Viktor & Rolf, le stylisme en duo

par
Jerome
Temps de lecture 5 min.

Des tulipes venant d'Amsterdam? N'y pensez même pas. En 2005, le duo de créateurs hollandais Viktor & Rolf a lancé son parfum Flowerbomb. Avec cette fragrance, il voulait répandre un message positif partout dans le monde. Il devait être à l'image de leurs créations : une explosion de beauté et de fantaisie, un monde de rêve comme antidote contre toutes les choses négatives qui nous entourent. A l'occasion des dix ans d'existence du parfum, les messieurs ont organisé une soirée glamour à Paris et ont offert une interview exclusive à Metro.

Actuellement, vous ne créez plus que des collections de haute couture. Dans quelle phase de votre carrière vous situez-vous en ce moment ?

Viktor : « Cela commence à être plus relax. Ce changement a été un choix délibéré. Nous voulions nous concentrer sur l'art de la mode et sur notre notoriété artistique, bref faire des choses qui nous plaisent. Nous avions la volonté de nous servir de notre force et de ne pas nous laisser manipuler par les systèmes. »

Vous voulez dire les systèmes commerciaux?

Rolf : « Oui ça aussi mais également les exigences de l'industrie. Constamment devoir créer des collections, les deadlines continues, on trouvait tout cela un peu difficile. »

Viktor : « Ce n'est pas là où réside notre force. Nous sommes des conteurs. C'est ce que nous aimons faire. Nous avons donc décidé de revenir à la couture. Nous avons aussi remarqué que lorsque vous êtes débordé de travail, vous apprenez à prendre plus vite des décisions. Nous en avons tiré beaucoup de leçons. Et nous l'appliquons aussi à nos collections de haute couture. Nous allons bien sûr prendre notre temps mais nous comptons tout de même maintenir l'élan. »

Ici à Paris, le luxe occupe une place centrale. Votre vie est-elle luxueuse ?

Viktor : « J'ai une belle maison mais sinon je mène une vie assez simple. À un moment donné, je me suis dit qu'une Fiat 500 me conviendrait très bien. Avec cette voiture, vous pouvez vous garer partout à Amsterdam. Je n'ai pas besoin de tout ce luxe. »

Rolf : « Moi aussi, ma vie est assez simple. J'ai quand même une belle maison et j'en suis content car j'y passe beaucoup de temps. Je fais aussi beaucoup de vélo et j'ai une voiture d'occasion. »

Votre maison est-elle une 'flowerbomb'? Avez vous la main verte ?

Viktor : « Non, je n'ai pas du tout ce talent »

Rolf : « J'adore les fleurs. Quand j'étais petit déjà aussi. Je les mets moi-même dans un vase comme le fait un fleuriste, je trouve ça vraiment chouette. J'ai fait planter des fleurs dans mon jardin. Depuis lors, j'ai les fleurs les plus diverses qui poussent chaque année.»

En tant que marque internationale, vous êtes la fierté des Pays-Bas. Êtes-vous accueillis partout avec un tapis rouge ?

Rolf : « C'est encore raisonnable. Nous sommes très célèbres aux Pays-Bas mais cela nous apporte peu d'avantages. »

Viktor : « Mais nous restons un peu à l'écart de tout cela. Il est possible de passer à la télé tous les jours aux Pays-Bas. Mais c'est justement une chose que je ne veux pas. »

Vous n'appréciez pas vraiment l'attention médiatique?

Rolf : « Notre travail est notre manière de parler et de communiquer. Cela ne concerne pas notre vie personnelle. »

Viktor : « Nous détestons être sur scène. Mais bon, vous créez quelque chose et vous devez être présent.»

Pendant votre dernier show de haute couture, les vêtements présentés se transformaient en peinture. Les gens comprennent-ils ce que vous tentez de raconter ?

Viktor : « Une fois oui, une fois non »

Rolf : « Parfois, nous avons du mal à comprendre nous-mêmes. Parfois nous avons une idée en tête et elle est interprétée d'une autre manière. »

Viktor : « Mais avec Flowerbomb, nous avons l'impression d'être compris par le grand public. Il ne s'agit pas seulement d'un simple parfum mais aussi

un effort pour tenter d'arriver à un monde meilleur.»

Vous maîtrisez l'art de conter, pensez-vous que cela marchera mieux avec la haute couture qu'avec le prêt-à-porter ?

Rolf : « Oui, avec la haute couture vous pouvez aller plus loin. Avec le prêt-à-porter, il y a toute une industrie derrière et cela nous freinait dans notre manière de travailler. »

Comment gérer-vous les médias sociaux?

Rolf : « Nous sommes sur Instagram mais on y cherche encore un peu notre chemin. C'est assez nouveau. Tout le monde est mieux informé sur la mode. Lorsque nous étions jeunes, il n'y avait rien. Il y avait à peine une émission de télé sur la mode et dans les magazines, ce n'était pas terrible non plus. De nos jours, tout est disponible tout de suite et cela a un effet démystifiant. »

Vous vous considérez donc comme des artistes ratés ?

Viktor : « Non, nous sommes toujours restés dans le domaine de la mode. Même si nos créations sont accrochées au mur, elles seront toujours fabriquées à partir de tissu. On parle de mode. Les gens nous voient comme des artistes de la mode, et c'est ce que nous voulons montrer. »

Rolf : « Ces collections sont très personnelles. Elles sont créées sous nos yeux et nous les voyons évoluer. Nous les adaptons constamment, elles sont donc très proches de nous. Beaucoup plus proches que si elles avaient été créées dans une usine. Elles sont faites d'amour et de précision. »

Comment répartissez-vous les tâches?

Viktor: « Nous ne répartissons rien. Nous partageons tous les bons moments ensemble, mais aussi les moins bons. »

Cela semble être un mariage parfait mais vous n'êtes pas un couple.

Viktor : « Non, nous ne sommes pas un couple. Je ne vois pas de différence entre une marque de mode, un duo ou un couple. Notre amitié est tout simplement très forte et c'est ce qu'il y a de plus beau. »

Êtes-vous romantiques ?

Rolf : «Oui mais le romantisme n'est pas une question de douceur ou de beauté. Le romantisme est compliqué, cela concerne les grands sentiments, avec des hauts et des bas. »

Aimez-vous aussi les drames?

Viktor : « Non je n'aime pas mais ils sont bien là. (rires) Je me suis plongé dans le monde du yoga et cela m'a beaucoup aidé. »

Rolf : « J'ai un psychiatre. Beaucoup de gens en ont un aux Pays-Bas et je pense qu'en Belgique aussi.

Pour moi, c'est très logique. C'est comme un massage spirituel. C'est très agréable de discuter de choses dont vous ne voulez pas parler avec quelqu'un qui est en dehors de votre vie. »