Guy Bedos: "J'ai déjà choisi mon médecin-assassin"

par
Laura
Temps de lecture 5 min.

Avec «Je me souviendrai de tout», Guy Bedos nous livre des notes personnelles qu'il a prises durant une année. Des notes à la plume bien trempée, à l'image de l'artiste.

Dans votre livre, il y a de l'humour, voire de la moquerie, de la mélancolie, de la nostalgique, du militantisme. Êtes-vous tout ça dans votre vie de tous les jours?

«En ce qui concerne le militantisme, je ne fais partie d'aucun parti. Je suis adhérent de plusieurs associations fréquentables. Je suis à la Ligue des Droits de l'Homme. Je suis un adhérent de l'Association pour le Droit de Mourir dans la Dignité et parrain de Douleurs sans Frontières. Je suis profondément antiraciste. C'est ma plus forte conviction. Je reprends souvent la phrase de Jacques Brel: ‘J'ai mal aux autres'.»

En France, nous assistons à la montée du FN, le retour de certaines personnes en politique, il y a eu les manifestations contre le mariage pour tous, etc. Que se passe-t-il? Et comment vivez-vous cela?

«Je suis content d'avoir tiré le rideau sur mon one-man-show. Car si je devais encore le faire aujourd'hui, je peux vous dire que cela pourrait inciter les gens au suicide. Je suis un citoyen comme les autres, je commente certaines choses. Mais j'avoue que j'ai rarement été aussi perdu qu'aujourd'hui. Je suis orphelin politiquement. Bon, ça s'arrangera peut-être un jour…»

Vous ne vous retrouvez pas dans la politique française actuelle?

«Non, cette gauche ne me plaît pas globalement. Il y a des ministres que j'aime bien, notamment Christiane Taubira qui est la bête noire, si je peux dire, de toute une droite, de toute une bande de racistes. Pourtant, c'est une femme intelligente et sensible.»

Votez-vous quand même?

«Oui, je vote encore. Mais je vote plutôt contre. J'ai voté Hollande contre Sarkozy. Hollande me déçoit un peu car il ne tient pas ses promesses. Valls, c'est différent, je ne l'aime pas du tout. Je le trouve très ambigu. Je ne sais pas ce qu'il fait à gauche.»

Êtes-vous nostalgique ?

«J'ai toujours été comme ça! Mais dans la vie, je suis beaucoup plus simple. Avec le livre, je me suis penché dans les choses du passé. C'est l'écriture qui veut cela. Je suis moins mélancolique que cela ne parait.»

Ce livre est en quelque sorte un journal intime. Il contient vos notes personnelles durant un an.

«Je me suis mis à écrire huit jours après avoir tiré le rideau sur mon one-man-show. J'ai été approché par des éditrices extrêmement sympathiques. Je m'entends mieux avec les femmes qu'avec les hommes. Elles sont absolument exquises avec moi. Toute l'équipe en fait. Je suis content car j'ai des retours très positifs sur mon livre.»

Même dans votre journal, vous ne pouvez pas vous empêcher de faire une revue de presse.

«Je ne peux pas ne pas parler de ces choses-là quand je me livre à un acte public. Les gens qui me suivent seraient alors déçus. Ils attendent cela. J'avais besoin de dire publiquement mes réserves sur cette gauche indécise. Mais je suis plus intéressé par les portraits que je décris ou par mes souvenirs.»

Vous rendez de très beaux hommages à vos amis dans ce livre, par exemple à Barbara.

«Barbara me manque. J'ai beaucoup de mal avec la mort des autres.»

Vous en parlez beaucoup, de la mort, dans votre livre.

«C'est vrai. Mais j'aime la vie. Je ne trouve pas que la mort est une tragédie pour soi. Elle l'est pour ceux qui vous aiment et qui vous regrettent. Sinon, c'est une sorte de remède contre les aléas de la vie, si on est trop mal, malheureux ou malade. C'est pour cela que je suis favorable à la mort volontaire.»

Vous militez pour le droit à mourir.

«Oui, je suis très actif dans l'Association pour le Droit de Mourir dans la Dignité. Je suis ami avec Noëlle Chatelet qui a aidé sa mère à partir. Et puis, j'ai aidé des amis connus ou pas connus. Pierre Desproges, par exemple. J'ai également déjà choisi mon médecin-assassin, comme je dis dans le livre.»

C'est assez étonnant que vous pensiez à la mort alors que vous dites que votre hobby, c'est la vie.

«La mort et la vie sont des cousines germaines, pour ne pas dire des sœurs. Nous irons tous dans cette mort. Je trouve qu'il ne faut pas se fier à Dieu mais à soi-même.Je ne veux pas m'imposer à mon entourage. »

Avez-vous des regrets?

«Le regret est souvent synonyme d'amertume, et je ne porte pas cela. Je suis trop agréablement surpris par les chances que j'ai eues, les rencontres que j'ai faites, les talents que l'on m'accorde. Non, je n'ai pas de regrets. Je n'ai que des regrets humains envers les gens que j'aimais et qui sont partis. »

Vous êtes entier, vous dites les choses comme vous le pensez…

«Mais je ne dis pas tout! Je vous connais, je savais que ce serait votre question (rires). Il y a des choses que l'on doit garder pour soi. Si j'étais très malade, je ne le dirais pas. On m'empêcherait de travailler. Si j'avais une double vie, je ne le dirai pas non plus. Ma vérité ne m'appartient pas. Elle éclabousse les gens qui m'entourent. Tout ce qui pourra les blesser ne sortira pas de ma bouche ou de ma plume.»

Nous sommes en Belgique. Nous sommes, en quelque sorte, obligés de revenir sur l'anecdote que vous racontez dans votre livre concernant Jacques Brel et son ancienne compagne.

«Je ne suis pas très fier de cette histoire. Je n'ai, par ailleurs, pas mentionné le nom de la jeune femme dans mon livre, mais tout le monde a compris de qui je parlais. J'étais jeune quand j'ai été dragué par cette adorable fille. J'ai pris le risque en somme de blesser quelqu'un que j'admirais, et qui est devenu un proche plus tard. On n'en a jamais parlé. Quand j'entends ‘Ne me quitte pas', je ne peux pas m'empêcher de penser que j'ai droit à ma part de droit d'auteur (rires).» (mh)

Ph. B. Guay