Xaxier Lust : Un designer en pleine action

par
Maite
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Design September fête ses dix ans cette année. Rendez-vous incontournable pour tout amateur du bel objet, il nous propose, du 10 au 30 septembre, près de… 100 événements culturels et commerciaux. Et parmi ceux-ci, une mise en lumière de l'un de nos designers-phare en Belgique, Xavier Lust, mis à l'honneur au Botanique lors d'une exposition monographique à ne pas manquer.

Dans le cadre de Design September, le Botanique vous consacre une rétrospective. C'est une forme de consécration ?

« On dit souvent que nul n'est prophète en son pays. C'est la première fois que dans ma ville, Bruxelles, une exposition monographique est consacrée à mon travail. Je préfère ce terme à ‘rétrospective' plutôt passéiste. Je suis un designer en pleine action. J'ai un certain parcours, plus de 20 ans de carrière, toujours à fond dans le ‘flow' et le flux de mon travail. C'est un regard d'aujourd'hui sur ma démarche. »

Comment s'est-elle construite ?

« En fait, j'avais d'abord pour projet, et depuis plus d'un an, de lancer un deuxième ouvrage avec Stichting Kunstboek, l'éditeur qui avait sorti ma première monographie en 2007 à l'occasion d'une exposition au Grand-Hornu. Puis le Botanique m'a proposé cette exposition fin mai dernier. Tout s'est alors mis en route, et nous sommes parvenus, après un été de travail, à boucler à la fois le livre et l'expo, non sans difficulté. Design September fête cette année ses dix ans, et, pour la première fois, ils ont pensé à moi. Ils cherchaient un événement-phare au Botanique. Au lieu de présenter une exposition collective de jeunes designers comme on le fait régulièrement, ils ont pris ce choix assez fort de me proposer une exposition personnelle. Et j'ai accepté. Notre scénographie sera assez spectaculaire et conçue sur base des contraintes de l'espace. Cette exposition offre une expérience sensorielle et non une simple juxtaposition de pièces. »

Si ce n'est pas une rétrospective, on ne verra pas vos classiques ?

« Si, ils sont présentés parce que j'ai la chance et surtout la volonté de créer des pièces de design hors du temps et des effets de modes, c'est essentiel pour moi. Parfois, après 20 ans de carrière et 15 ans de présence dans des catalogues de marques italiennes, certains modèles sortent de collections -toujours pour des raisons de stratégies commerciales. C'est plus la volonté de l'éditeur que la mienne. Dans cette exposition sont réunies des pièces anciennes et des nouveautés qualifiées d'Art-design. »

L'art-design ?

« Le terme design englobe un vaste monde. Je travaille avec des marques italiennes championnes de la distribution dans près de 60 pays. Elles produisent généralement en Italie les pièces de design à un faible coût pour en vendre le plus possible. À la fin des années 90 est apparu un marché du vintage, un attrait pour les pièces authentiques des années 50-60. C'est un marché qui est devenu intéressant pour les collectionneurs d'art. Et ces derniers ont commencé à s'intéresser depuis les années 2000 au mobilier contemporain de sculpture, donc en édition limitée. Un marché très haut de gamme et très porteur aujourd'hui. Depuis 2004, je collabore avec plusieurs galeries d'art. Les oeuvres de Art Design sont considérées comme des œuvres d'art à part entière, elles sont présentes au même titre dans le marché de l'art. Il y a beaucoup d'heures de travail, je choisis des matériaux nobles et le marché fonctionne sur le phénomène de la rareté. La dimension artistique est plus importante, même si je reste dans une logique de design.»

Qu'est-ce qui pourrait définir votre style ? Sobriété et élégance ?

« Oui, tout à fait, mais aussi des formes qui rappellent celles de la nature et même du corps humain. Ce sont souvent des formes essentielles et élégantes. Mais l'idée sous-jacente est également l'innovation technique. Ce qui m'a vraiment lancé au niveau international, c'est quand j'ai mis au point un technique de pliage 3D qui permet de plier le métal en trois dimensions en créant cette ligne courbe spécifique qui est devenue ma signature. C'est ce qui m'a fait connaître en Belgique et à l'étranger. »

L'innovation précède l'idée de la forme ?

« Les deux vont de paire. L'acte créatif en design est une équation émotionnelle à quatre paramètres: la fonctionnalité, la technologie, la beauté et la culture. Quand j'ai une idée, j'aime autant l'idée technique que formelle. C'est intimement lié. »

Les habitants de Bruxelles vont bientôt découvrir de nouveaux abribus que vous avez conçus.

« Oui, le mobilier urbain est le troisième volet de mon activité. C'est une grande ambition de créer du design pour tous. J'ai gagné ce concours des abribus pour la région Bruxelles-Capitale il y a cinq ans déjà. J'avais réussi à remplir toutes les conditions du cahier des charges qui étaient très nombreuses et parfois surprenantes. »

Les contraintes permettent parfois de booster la créativité.

« C'est une sorte de fil rouge de la création. J'aime les projets pleins de contraintes, elles guident les choix dans le projet. Il n'y a pas d'enjeu dans un projet sans contraintes. Il faut trouver la solution qui rassemble tout et qui transcende la chose. C'est un des plaisirs de mon travail. Pour la première fois, les 19 communes de Bruxelles seront réunies et harmonisées par un même objet de design du mobilier urbain : les abribus. Il a l'originalité d'avoir une toiture qui remonte vers l'avant et qui peut évoquer la houppette de Tintin (rires). Ce projet représente plus des années de travail, d'échanges avec la Stib, de création et d'affinement. »

Pour en savoir plus

Qui est Xavier Lust?

Diplômé en 1992 de Saint-Luc Bruxelles, Xavier Lust ouvre immédiatement son propre studio de Design. Il travaille depuis 2000 avec de nombreuses et prestigieuses marques d'édition internationales dont MDF Italia, Driade, De Padova, Cerruti Baleri, Fiam et Extremis. Féru de technologies, on lui doit une nouvelle technique de pliage du métal qui lui permet de créer de nombreuses pièces dont son célèbre ‘Le Banc'. Cet objet de design hors-norme lui a ouvert les portes de la notoriété internationale. Il est possible de s'asseoir sur ‘Le (s) Banc (s)' notamment au Mont des Arts. Lauréat du concours organisé par la Stib en 2010, il est chargé du design des 2.700 abribus de Bruxelles, qui seront implantés prochainement.

Ph. Serge Anton