Attaques à Paris: Des morts après plusieurs fusillades et explosions

par
Laura
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Au moins 129 personnes ont été tuées dans plusieurs attentats sans précédent à Paris vendredi soir, selon les autorités, et 352 personnes blessées dont 99 gravement. "Cinq terroristes ont été neutralisés" à ce stade, a annoncé le procureur de la République de Paris, François Molins.

Le déroulement des attaques

Les attaques se sont déroulées près du prestigieux Stade de France, dans la banlieue nord de Paris, et dans l'Est parisien, aux bars très fréquentés le week-end, non loin de la place de la République où avaient convergé 1,5 million de personnes après les attentats de janvier. Plusieurs hommes armés à visage découvert font irruption et ouvrent le feu, aux cris de "Allah Akbar", dans la salle de spectacle du Bataclan où se produit le goupe de garage rock américain Eagles of Death Metal. Une prise d'otages de près de trois heures a lieu. Au moins 82 personnes sont tuées. "Je les ai clairement entendu dire aux otages 'C'est la faute de Hollande, c'est la faute de votre président, il n'a pas à intervenir en Syrie'. Ils ont aussi parlé de l'Irak", a raconté Pierre Janaszak, 35 ans, animateur radio et TV qui se trouvait dans la salle. L'assaut a été lancé par la police peu avant 00h30 et s'est terminé vers 1h00. Les quatre assaillants sont morts, dont trois en actionnant leur ceinture d'explosifs.

Simultanément, une première explosion se produit à 21h20 aux abords du Stade de France où doit se dérouler la finale de l'Euro en juillet 2016. Le président français François Hollande, qui assistait à un match de football France-Allemagne, est immédiatement évacué, les entrées et sorties du stade sont bouclées. Trois explosions retentissent au total autour de l'enceinte sportive. Une personne est morte, ainsi que trois kamikazes.

Dans l'est de Paris, rue de Charonne, au moins 19 personnes ont péri dans une scène de guerre. Un homme dit avoir entendu des tirs pendant "deux, trois minutes", "des rafales". "J'ai vu plusieurs corps à terre, ensanglantés", lâche-t-il. Selon lui, un café et un restaurant japonais ont été la cible des tirs, juste en face du foyer Palais de la femme.

Un peu plus au nord, une fusillade éclate à l'angle des rues Bichat et Alibert, sur la terrasse du restaurant Le Petit Cambodge. Bilan: au moins douze morts. "C'était surréaliste, tout le monde était à terre, personne ne bougeait", a relaté une femme.

A quelques centaines de mètres du Bataclan, rue de la Fontaine au roi, la terrasse d'une pizzeria, La Casa Nostra, est visée. Cinq personnes sont abattues par plusieurs rafales d'une "mitrailleuse automatique", selon un témoin, Mathieu, 35 ans. "Il y avait au moins cinq morts autour de moi, d'autres dans la rue, du sang partout. J'ai eu beaucoup de chance." Un autre témoin raconte qu'il "a vu une Ford Focus noire qui tirait, puis plusieurs douilles par terre". Une attaque a également eu lieu boulevard Voltaire, pas très loin du Bataclan. Le kamikaze est mort.

 

Etat d'urgence, fermeture des frontières

L'état d'urgence et la fermeture des frontières ont été annoncés par le président de la République François Hollande durant son allocution.  "Deux décisions seront prises : l'état d'urgence sera décrété, ce qui veut dire que certains lieux seront fermés, la circulation pourra être interdite et il y aura également des perquisitions qui pourront être décidées" dans toute la région parisienne, a expliqué M. Hollande dans une allocution télévisée de trois minutes depuis l'Elysée.

"L'état d'urgence sera proclamé sur l'ensemble du territoire", a-t-il précisé. "La seconde décision que j'ai prise, c'est la fermeture des frontières, nous devons nous assurer que personne ne pourra rentrer pour commettre quelque acte que ce soit. Et en même temps que ceux qui auraient pu commettre les crimes qui sont hélas constatés puisse également être appréhendés, s'ils devaient sortir du territoire", a expliqué M. Hollande. "Nous avons, sur ma décision, mobilisé toutes les forces possibles pour qu'il puisse y avoir la neutralisation des terroristes et la mise en sécurité de tous les quartiers qui peuvent être concernés" a-t-il dit. "J'ai également demandé qu'il y ait des renforts militaires, ils sont en ce moment sur l'agglomération parisienne pour être sûr qu'aucune attaque ne puisse de nouveau avoir lieu", a-t-il ajouté.

La mairie de Paris a appelé vendredi sur Twitter les habitants "à ne pas sortir de chez (eux)", après les fusillades meurtrières qui ont éclaté dans la capitale vendredi soir. "Fusillades à Paris, nous vous invitons à ne pas sortir de chez vous en attendant les instructions des autorités cc @prefpolice", a twitté la Ville de Paris sur son compte officiel.

