Au théâtre cette semaine - le 4 décembre 2015

Reflets d'un banquet
par
Nicolas
Temps de lecture 2 min.

Ph. Marie Aurore

S'emparer du célèbre "Banquet" de Platon et lui donner un nouveau peps tout en gardant sa finesse oratoire. Le défi est entièrement relevé par la jeune metteure en scène Pauline d'Ollone. Ce dialogue antique, dont la trame est ici respectée, revient sur un banquet offert par Agathon, poète tragique, qui invite amis et artistes athéniens pour célébrer la récompense de sa première tragédie. À la table du festin, les convives se lancent comme défi de déclamer le meilleur éloge de l'amour. Qu'est-ce que l'Amour ? Est-il divin ou mortel ? Est-il cadeau des dieux ou simple désir de l'Homme ? Le questionnement touche aussi des questions graves: le racisme ou la misogynie.

La discussion philosophique pourrait très vite s'avérer barbante si elle n'était pas mise en scène de manière dynamique et élégante, comme c'est le cas pour ces "Reflets d'un banquet", premier travail de la jeune femme formée à l'INSAS. Elle orchestre ce concours d'éloquence une dynamique et drôle joute verbale, où chaque personnage à sa place. Ceux-ci se taquinent, les envolées succèdent à des parties de ping-pong oratoire. Après le tour de Phèdre (Achille Ridolfi), de Posonias (Jérémie Siska), d'Eryximaque (Pierange Buondelmonte), d'Aristophane (Ridolfi sans la veste) et d'Agathon (Adrien Drumel), il revient à Socrate (Philippe Grand'henry), resté spectateur jusqu'alors, de prendre la parole. Le philosophe exerce alors sa maïeutique, décortiquant de questions en questions les discours enjoués de ses camarades de festin. Sans s'y attendre, le rhéteur plonge dans son passé, lorsque la douce Diotime (une facétieuse Anne-Marie Loop, qui donne corps à un rôle féminin bien trop réduit dans la version originelle) lui fournit la vérité de l'Amour, clouant le bec aux discussions théologiques et sophistiques. À moins que ce soit Alcibiade (Siska de nouveau). Quelque peu éméché, le rebelle ramène Socrate à ses faiblesses d'amant.

Ph. Marie Aurore

La langue est musicale et vivante. On sent l'amour des mots et du combat qu'ils se livrent. Faisant fi d'une scénographie élaborée, Pauline d'Ollone pousse l'épure à son maximum en faisant se mouvoir ses acteurs au milieu de public perché sur de petit gradins disposés en arc de cercle. Le regard des comédiens plonge dans celui des spectateurs avec intensité. L'espace de jeu s'éclate ensuite en dépassant l'espace scénique réduit en occupant l'ensemble du Théâtre de la Vie complètement ouvert sur son bar et son gradin supérieur.

Des cours de philo comme celui-là, on en redemande. Car ici, l'oralité est mise en scène avec intelligence, évitant les poncifs d'un théâtre antique parfois plombant. La Compagnie les Étrangers fait le pari d'une réflexion ludique, où le plaisir du jeu des comédiens se partagent sans ennui. Une certaine idée du bonheur théâtral!

Drôle de couple

Ph. Grégory Navarra

Les fêtes de fin d'année approchent, la Comédie de Bruxelles nous propose sa nouvelle comédie pour célébrer l'an neuf. Daniel Hanssens a porté son choix sur une comédie de Broadway des années 60, portée à l'écran par les inséparables Jack Lemmon et Walter Matthau. « Drôle de couple » voit la cohabitation entre deux amis que tout oppose. Oscar (Pascal Racan) est un journaliste sportif divorcé et qui vit pleinement sa vie retrouvée de célibataire. Il accueille chez lui Félix (Daniel Hanssens), en train de se séparer difficilement de son épouse. Mais le caractère désinvolte du premier se marie mal à la maniaquerie et sensiblerie du second.

Jouant sur le traditionnel duo, style buddy movie, la pièce est typique de la comédie new-yorkaise sixties. Mais dans cette mise en scène assez classique, l'installation des personnages principaux et secondaires (les amis du poker du vendredi soir – Victor Scheffer, Daniel Nicodème, Michel Hinderyckx) traîne quelque peu les pieds, et le spectacle ne trouve véritablement son rythme de croisière qu'après l'entracte, avec l'arrivée des deux personnages féminins (Amélie Saye et Laure Godisiabois). Sans jamais atteindre l'explosion.

Dommage, car le duo Hanssens-Racan a par le passé pu démontrer sa capacité à revivifier les comédies contemporaines à succès.

Nicolas Naizy