Profession: Enquêteurs dans le domaine de l'art

par
Laura
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Trois fois volé, trois fois retrouvé: un tableau d'Alfred Sisley trônait récemment au centre d'une exposition consacrée à une petite unité de policiers et gendarmes français spécialisés dans la lutte contre le trafic de biens culturels.

Le tableau du peintre impressionniste anglais Allée des peupliers près de Moret-sur-Loing (photo) est exposé à Paris sous la protection de deux policiers, au ministère de l'Intérieur. Il faut dire que son histoire incite à le protéger. Spolié pendant la Seconde Guerre mondiale, le tableau prêté par le musée d'Orsay, à Paris, a été trois fois volé.

L'Office central de lutte contre le trafic de biens culturels (OCBC) a été créé il y a 40 ans pour faire face à une augmentation de vols dans les châteaux, églises et manoirs en France. En son sein, 25 policiers et gendarmes traquent les biens culturels volés ou copiés. Depuis 1995, ils sont aidés d'un logiciel, qui recense 91.500 photos et 31 600 affaires. "Nous sommes d'abord des enquêteurs", explique Ludovic Ehrhart, chef de l'OCBC, dont les hommes suivent régulièrement des formations en art. «On s'appuie ensuite sur des experts, le ministère de la Culture, les grands musées».

«Redonner une histoire»

"Un bien culturel volé peut être caché plusieurs années pour lui redonner une histoire", selon le colonel de gendarmerie. "Cela peut durer 10 ou 15 ans, le temps que l'œuvre soit oubliée puis vendue au bout du monde, dans un pays moins surveillé, comme venant d'une collection privée. Une galerie la rachète, puis une deuxième", détaille-t-il. De cette façon, l'œuvre réapparaît sur le marché avec une nouvelle virginité.

Il y a pourtant des tableaux qui n'ont pas le temps de s'évanouir dans la nature. Ainsi, en 2007, trois œuvres de Picasso sont volées au domicile parisien de sa petite-fille Diana Widmaier-Picasso. Grâce à un renseignement anonyme, l'OCBC ne mettra que six mois à coincer les voleurs, arrêtés avec leur butin dans le coffre de leur voiture. D'autres succès ont fait la renommée de l'OCBC, comme en 1987 quand l'office retrouve au Japon quatre tableaux de Jean-Baptiste Corot dérobés à Semur-en-Auxois, ou encore en 1990 quand neuf toiles impressionnistes, dont la mythique Impression soleil levant de Monet, toutes volées au musée Marmottan, à Paris, sont saisies sur l'île Corse.

Mais l'OCBC ne s'occupe pas que de tableaux. "Il y a des cycles dans le monde de l'art, l'activité délinquante suit ces cycles", selon Ludovic Ehrhart. Ainsi, les tableaux et le mobilier sont moins en vogue aujourd'hui, au contraire de l'archéologie. Dans ce domaine, une page nouvelle s'écrit: le Conseil de sécurité de l'Onu a adopté en février la résolution 2199 qui interdit le commerce des biens enlevés illégalement d'Irak et de Syrie, et impose à tous les États membres de prendre des mesures pour empêcher ce trafic. Une résolution qui assimile ce trafic au financement du terrorisme.