Témoignages

Vendredi, le périmètre était bouclé autour de l'hôpital Saint-Louis, dans le nord de la capitale. Un homme en larmes raconte que sa soeur a été tuée. A ses côtés sa mère explose en sanglots et se jette dans ses bras. "Ils ne veulent pas nous laisser passer", explique-t-il en montrant le carrefour, 50 mètres plus loin. "On a entendu des bruits de fusillade, 30 secondes de rafales, c'était interminable, on pensait que c'était un feu d'artifice", raconte Pierre Montfort, qui vit tout près de la rue Bichat, où a eu lieu l'une des fusillades.

Un autre témoin décrit la scène: "sur le moment on ne voit que les flammes qui sortent de l'arme, on a eu peur, qui nous disait qu'il n'allait pas tirer sur les fenêtres?" Florence dit être arrivée "en scooter peut-être une minute après". "C'était surréaliste, tout le monde était à terre. Personne ne bougeait dans le restaurant Petit Cambodge et tous les gens étaient par terre au bar Carillon. C'était très calme, les gens ne comprenaient pas ce qu'il se passait. Une fille était portée par un jeune homme dans ses bras. Elle avait l'air morte", explique-t-elle. Mêmes scènes de guerre rue Charonne, un peu plus à l'Est. Des camions de pompiers repartent toutes sirènes hurlantes.

Un homme dit avoir entendu des tirs pendant "deux, trois minutes", "des rafales". "J'ai vu plusieurs corps à terre ensanglantés. Je ne sais pas s'ils étaient morts", lâche-t-il. "Il y avait du sang partout", confirme un autre témoin, parlant de tirs très forts en plusieurs temps. "Nous étions au restaurant lorsqu'une fusillade a éclaté à proximité, dans le café 'La Belle Equipe'. C'était la panique", explique également Frédéric Albrecht, ex-journaliste et témoin de l'attaque, vendredi soir, dans le XIe arrondissement. "Nous avons vu une voiture à l'arrêt ainsi qu'un homme qui tirait avec une arme automatique. Il y aurait une douzaine de victimes selon plusieurs témoins". "La police est arrivée très rapidement sur les lieux de l'attaque. Le quartier est en état de siège et tout est bouclé", précise le témoin. Toujours dans l'Est parisien, mêmes gyrophares de la police et des pompiers, autre quartier bouclé, celui de la salle de concerts le Bataclan, tout près de la rédaction de Charlie Hebdo cible d'un attentat meurtrier en janvier. Une prise d'otages est en cours.

Les gens sont pendus au téléphone. "Ma femme était au Bataclan, c'est une catastrophe", dit un homme qui a accouru sur place mais est bloqué par le cordon de sécurité. "Il y a eu une fusillade à l'intérieur du Bataclan. Tout ce que je peux vous dire c'est que c'est plus grave que Charlie Hebdo", glisse un membre des forces de l'ordre.

L'après Charlie Hebdo

Ces attaques surviennent dix mois après les attentats jihadistes de janvier contre l'hebdomadaire satirique Charlie Hebdo et un supermarché casher à Paris, qui avaient fait 17 morts, et ont été suivis de plusieurs autres attaques ou tentatives. La dernière en date s'était produite le 21 août à bord d'un train à grande vitesse Thalys entre Bruxelles et Paris. Un carnage avait alors été évité par des passagers, dont des militaires américains en vacances, qui avaient maîtrisé un tireur armé d'une kalachnikov et d'un pistolet. Deux personnes avaient été blessées. L'assaillant, Ayoub El Khazzani, jeune Marocain signalé aux services de renseignement comme islamiste radical, avait été interpellé. Avant cela, en juin, un homme avait décapité son patron puis, après une mise en scène macabre sur fond de drapeaux islamistes, tenté de faire exploser une usine de Saint-Quentin-Fallavier (centre-est). En avril, un étudiant algérien, Sid Ahmed Ghlam, était arrêté en possession d'armes de guerre après avoir tué une jeune femme, alors qu'il préparait un attentat contre une église de Villejuif (banlieue sud de Paris).

Fin octobre, un homme de 25 ans, Hakim Marnissi, 25 ans, a été arrêté à Toulon et a reconnu en garde à vue avoir été en contact avec un jihadiste français en Syrie, pour projeter d'attaquer des militaires de la base navale de sa ville. Surveillé depuis sa radicalisation, il avait reçu un couteau de combat et deux cagoules par colis postal.

