Au théâtre cette semaine - 15 janvier 2016

par
Nicolas
Temps de lecture 2 min.

Coup d'oeil sur les premières créations scéniques de 2016. Sans oublier de belles reprises.

Un tramway nommé désir

La pièce avait permis à son auteur Tennessee Williams de remporter le Prix Pulitzer en 1948. Trois ans plus tard, le film d'Elia Kazan avait révélé le sex-symbol Marlon Brando et donné à Vivien Leigh un Oscar largement mérité. En montant sur scène ce texte aux antécédents historiques, le collectif Alcantarea se frottait donc à un défi majeur mais qui n'avait rien de quoi effrayer le metteur en scène Stephen Shank. Bien que composée de sept actrices et acteurs, le récit se resserre de manière évidente sur un quatuor. Deux couples enfermés dans un minuscule appartement d'un quartier modeste de la Nouvelle-Orléans. C'est l'été il fait chaud et humide. Stella et Stanley vivent paisiblement dans cette Amérique ouvrière profonde, marquée par la guerre (il est un vétéran). Elle est d'extraction plus aisée. En voyant sa sœur Blanche arriver à l'improviste, ce passé cossu dans une grande plantation du Mississipi. Mais Bellerêve a été vendue, annonce Blanche. Les retrouvailles entre les deux sœurs sont chaleureuses, moins avec le beau-frère qui perce les secrets de cette femme empruntée. Dans la timidité de Mitch, meilleur ami de Stan, celle-ci trouvera l'espoir d'une renaissance alors que son passé se dévoile patiemment.

Ph. D. R.

La trame est claire même quand elle s'immerge dans la folie de ses personnages, leurs frustrations psychiques et sexuelles. La tension est omniprésente et colle à la peau des protagonistes. Audrey D'Hulstère évite l'hystérie dans son interprétation de Blanche et maîtrise jusqu'au bout son rôle de désaxée. L'interprétation, de la suscitée mais aussi de la majorité de ses compagnons de scène (Stéphane Pirard, Cédric Cerbara, Céline Peret,…), sauve une installation scénique un peu laborieuse et des effets de style dispensables. Pas de révolution scénographique mais Shank parvient à utiliser les lieux exigus du Théâtre de la Vie d'une manière séduisante, jouant sur les niveaux, comme un immeuble à plusieurs étages. Une tendance que l'on avait déjà pu apprécier dans « Reflets d'un banquet » dans ce chouette lieu de Saint-Josse en première partie de saison.

« Un Tramway nommé désir », de Tennessee Williams, mise en scène de Stephen Shank. Jusqu'au 23 janvier au Théâtre de la Vie.

Bonjour on est un tsunami

Ph. Arthur Oudar

Le bac en poche, Cerveau, Chacal, Guarana et La Graille retapent une vieille deuch' (plantée sur scène), la rebaptisent Archimède et prennent la route. L'appel du bitume, de l'aventure entre potes, de la liberté de la vie d'adulte,… Le texte d'Arthur Oudar, jeune auteur mais aussi acteur (vu dans « Punk rock », le succès du Poche), apporte un regard frais sur l'adolescence. Un « Into the Wild » dans le Midi fait de personnages pittoresques et d'aventures de la vie, les plus drôles comme les plus sombres. Car dans cette parenthèse heureuse, la réalité reprendra le dessus. Baptiste Toulemonde excelle dans son interprétation de cette joyeuse bande, mimiques et énergie comprises. Un excellent spectacle, récompensé au Rencontre du Théâtre Jeune Public de Huy, qui parle sans fard et sans ton moralisateur aux jeunes ados de la vie, d'insouciance et de l'amitié.

En bref

Ph. Hichem Dahes

« Cataclop enzovoorts » - La jeune metteuse en scène Lorette Moreau confie sa réflexion à trois performers chargés de créer le spectacle idéal. Partie d'une étude scientifique sur l'identité des spectateurs de théâtre à Bruxelles. Qui va au théâtre pour rire ? Qui n'aime que les Shakespeare ? Qui ne jure que par la création loufoque ? Hautement participatif, ce spectacle, inégal, comporte quelques passages intéressants qui utilisent les clichés de la scène pour mieux les déjouer. Jusqu'au 15 janvier à la Balsamine.

Ph. M. Boudon

« Nous qui sommes cent » - Ce texte du Suédois d'origine tunisienne Jonas Hassen Khemiri entend repasser les épisodes majeurs d'une vie complète en 1h20, mettant au jour les dizaines de personnalités qui nous composent. L'existence nous apprend à "suicider" certaines d'entre elles pour mieux avancer, encore faut-il franchir le pas.  Fluorescence collectif disloque en trois voix féminines, à des âges différents, un texte abscons à laquelle le collectif ne parvient pas, malgré son enthousiasme à donner suffisamment de relief. Jusqu'au 23 janvier au Théâtre National.

Ph. Alice Piemme

« Elle(s) » - Le Rideau de Bruxelles propose la création coup de poing de Sylvie Landuyt, « Elle(s) ». Sur scène, l'auteure, accompagnée du guitariste Ruggero Catania, chante la nouvelle révolution féminine. Mais quand la jeune Jessica Fanhan prend le micro, c'est pour dégivrer nos consciences. La comédienne explose littéralement toutes les femmes qui sont en elle et autour de nous. Quelles sont ces nouvelles guerrières insoumises du 21e siècle ? Quels rapports avec les précédentes générations ? La performance du jeu et la justesse du propos ont été récompensées par les Prix de la critique à juste titre. Jusqu'au 23 janvier au Rideau de Bruxelles.

Ph. Phile Deprez

« Lettre à D. » - Seul en scène remarqué du début de la saison, ce seul-en-scène revient sur la fin du couple que formaient André Gorz et son épouse Dorine. La metteuse en scène Coline Struyf confie au formidable Dirk Roofthooft la lettre publique dans laquelle le père de l'écologie politique déploie vraie déclaration d'amour à sa chère et tendre, atteinte d'une maladie très handicapante. Sensuel, affectueux, parfois rageur, mais débordant d'une tendresse sincère, l'auteur réussit à retracer le parcours tumultueux, mais aussi sobre, d'une vie à deux. Grâce une économie de moyens scéniques, l'acteur émeut et interpelle sur le geste ultime de ces amoureux. Jusqu'au 16 janvier au Théâtre de Namur.

Nicolas Naizy