ferroviaires peuvent-ils contribuer à la réduction des émissions de gaz à effet de serre ?

« Le train est largement moins émissif que l'avion. Un passager qui se rend de Paris à Amsterdam émet 6 kg de CO2 en voyageant en train, contre 59 en avion et 48 en voiture. Donc, plus les passagers se reportent sur le train, plus les émissions liées à leurs déplacements diminuent. Rien que par notre activité, nous, opérateurs ferroviaires, nous sommes vertueux. D'autant plus que chez Thalys, nos trains sont généralement bien remplis. Cela diminue encore la quantité d'émissions par passager. »

La perspective de nouvelles contraintes environnementales ne vous inquiète donc pas ?

« Nous sommes prêts à accepter des normes climatiques exigeantes. D'autant plus qu'elles nous sont favorables, puisque nous offrons un service qui est dans la lignée des objectifs décidés lors de la COP 21. On ne peut pas empêcher les individus de se déplacer, de voyager. Mais il faut leur proposer des solutions en phase avec leurs besoins, des solutions satisfaisantes, pour qu'ils soient toujours plus nombreux à se tourner vers le train plutôt que vers un mode de transport plus polluant. C'est ce que nous faisons. »

Malgré l'annonce de normes plus exigeantes, les règles actuelles restent favorables au transport routier et automobile.

« Ce sont des secteurs qui bénéficient encore de nombreuses aides d'Etat, directes ou indirectes (soutien à la construction d'infrastructures routières, aux voitures de société, fiscalité avantageuse pour le carburant aérien…, ndlr). Le secteur ferroviaire pourrait être encore plus concurrentiel avec des aides, même si elles n'étaient qu'indirectes, comme pour le développement de l'infrastructure. »

Qu'en est-il de l'énergie utilisée pour faire avancer les trains à grande vitesse ?

«Nous dépendons des mix énergétiques choisis dans les pays où nous circulons. Nous émettons ainsi plus de CO2 en roulant en Allemagne, où l'énergie vient en partie de centrales à charbon, qu'en France, où elle le mix énergétique compte une part importante de nucléaire. Nous essayons également d'agir, à notre niveau, en installant des éoliennes le long de certaines lignes. Même si notre activité est intrinsèquement vertueuse, nous devons faire toujours plus. »

Comment ?

« Nous avons établi tout un programme d'action pour réduire notre impact carbone de 40%. Cela passe, par exemple, par des cours d'écoconduite à nos conducteurs. Certains le faisaient déjà auparavant, mais nous tentons de généraliser ces techniques. Nous avons déjà réduit de 3 point de pourcentage nos émission de la sorte, alors que nous estimons pouvoir aller jusqu'à 7. Nous travaillons également sur notre service de restauration. Nous avons remplacé la viande rouge par des repas végétariens ou de la viande blanche, dont le bilan carbone est moins lourd. Nous travaillons également avec des produits locaux et de saison. Nos recettes évoluent tout au long de l'année pour s'adapter. Et nos repas ne sont pas pour autant moins bons. C'est même plutôt le contraire, puisque nous utilisons des produits frais. Cela me semble être la meilleure solution : on ne peut pas aller vers un monde plus durable qu'en jouant sur les peurs. Il faut également proposer des alternatives, et que celles-ci soient plus satisfaisantes pour le consommateur. »

Nouveaux trains et sécurité renforcée

Thalys a-t-il de nouvelles destinations en projet ?

« A partir du mois de mars, nous desservirons également Dortmund (jusqu'ici, les trains Thalys s'arrêtaient à Essen, ndlr). A part cela, nous envisageons d'augmenter nos fréquences sur certaines lignes, mais sans ouvrir de nouvelles destinations. Nous suivons également ce qu'il se passe sur le marché. Nous nous intéressons notamment à l'ouverture prévue pour 2017 d'une ligne à grande vitesse vers Bordeaux. Nous pourrions proposer des trajets en fonction des saisons. Mais nous n'envisageons pas pour le moment de desserte régulière. Cela demanderait de nouvelles rames, que nous n'avons pas. Et il faut aussi penser que dès que l'on s'éloigne de ses bases, chaque éventuel problème devient plus difficile à régler, au détriment du service. En l'état, il n'y a donc pas de projet de nouvelle desserte. »

Face à la menace terroriste, des portiques de sécurité ont été installés sur les quais Thalys à Paris. Sont-ils appelés à rester en place ?

« Pour le moment, oui. Ce n'est certes pas idéal, mais nos clients sont compréhensifs. Et jusqu'ici, cela n'a pas provoqué de retard, tout se passe bien. Il s'agit de toute façon d'une question qui ne dépend pas de Thalys, mais des autorités nationales (en Belgique, la question est toujours à l'étude, ndlr). Mais nous ne sommes pas fixés sur ces portiques. Certains experts en sécurité estiment que d'autres solutions (caméras, contrôles aléatoires…) sont tout aussi efficaces. Pourquoi pas? On ne transigera pas avec la sécurité de nos passagers et de notre personnel. Mais si d'autres options offrent un niveau égal de sécurité, on y réfléchira. Pour le moment, nous veillons à ce que ces contrôles renforcés n'aient pas d'impact sur la fluidité du service et nos coûts. »

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