Guillaume Musso à livre ouvert

par
Jerome
Temps de lecture 8 min.

Guillaume Musso, on ne le présente plus. Il est l'un des auteurs français le plus lus dans le monde. Depuis la parution de son deuxième roman « Et après… » en 2004, l'écrivain a vendu plus de 22 millions d'exemplaires (chiffres présentés en 2014). Ses romans sont traduits dans près de 40 langues et plusieurs d'entre eux ont été adaptés au cinéma. Quelques mois avant la sortie de son nouveau roman «?La fille de Brooklyn », le célèbre écrivain a accepté de répondre à nos questions.

Que fait un grand écrivain comme vous lorsqu'il n'écrit pas ?

« Je pense que quand on est écrivain, on écrit tout le temps. De façon explicite ou pas. Comme disait Eugène Ionesco : ‘Un écrivain n'a jamais de vacances. Pour un écrivain, la vie se résume à l'écriture ou à penser à l'écriture'. Même lorsque l'on n'écrit pas, le cerveau est en éveil. Pour moi, l'activité d'écriture ne s'arrête jamais. Je pense que c'est la caractéristique principale de ce métier. Ce métier me passionne, il calibre ma vie. Par ailleurs, il permet d'avoir d'autres passions à côté. Dans mon cas, ma préoccupation est de m'occuper de mon fils. Et puis, le fait que mes romans soient traduits dans autant de pays me permet de voyager pas mal et de rencontrer beaucoup de gens. C'est très enrichissant. »

Profitez-vous de votre passage dans une ville pour vos promos pour la visiter ?

« Bien sûr. De plus, je peux planifier un voyage parce qu'il y a une exposition que je veux absolument voir. J'aime beaucoup l'art contemporain, l'art moderne, l'histoire. Sans oublier tout ce qui est lié aux plaisirs de vivre, comme par exemple la gastronomie, qui font partie, pour moi, de la culture au sens large. Tout cela me permet aussi de trouver de l'inspiration ailleurs. Je parlais de cela notamment avec Pierre Hermé, le célèbre pâtissier. Je lui demandais comment il trouvait son inspiration pour créer une pâtisserie. Lui aussi peut en fait être inspiré par un tableau. En réalité, tout est bon pour créer une étincelle qui va mettre en branle le mécanisme de la création. »

Prenez-vous des notes lorsque vous voyez quelque chose qui vous touche?

« Tout le temps. C'est compulsif. J'ai à peu près une idée par jour. J'ai été professeur pendant dix ans, j'avais déjà le goût du partage du savoir. Quand je lis un bon livre, vois un bon film, mon premier plaisir va être de le partager avec quelqu'un. J'aime cette idée de flux d'échanges, de partage de la culture, dans le sens de ‘plaisir de découvrir'. »

Quel est votre livre de chevet ?

« Quand je suis en période d'écriture, je préfère avoir une lecture qui me sort de ce que je suis en train de faire. Mon livre de chevet est actuellement la biographie de Louis Aragon par Philippe Forest qui est parue chez Gallimard. J'ai toujours adoré Aragon. Cela me rappelle mon enfance lorsque mes parents passaient les 33 tours de Léo Ferré. J'aime cette mise en musique de poèmes. Aragon est quelqu'un qui ne m'a jamais quitté.»

Avez-vous déjà écrit des poèmes ?

« J'aime bien en lire mais je n'en ai jamais écrit. J'aime écrire des fictions. Ça a toujours été mon moteur. Pourquoi?? Parce que la vie est mal faite et que la fiction permet de corriger. Avec la fiction, vous maîtrisez le monde que vous avez créé. J'en parlais récemment avec un ami-auteur, Jean-Christophe Grangé, qui me disait que ses polars, souvent violents, ont une vertu cathartique, comme les contes pour les enfants. C'est agréable de lire des histoires qui font peur car on sait que c'est de la fiction. Et mettre en scène nos peurs permet de les exorciser. »

Vous avez été professeur de sciences économiques. Depuis que vous êtes écrivain, avez-vous déjà eu envie de vous reconvertir dans un tout autre métier ?

« J'ai eu, avant l'écriture, la vie d'un professeur, et j'en ai été très heureux. Je n'ai pas été vers l'enseignement à reculons. C'était quelque chose que j'aimais faire. Depuis, faire complètement autre chose ne s'est jamais présenté. Il faut aussi se dire qu'on n'est pas capable de tout faire. Il faut se sonder assez tôt. C'est ce que j'essayais d'enseigner à mes élèves : savoir quelle est la chose que vous arriverez à faire le mieux et qui vous rendra heureux. Pour ma part, c'est la fiction. Pendant longtemps, j'ai eu l'envie d'être médecin. Mais au moment du choix crucial, vers 18 ans, une voix intérieure m'a fait choisir une voie économique. »

Mais vous n'avez pas pensé à suivre des études littéraires ?

