Au théâtre cette semaine - 27 novembre 2015

par
Nicolas
Temps de lecture 2 min.

Les théâtres rouvrent après des fermetures imposées par les mesures de sécurité. Metro vous aide à faire votre choix. Du bon et du moins bon.

Elisabeth II

Ph. Marianne Grimont

La visite de la reine d'Angleterre fait remuer le tout Vienne. Mais pas le vieux Herrenstein. Cet ancien marchand d'armes coincé dans sa chaise roulante voit défiler dans son grand appartement viennois vide connaissances et famille venues saluer la parade d'Elisabeth II. C'est l'occasion pour cet acariâtre bonhomme de vomir toute sa détestation de « cette smala perverse ». Le comédien Denis Lavant réalise une véritable performance en portant quasi seul le texte bilieux de Thomas Bernhard (1931-1989). L'auteur y déverse une éructation critique de la société autrichienne et utilise le corps meurtri de ce misanthrope pour livrer le message d'une ancienne génération confrontée à la frivolité de ses jeunes ouailles.

Ph. Marianne Grimont

Mais ce presque monologue ne doit pas nous faire oublier les seconds rôles de cette mise en scène élégamment froide d'Aurore Fattier qui pose un regard sans concession sur le genre humain. Quelque peu lâchés dans cette scénographie de Valérie Jung alliant vide et solitude de la colère, Delphine Bibet et Alexandre Trocki interprètent gouvernante et majordome, impassibles témoins de la colère de leur maître. Leur flegme et leurs regards en coin, mis en valeur par un joli travail vidéo (de Vincent Pinckaers), apportent la touche d'humour nécessaire à alléger la morosité du regard sénile. Les visiteurs extravagants (Véronique Dumont, Jean Pierre Baudson, François Sikivie, Michel Jurowicz) du ronchon ne déméritent pas, bien que parfois fugaces.

Une production des quatre centres dramatiques (Varia, Liège, Namur, Mons) en tournée au Théâtre de Namur du 1er au 5 décembre et au Manège de Mons du 27 au 29 janvier.

Fantômas

Ph. Isabelle De Beir

Nous sommes nombreux à garder de Fantômas l'image de ce gangster aux multiples trouvailles interprété par Jean Marais, fuyant au colérique Louis De Funès, inspecteur Juve de son état. Mais à sa création en 1910, le personnage des romans-feuilletons de Souvestre et Allain apparaît comme un véritable terroriste et anarchiste, faisant régner la peur dans un Paris insouciant à quelques mois du premier conflit mondial. C'est cette ambiance sombre et violente qui a retenu l'intérêt de Thierry Janssen, auteur, et de Jasmina Douïeb, metteur en scène, pour cette pièce de fin d'année du Théâtre royal du Parc.

Ph. Isabelle De Beir

Dans cette nouvelle version inspirée des romans, en plus des deux personnages précités, on retrouve également le naïf Jérôme Fandor et l'impétueuse Hélène, autres figures majeures de la mythologie Fantômas. Juve (Jean-Marc Delhausse) et le jeune journaliste interprété par Damien De Dobbeleer sont sollicités par Lady Beltham (Muriel Clairembourg) qui pleure la disparition de son scientifique de mari, enlevé par l'ignoble bandit masqué. Othmane Moumen campe ce dernier avec conviction jouant tant sur les registres de la peur que de la folie. S'en suit une course-poursuite à travers le Paris de la Belle Époque croisant un vil patron de presse, une sorcière cannibale (Didier Colfs), une impétueuse Hélène (Héloïse Jadoul) et bien évidemment les Apaches, fripouilles des bas-fonds et main-d'œuvre du roi du crime.

Les effets scénaristiques parfois un peu gros viennent surtout souligner un fantasme du vilain né de l'imaginaire populaire il y a un siècle. Ce ton se traduit dans les choix de mise en scène et de scénographie, Jasmina Douïeb ayant fait appel à un soutien vidéo inspiré du cinéma muet et fait circuler ses personnages entre d'ingénieuses grandes demeures parisiennes, mais aussi sur les toits d'une Ville-Lumière, de grandes structures imaginées par les excellents Thibaut De Coster et Charly Kleinermann. Cet impressionnant dispositif donne un spectacle vif, où l'ambiance volontairement surannée et la naïveté romantique de certains de ses personnages amènent l'humour. Ce divertissement idéal pour les fêtes se conclut toutefois sur un clin d'oeil intéressant sur le pouvoir de la terreur sur la société. En ces temps de menace terroriste passant du 3 au 4 et vice-versa, l'allusion est plus qu'explicite.

Ubu Roi

Ph. D. R.

À l'image de la mythologie grecque, le théâtre de l'absurde trouve en Ubu son (anti)héros révélateur des travers d'une époque. Le personnage d'Alfred Jarry créé à la fin du 19e siècle pointait la médiocrité des élites qui s'entourait d'une cour inculte aux rêves trop grand pour lui. Dans Ubu Roi, le grossier Ubu parvient à prendre le pouvoir en assassinant le roi Venceslas. Aidé par l'horrible Mère Ubu, il installe un régime dictatorial où la bêtise dicte la prise de décision. Si le personnage vulgaire sert initialement la satire politique, on ne comprend pas les choix faits par Dominique Serron pour cette version qu'elle propose au Théâtre de la Place des Martyrs. La metteure en scène autorise un jeu extrêmement extraverti de ses comédiens et fait appel à une multitude d'astuces scénographiques et narratives sans vraiment tirer jusqu'au bout les ficelles de sa pelote. Si les projections habillent un sombre fond de scène sobre et nu d'une belle manière, autant d'autres choix (prothèses génitales et cuvettes de WC) ajoutent des couches de vulgarité inutiles. Le spectacle suscite quelques rires dans sa première partie mais l'attention ne suit pas. Dommage pour l'Infini théâtre dont on préfère se rappeler un Cid raffiné et une Carmen inventive lors des saisons précédentes sur cette même scène bruxelloise.

Nicolas Naizy