Terroristes

Mi-octobre, dans un discours aux forces de sécurité, le ministre de l'Intérieur Bernard Cazeneuve avait estimé que 1.800 Français ou résidents en France étaient "de près ou de loin concernés par des activités à caractère terroriste". Dans une interview au journal Libération publiée le 12 novembre, il précisait que "571 de nos ressortissants étaient actuellement identifiés dans les groupes terroristes en Syrie ou en Irak" et que 141 étaient "présumés y avoir trouvé la mort".

Depuis les attentats de janvier, le plan de vigilance français Vigipirate est à son niveau maximum dans la région parisienne. Une mission de sécurité intérieure associée à ce plan est assurée sur tout le territoire par l'armée. La France participe depuis plus de deux ans à la coalition anti-Etat islamique en Irak mais a commencé à mener des frappes contre le groupe Etat islamique en Syrie en octobre. Elle a annoncé le 5 novembre qu'elle allait à nouveau déployer courant décembre dans le Golfe son porte-avions Charles de Gaulle, une décision qui a suivi l'annonce américaine d'une prochaine intensification des bombardements alliés en Syrie.

Réactions du reste du monde

Le Premier ministre Charles Michel parle d'une "nouvelle tragédie à Paris" et adresse ses condoléances aux familles et son soutien aux victimes. "La Belgique est au côtés de la France", a-t-il déclaré sur le réseau social Twitter.

Les attentats qui ont frappé la capitale française vendredi soir "ne sont pas seulement une attaque contre Paris", mais "une attaque contre toute l'humanité et nos valeurs universelles", a déclaré Barack Obama lors d'une brève allocution à la Maison Blanche. Briefé sur les événements en cours à Paris, le président américain a ajouté que les Etats-Unis allaient aider la France à "traduire les terroristes en justice", tout en notant qu'il était encore trop tôt pour savoir qui avait fomenté ces attaques, destinées à "terroriser des civils innocents".

La chancelière allemande Angela Merkel s'est dite vendredi soir "profondément choquée" par les attaques "à l'évidence terroristes" qui ont fait plusieurs dizaines de morts à Paris, selon un communiqué de ses services. "Je suis profondément choquée par les nouvelles et les images qui nous parviennent de Paris. En ces heures, mes pensées vont aux victimes de ces attaques à l'évidence terroristes, à leurs proches et à tous les habitants de Paris", a déclaré la dirigeante.

Le secrétaire général de l'ONU Ban Ki-moon, cité par son porte-parole, a dénoncé des "attaques terroristes méprisables" et a dit "se tenir au côté du gouvernement et du peuple français".

Le secrétaire d'Etat John Kerry a condamné "des actes odieux et abominables". La Russie condamne elle les "attentats odieux" et les "assassinats inhumains" perpétrés à Paris et est prête à apporter "toute son aide dans l'enquête sur ces crimes terroristes", a déclaré le porte-parole du Kremlin, Dmitri Peskov. Le président Vladimir Poutine a exprimé ses condoléances et la solidarité de la Russie au président François Hollande et à l'ensemble du peuple français, selon l'agence de presse TASS.

Le président de la Commission européenne, Jean-Claude Juncker, s'est dit "profondément choqué". "Nous exprimons notre pleine solidarité avec le peuple de France", a-t-il écrit dans un tweet. "Terribles nouvelles nous arrivent de Paris. Nos pensées aux familles des victimes, notre soutien aux autorités", a souligné sur le réseau social le président du Parlement européen Martin Schulz. "Je suis choqué par les événements de ce soir à Paris", a écrit le Premier ministre britannique David Cameron sur son compte Twitter. "Nos pensées et nos prières vont au peuple français. Nous ferons tout ce qui est possible pour aider", a-t-il dit.

Le Canada est "solidaire de la France" après les "violentes attaques" commises à Paris, a déclaré le Premier ministre canadien Justin Trudeau. La présidente brésilienne Dilma Rousseff s'est déclarée "consternée par la barbarie terroriste". "J'exprime mon rejet de la violence et ma solidarité envers le peuple et le gouvernement français", a-t-elle dit sur son compte Twitter. Le maire de New York Bill de Blasio a exprimé la solidarité des New-Yorkais. "Les New-Yorkais ont le coeur brisé de voir notre cité soeur de Paris encore frappée par des actes insensés de violence, et nous sommes solidaires des Parisiens et de la maire (de Paris Anne) Hidalgo en ces moments tragiques", a déclaré M. de Blasio dans un communiqué.

Dispositions de sécurité en Belgique

Le Premier ministre a décidé, avec le ministre de l'Intérieur et la police d'instaurer le contrôle de la frontière française, des aéroports et du chemin de fer. Un message est par ailleurs envoyé à l'ensemble des polices locales du royaume afin qu'elles soient en état de vigilance. Le contact est assuré avec les polices locales afin qu'elles soient informées

Il n'y a pour l'instant deux Belges parmi les victimes des attentats qui ont frappé Paris vendredi soir, a confirmé Didier Reynders.