« Non parce que pour moi, il y avait la nécessité d'avoir en main des instruments pour comprendre le monde dans lequel on vit. J'avais envie de marcher la tête dans les étoiles et les pieds sur terre. On vit dans un monde à la fois intéressant, terrifiant et compliqué. Je voulais faire des études qui me donnent des outils pour analyser et décrypter le monde dans lequel j'évolue. Un monde dans lequel tout se passe très vite. J'avais besoin de cet équilibre. »

Ce n'est donc pas par hasard que votre premier roman « Skidamarink » traite de la mondialisation ?

« Absolument. Je faisais la part des choses entre mes activités d'enseignant et l'écriture mais ce premier roman est directement issu de ce que j'étudiais à l'époque. »

Vous êtes devenu mondialement connu suite à la sortie de votre deuxième roman « Et après… » dans lequel vous faites revenir les morts parmi les vivants. Un thème qui vous touche particulièrement.

« Ce roman m'est venu suite à un accident de voiture qui m'a fait passer du statut de garçon insouciant à celui qui prend conscience de la fragilité de la vie. J'ai tout de suite eu l'envie d'écrire sur ce sujet. Mais sur la forme romanesque, et non d'un essai. J'adorais les films des années 40-50 américains, comme " La vie est belle " de Frank Capra, dans lesquels on utilisait le surnaturel pour parler de choses assez graves. Je suis imprégné de philosophie stoïcienne : mener sa vie en essayant de faire le partage entre les choses sur lesquelles on peut agir et celles sur lesquelles on ne peut pas. Plus vous avancez dans la vie, plus cette idée d'organiser son temps et de ne pas le perdre avec des des choses qui n'en valent pas la peine prend son sens. »

Avez-vous une croyance particulière sur ce qui se passe après la mort ?

« Non, et les romans, je les revendique comme étant des fictions et des divertissements au sens noble du terme. Je ne dirai jamais qu'il y a un message dans mes romans, que je veux faire passer des idées. En aucun cas, il n'y a un message avec un contenu idéologique. »

Vous vous êtes engagé dans la lutte contre les leucodystrophies.

« Contrairement à ce que les gens pensent, je n'écris pas facilement. Je travaille tous les jours. Les deux seuls textes que j'ai écrits en dehors des romans, c'est pour, effectivement, la " dictée d'ELA " et pour les Restos du Cœur. Mais c'était compliqué. Il m'a fallu deux mois pour écrire la nouvelle pour les Restos du Cœur. »

Avez-vous d'autres engagements ?

« En réalité, je ne me suis jamais considéré comme un personnage public. Je suis un romancier. J'écris des fictions, qui sont des divertissements. Le fait d'avoir du succès ne m'a jamais fait croire que j'étais un personnage public -et je l'ai toujours refusé. Je ne me sens pas tenu d'avoir un avis sur tout. Je veux bien vous parler de romans, de fictions, mais ma parole sur l'actualité, la religion ou tout autre sujet n'a aucun intérêt. »

On connait votre amour pour New York. Vous y avez même vécu quelques mois. Vous y retournez encore souvent ?

« Oui, j'y vais deux à trois fois par an. C'est un amour qui n'a jamais cessé. Cette ville ne m'a jamais déçue. Elle me surprend à chaque fois. Quand j'ai une baisse de régime, un manque d'inspiration, il suffit d'y retourner pour que l'étincelle se produise. C'est la ville dans laquelle tout peut arriver et ça, pour un romancier, c'est important. J'aime ce flux qui ne s'arrête jamais et qui vous oblige à vous caler sur le rythme de la ville. Et même si vous n'avez pas cette énergie à la base, elle finit par vous contaminer. De plus, New York est une ville qui se réinvente. Tous les quatre-cinq ans, vous y découvrez un nouveau New York. La ville a su traverser les différentes époques. »

Pourquoi ne pas y habiter ?

« Quand vous aimez quelque chose, vous n'avez pas forcément envie de le voir tout le temps parce que vous avez peur que l'amour s'émousse. Bien évidemment, ce n'est pas le cas avec les personnes. Quand j'aime quelqu'un, j'aime habiter avec. Mais avec New York, j'ai ça. Puis, je me sens 100% français. Contrairement à ce que je lis parfois, tous mes romans ne se passent pas à New York. Mon prochain roman " La Fille de Brooklyn " se déroule pour les trois-quarts en France, même si on pourrait croire le contraire. »

Quel quartier de New York conseillez-vous aux lecteurs de Metro ?

« C'est peut-être un peu cliché mais ces dernières années, j'aime voir l'évolution de la High Line et comment la ville a réussi à rénover ces quartiers laissés à l'abandon dans les années 90. C'est un bon modèle sur comment renouveler et réinjecter de la nouveauté et de la modernité intelligemment. »

Que pouvons-nous vous souhaiter pour 2016 ?

« Je suis un privilégié, il n'y a rien à me souhaiter… Que j'ai encore l'énergie de raconter des histoires. Mais il n'y a pas de raison pour que cela change. Ce que je veux, c'est surprendre. Depuis quelques années, j'ai le plaisir d'avoir de nouveaux lecteurs grâce à ce tournant plus polar que j'ai pris. J'ai cette envie de décoller les étiquettes. C'est un challenge. " La Fille de Brooklyn " est un cold case entre la France et les États-Unis. Je suis très impatient de sortir ce livre et de le présenter aux lecteurs. »